t'as du talent ! ... je te veux !
« serena & iseult »

Lecture assidue, les mots fluides s'enchaînaient les uns aux autres dans une parfaite harmonie de sons. Un embrigadement des lettres qui lui plaisait beaucoup. Malgré son emploi à plein temps qui la privait souvent de repos ou de petits temps libres, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de lire, dès qu'un créneau se libérait. S'était une évasion magnifique et sortir de son quotidien était toujours admirablement exécuté grâce à diverses ouvrages. Le papier qui glissait entre ses doigts n'appartenait peut-être pas à un grand roman ou à une simple histoire mais cela était tout aussi créateur de bonne humeur. Les mots inscrits la firent sourire en même temps qu'elle en admirait la qualité et la véracité. Ce n'était pas de la littérature, pas vraiment non plus quelque chose de totalement innovant mais à travers les mots perçait le talent. Il ne lui avait fallu qu'un paragraphe pour le comprendre et elle avait, à la suite, dévoré le dossier entier. Ce n'était pas courant et, encore moins courant qu'elle ne lise des travaux d'élèves mais, lorsqu'elle avait décidé de répondre à l'appel d'un de ses confrères qui enseignait à l'Université de Détroit, la jeune femme s'était su d'avance perdue. Elle aimait lire, elle aimait fouiner, elle aimait savoir. Alors que son collègue était parti chercher un breuvage bien noir à la cafétéria, Iseult, restée seule dans l'amphithéâtre n'avait pu s'empêcher de jeter un oeil aux dossiers éparpillés sur le bureau. Deux seulement avaient retenu son attention dont un parce qu'il était rempli de fautes plus bêtes les unes que les autres. Un seul, avait su la captiver. « Je pourrais avoir une copie de ce devoir ? » Son collègue revenait et aussitôt, la brune faisait des siennes pour obtenir le document, le tenant fièrement en main. L'homme s'apprêtait à répondre quelque chose, elle l'interrompit : « Je sais bien que ce n'est là qu'un travail d'étudiant mais il y a vraiment quelque chose. La personne a cette fibre qu'il me faut. S'il te plaît. » On pouvait dire qu'elle était arrogante, souvent froide et peu sympathique, hautaine et particulièrement fermée mais lorsqu'il s'agissait d'obtenir quelque chose, Iseult savait se montrer persuasive et charmante. Elle connaissait le béguin de son collègue pour le métier de journaliste. Elle savait aussi qu'il ne lui refuserait rien en sachant qu'elle pouvait considérablement faire entendre sa voix et l'appuyer lorsqu'il retenterait l'entretien d'embauche auprès de Monsieur Crossman, le paternel d'Iseult. Elle lui fit un grand sourire, patienta tout juste un quart de seconde avant qu'il n'accepte de lui faire transmettre une photocopie du devoir dans les plus brefs délais. Heureuse, la jeune femme bavarda un peu avec le professeur avant de rejoindre la tower.

« Je t'en prie, j'en ai vraiment besoin » Dans ce bureau qu'elle haïssait, la jeune femme tentait d'obtenir gain de cause. Les cents pas, elle se fichait pas mal de donner le tournis à la personne assise au bureau. « Je t'assure que cela ne dérangera rien, je m'en porte garante. » Stoppée dans sa course, elle se voulait persuasive. Il le fallait, elle tenait absolument à offrir une opportunité à des jeunes prometteurs, à une jeune prometteuse. « Iseult, la maison n'a jamais offert ce genre de chose et tu sais bien que tu ne pourras pas surveiller chacun de ses faits et gestes. Je ne veux pas d'un boulet à tes pieds. » Elle ricane à ses mots. « Des deux, le boulet, c'est toi ... » Murmuré dans un grincement sinistre, la jeune femme lui en voulait de toujours la bloquer dans ses démarches. « Écoute, elle est prometteuse, bien plus que certains qui ont réussi le concours, je tiens à lui offrir cette chance de réussite avant même qu'elle ne sorte avec son diplôme. Je devrais bien sûr obtenir son approbation et sa collaboration mais s'il te plaît, ne me refuse pas ça. Laisse-lui une chance, laisse-moi une chance de la former correctement, de la faire travailler avec les meilleurs de la tower, j'en suis capable. » Avait-elle mis suffisamment de conviction dans ses mots ? Elle allait le savoir. Il soupira, ouvrit un tiroir, sortit une feuille, signa, tamponna du sigle de la chaîne. « Tu as une semaine pour la convaincre, pas plus. Et pour ce qui est de sa formation, commençons avec un mois. Si dans ton rapport et celui de tes collègues je constate qu'elle a été exemplaire, un autre délais lui sera peut-être accordé mais attention, c'est à cette seule condition d'exemplarité. » Il lui tendit le bout de papier, un air inquisiteur portée sur elle comme s'il la sondait. Comme il le faisait dès qu'il souhaitait savoir le fond de ses pensées. « J'espère que tu sais dans quoi tu t'engages. » Trop heureuse d'avoir obtenu ce sésame, elle hocha juste la tête en s'emparant de la feuille. Une chose de faite. Il lui restait à convaincre la principale intéressée. Elle grimaça. C'était la partie la plus dure. « Merci papa. » La jeune femme sortit du bureau, reprenant son véhicule jusqu'à l'Université où elle espérait trouver la jeune personne.

