Ezeckiel Ҩ Hesther

« Fais gaffe... Planque-toi bien : ils ont des jumelles » J.P Sartre

Plic, ploc... gloup, gloup... Ce bruit désagréable d'eau tombant contre une surface dure, déconcentrait l'avocate depuis une bonne demie heure déjà. Cela lui arracha un énième grognement sourd. D'où ce bruit provenait-il ? Attablée dans sa cuisine, un dossier sous les yeux, elle tentait tant bien que mal et plutôt mal que bien de se remettre au travail. En cette magnifique et chaude journée, elle n'aurait pas dû se trouver ici ; comme tous les habitants de Detroit elle aurait dû trouver refuge sur la plage, dans une piscine ou bien tout simplement au centre commercial. Mais non, elle en avait décidé tout autrement. Ce dossier qu'elle avait ramené du cabinet, pour lequel elle travaillait depuis maintenant trois ans, lui tenait particulièrement à cœur - une sale affaire de harcèlement sexuel, qui avait eu lieu dans un autre cabinet d'avocats – elle ne voulait rien laisser au hasard et ne voulait surtout pas que la partie adverse puisse gagner le procès, à cause de son manque de préparation. La cliente comptait sur elle et avait placé beaucoup d'espoir dans le cabinet Murphy & Thorthon, attendant avec impatience mais aussi angoisse le jour J, celui du procès. Le jour qui la confronterait à nouveau à celui qui, lui avait pris tellement durant ces derniers mois. Hesther ne permettrait pas à une ordure pareille de s'en sortir à bon compte. Alors elle travaillait d'arrache-pied, sans relâche, furetant là où il ne fallait peut-être pas, cherchant la petite bête afin de ne laisser aucune chance à son adversaire. La jeune avocate ne pouvait s'empêcher de faire le parallèle avec sa propre histoire – la violence de son ex mari - elle se disait aussi que cela pourrait très bien arriver là où elle travaillait. A cette idée, un frisson d'effroi lui parcouru l'échine. Le monde était selon elle de plus en plus fou ; de plus en plus de timbrés partout, même là où on ne les attend pas.

Glip, glop, gloup, gloup... N'y tenant plus, d'un geste bondissant, elle descendit de son perchoir, puis commença son inspection des lieux. Maudit robinet qui ne devait pas être fermé convenablement. Et bien non, visiblement ce n'était pas ça. D'un geste brusque elle ouvrit la porte du placard se situant juste en dessous de l'évier de la cuisine. Vision horrifique d'une mare s'étant formée juste là, noyant les produits d'entretiens. Du carton mouillé en veux tu en voilà, ressemblant maintenant à du carton pâte pré-mâché... délicieuse vision, et un bon nettoyage forcé s'imposant. Quelle veine. Quelle poisse. Maintenant agenouillée, dans une position un peu ridicule, qui pourrait laisser croire à une sorte de prière censé invoquer on ne sait trop quelle déesse - peut-être celle du lavabo – elle tentait de déceler la provenance de cette micro-inondation. A tâtons, la tête sous l'évier, elle passa sa main sur les différents tuyaux en plastiques. Bonne pioche. Un mince filet d'eau lui dégoulina le long du bras. Sensation plus que désagréable. Ne réfléchissant pas vraiment à ce qu'elle faisait ou pourrait faire, ce qui dans le fond revenait au même, elle se mis en quête de resserrer le tuyau à l'aide de ses petits bras. Mauvaise idée. Une gerbe d'eau lui sauta au visage, elle se retrouva trempée en moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire. D'un geste rapide et pour éviter de se faire mouiller encore plus, elle voulu sortir la tête de là dessous et en oublia le rebord de l'évier. Le choc de l'impact résonna dans tout son crâne. Un peu sonnée, elle parti en direction du placard à balai, se frottant la tête, une petite larme perlant au bord de sa paupière droite.

Rapidement elle revint avec un seau, qu'elle plaça sous l'évier en question avant de partir au pas de course sonner chez le voisin afin de demander de l'aide. Croisant les doigts pour qu'il soit là, elle frappa vivement à sa porte. Toc, toc, toc. Un bref regard à ses propres vêtements, lui indiqua que son short en jean ainsi que son T-shirt gris étaient tout aussi trempés l'un que l'autre, à croire qu'elle revenait d'un stupide concours de T-shirt mouillé. Dans la précipitation, elle n'avait pas pris la peine de se sécher ne serait-ce qu'un peu. Magnifique vision qu'elle allait offrir à Ezeckiel dès que la porte serait ouverte. Un instant durant, elle eût envie de s'enfuir en courant, peu importe que le sol de sa cuisine soit inondé, elle voulait juste éviter l'humiliation qu'elle allait subir. Elle qui prêtait toujours une certaine attention à son image, pour le coup c'était plutôt raté. Une gouttelette d'eau lui dégringola du front, puis s'écrasa au sol, alors qu'elle attendait toujours devant la porte, que son voisin qu'elle appréciait beaucoup, manifesta un signe de vie. Un rapide passage de la main dans ses cheveux, lui fit prendre conscience qu'il ne restait pas beaucoup de parcelle de son être qui ne soit pas trempé. L'horreur à l'état pur. S'en aurait presque été amusant, si elle n'avait pas déjà fait un nombre incalculable de boulettes avec le jeune homme. Leur rencontre lui revint alors en mémoire, un sourire s'afficha sur son visage...

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Hester Ҩ Ezeckiel

« Tout s'excuse ici-bas, hormirs la maladresse. »

Ezeckiel se maudissait, il lui fallait vraiment une femme de ménage, c’était une chose inévitable. Sa nouvelle demeure était immense, et alors que déjà dans un appartement il avait du mal à combattre la poussière, ici, il ne s’en sortait plus du tout. Entre les moutons de la pièce inutile et la flaque d’eau qu’avait fait Adam en sortant du bain, il détestait vraiment le ménage. C’était une chose abominable, il aurait préféré se battre avec une cinquantaine de russe plutôt que de faire de nouveau le ménage dans cette maison. Il avait encore les pots de peinture qui avaient servis à repeindre la chambre d’Adam la veille, pas vraiment réveillé il chouta dans le vert qui s’éparpilla sur le parquet tout juste poncé. Il jura, en se haïssant d’être aussi énergique. Il aurait un petit pied tout fragile, il ne se serait rien passé, juste une fracture et hop à l’hôpital. Non, lui il avait bousillé son parquet. Il ne pouvait pas mettre d’eau dessus, de peur que le sol gonfle, il se mit donc à essuyer toute la peinture avec des chiffons et autres. Pourquoi, on n’apprenait pas aux agents secrets à faire le ménage ? Il savait presque tout réparer, mais personne n’avait jugé malin de lui apprendre toutes les ficelles du ménage. Il admirait tellement sa grand mère qui avait nettoyé toutes ses bêtises pendant tellement d’année sans aide de personne alors que lui, il lui fallait absolument quelqu’un pour se débarrasser d’une simple saleté.

Le jeune homme se promenait donc chez lui en caleçon, alors que son fils était chez un ami et heureusement vu l’état dans lequel se trouvait Eze’. De la peinture un peu partout sur lui, les yeux à moitié fermé il était énervé et s’affala ainsi sur son canapé en allumant la télé tombant directement sur la chaîne enfant. Au départ il n’eut pas le réflexe de changer, il était fou de voir à quel point les dessins animés du matin étaient mauvais. Le coyote courant après le bip bip qui s’en sortait toujours miraculeusement le renfrogna plus que ce qu’il n’était déjà. Il prit donc la zapette et tomba sur les informations, moins distrayant mais lui plaisant beaucoup plus. Mais il n’y avait pas grand chose d’intéressant méritant assez son attention. Le sommeil commençait à le gagner alors que le bordel de sa maison n’était toujours pas rangé. Le son de la télévision s’éloignait de plus en plus et sa vision se troublait. Il sommenola durant un bon quart d’heure jusqu’à ce que quelqu’un frappa à la porte du manoir Green.

Il se leva en sursaut de son canapé, affolait par le désordre qui régnait dans cette maison. En réalité elle n’était pas horrible, mais pour sa part, on aurait pu croire qu’il avait bien besoin de passer à la douche et de bien bien frotter. Paniqué, sans savoir qui avait frappé, il avait les mains sur la tête, comme un petit garçon qui cherche à cacher une bêtise. Il sauta rapidement chercher un t-shirt et enfiler un pantalon avant de redescendre pour pouvoir ouvrir. Il avait un t-shirt propre mais les bras pleins de peinture et son jean était celui utiliser le jour d’avant pour peindre. Il haussa les épaules et prit la poignée pour ne pas faire plus attendre la personne derrière la porte.

Une fois la porte ouverte, il regretta de ne pas avoir pris plus de temps pour se préparer. C’était sa voisine, Hester, une plutôt jolie voisine qui avait l’air autant embêté que lui. Elle était trempée de la tête au pied, et ironiquement, cela fit rire le jeune homme qui n’avait pas vraiment une allure plus spectaculaire. « Bonjour, chère voisine. Vous semblez avoir un problème d’eau, je me trompe ? » Très observateur l’enfant ! Il se frotta les yeux, ayant du mal à se réveiller. Il se bénit qu’Adam ne soit pas là, regarda, l’intérieur de sa maison et regretta de nouveau de ne pas avoir rangé un minimum, comme les jouets de son fils, au lieu de dormir. Mais être un père, c’est quelque chose qui s’apprend et ce n’est pas de tout repos, surtout quand il n’y a pas de maman. « Je peux t’être utile en quoi que ce soit ? Tu veux rentrer ? Prendre une serviette ou ta fuite est vraiment importante ? ». Il avait un petit sourire charmeur qui ne le quitter pas. Ses paroles étaient polies et taquines mais absolument pas méchante ou quoi que ce soit d’autres.

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Un rapide coup d’œil à la porte d'entrée du manoir, lui colla une chaire de poule monstrueuse. Ce genre d'endroit n'était pas pour lui rappeler que de bons souvenirs. Un frisson lui parcouru tout le dos, alors qu'elle pensait à son ex mari. La maison des larmes ; la maison qu'elle avait habité avec Mark, ressemblait énormément à celle-ci. Soudainement, elle ne se sentait plus aussi bien qu'il y a encore quelques minutes. Plutôt malin de sa part que de se coller le bourdon... toute seule et sans l'aide de personne qui plus est. Pour se redonner une certaine contenance – tout du moins autant que ses habits trempés le lui permettait – elle secoua légèrement les bras, comme pour faire sortir par le bout de ses doigts, les souvenirs peu agréables qui venaient de l'assaillir.

A nouveau, elle toqua à la porte, persuadée qu'il n'y avait personne. C'était bien sa veine. Tournant légèrement les talons, l'avocate s'apprêtait à rebrousser chemin - à la vitesse de l'éclair afin d'aller vérifier l'étendue des dégâts de sa cuisine - lorsqu'un bruit de clef se fit entendre dans la serrure, de l'autre côté de la porte. Revenant dans sa position initiale, une délicieuse vision s'offrit à elle. Son voisin venait apparemment de se battre avec un alien. De la peinture verte maculait ses vêtements, ainsi que ses avants bras. Plutôt tordant de constater qu'elle n'était pas la seule à ne pas être sur son 31. Sur l'instant, elle se senti un peu moins idiote d'offrir une piètre image d'elle-même. Un large sourire vint fendre ses traits, au moment où Ezeckiel pris la parole. Très bonne déduction de sa part, en même temps cela n'était pas franchement difficile de déterminer la nature de son problème, au vue de sa tenue.

« Bonjour Ezeckiel, je m'excuse de te déranger... tu es très perspicace aujourd'hui dis moi. Comment as-tu fait pour tomber de la sorte, en plein dans le mille ?  D'ailleurs laisse moi te demander si tu ne t'es pas battu avec un schtroumpf vert ? » C'était purement ironique bien entendu, elle marqua la fin de sa phrase par un clin d’œil complice. Visiblement, il avait dû s'assoupir au beau milieu de la tâche qu'il était en train d'accomplir - soit dormir en pleine peinture - il avait les yeux de ceux, qui viennent tout juste de se réveiller en sursaut. La jeune femme l'imaginait, les bras trempant dans les pots de peinture, somnolant à moitié. Vision un brin comique. Revenant sur terre, elle hocha la tête, en signe d’acquiescement, aux propos de son voisin. « Étant donné que tu es bien plus doué que moi en plomberie, il y a fort à parier que tu me seras d'une grande utilité... enfin si tu es libre bien entendu. Elle désigna les traces de peinture d'un geste du menton. Un large sourire vint illuminer son visage. C'est avec plaisir que j'aurais accepté ta proposition en temps normal, mais je pense qu'il est préférable d'aller le plus rapidement possible dans ma cuisine. J'ai placé un seau sous l'évier, mais je crois qu'il sera vite rempli, si tu vois ce que je veux dire. J'ai voulu resserrer un tuyau, malheureusement ça n'a fait qu'amplifier la fuite, d'où mes vêtements trempés, dit-elle en tirant quelque peu sur son T-shirt. Adam n'est pas avec toi ? Enfin s'il est là, il peut venir ce n'est pas un problème, je m'occuperais de lui en attendant. »

Était-ce vraiment une bonne idée que cette suggestion ? Pas vraiment, si on jugeait ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'Hesther avait eu la garde du petit Adam. Ce petit chenapan avait échappé à sa vigilance, histoire de lui faire une bonne blague, mais surtout une bonne frayeur, il était allé se cacher sous le rayonnage d'une boutique de prêt à porter, sur Woodward Avenue. Sale garnement. Après coup c'était plutôt amusant, mais sur l'instant, la jeune femme riait jaune. Elle se rappela avec horreur le sentiment de stress et d'angoisse, qui l'avait envahi alors qu'elle tentait tant bien que mal de cacher à Ezeckiel sa boulette. Depuis, c'était un secret entre le petit garçon et elle, bien qu'elle soit persuadée que ce dernier n'ait su tenir très longtemps sa langue, se hâtant avec une joie non contenue de raconter son exploit. Quelle piètre gardienne d'enfant tout de même, un instant à peine d'inattention et pof... plus d'Adam. Cela s'était passé tellement vite, qu'elle n'avait même pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Tout un tas de pensées plus horribles les unes que les autres lui avaient alors effleuré l'esprit. Et si il avait été kidnappé, et si, et si... Heureusement qu'elle n'était pas mère, elle aurait alors souvent connu ce genre de déboire.
Hesther tenta de chasser de son esprit cet épisode un peu spécial, attendant bien patiemment la réaction de son voisin. Voisin bien fait de sa personne.

Abandonné, verrouillé & archivé.