De l'auteur de ce devoir, elle ne connaissait que le nom, Serena Gomez. De celui-ci, elle en déduisit des origines espagnols ou mexicaines. Elle ne pouvait rien tirer d'autre de ce simple nom. Iseult devrait se débrouiller pour trouver la jeune femme par ses propres moyens. Elle interrogea quelques personnes et finit par se faire indiquer un amphithéâtre. Les minutes s'écoulèrent. Les étudiants finirent par sortir. Par vague, ils semblaient impatients de rentrer chez eux. Elle espérait que cela ne lui porterait pas préjudice dans son plaidoyer. Une demoiselle Gomez qui voudrait rentrer chez elle et la brune perdait déjà quelques points et beaucoup de son attention. Enfin, elle reconnut dans la description d'un professeur la jeune Serena. Se plaçant face à la sortie, Iseult afficha un grand sourire et s'avança, tendant une main, procédurière :

ISEULT ▬ Mademoiselle Gomez ?

Serena tapotait son cahier avec la gomme de son crayon de papier depuis plus d’une minute déjà. Le cours d’économie, le pire. La jeune fille s’y était inscrite dans le simple but de pouvoir mieux comprendre de quoi il s’agissait lorsqu’elle lisait ce type de rubrique dans les journaux, grossière erreur. Les chiffres, les notions, tout l’ennuyait, elle préférait et avait toujours préféré d’ailleurs, la littérature, les langues étrangères et l’histoire. Un sourire s’afficha sur son visage, bien sur ses cours d’histoire étaient hors du commun. Lorsqu’elle avait voulu s’inscrire beaucoup de personnes qu’elle connaissait lui avaient affirmé « Inscrit toi chez Collins, tu verras il est fun ! », et c’était bien le cas de le dire. Le cours d’histoire sur l’Egypte et sur la façon dont Carrey Sullivan avait été entouré de bandelettes puis mit dans un sarcophage, avait été tout simplement épique, une bonne crise de fou rire. Tout comme la fois où ce bon vieux Nathanael était venu faire son cours déguisé en Batman. Il était hilarant, et il n’était pas désagréable à regarder, une autre raison qui avait penché dans la balance lorsque Serena avait hésité entre participer aux cours de Mr Smith et aux siens, c’était sur qu’entre un professeur bedonnant aux cheveux gris, et un professeur dynamique de 28 ans il n’y avait pas photo.

Evidemment, le fait qu’elle appelle le professeur par son prénom n’était pas un hasard, elle était la seule à le faire dans sa classe; bien qu’elle s’en abstenait en public. Pourquoi ? Tout simplement parce que Nath et elle avaient été plus que proche dans sa salle de classe une fois les cours finis et les classes vides, histoire d’être implicite. La jeune espagnole se sentait assez coupable mais qu’importe, cela ne signifiait rien pour elle et puis elle voulait oublier Chuck qui était partit en la laissant seule comme une mal propre. Les sentiments étaient quelque chose que Serena devait apprendre à rayer de sa liste, et le pire c’est qu’elle avait affligé la même chose à Seth, il y avait deux ans de cela, elle ne se le pardonnerais jamais.

La cloche retentit en l’arrachant de ses pensées, libération ! C’est avec un empressement non dissimulé que Serena fourra ses affaires dans son sac et sortit de sa salle de cours, bousculant des élèves et en saluant d’autres d’un signe de main au passage. Elle rejoignit Sarah qui se tenait là, à l’attendre comme d’habitude, « Serena ! Je voulais savoir si ton frère allait passer à la fête de ce soir. » Serena haussa les sourcils d’un air perplexe, « Ca dépend du quel tu parles. », avait-elle répondu d’un ton neutre, elle savait très bien que Sarah parlait d’Enrique, son frère de 21 ans, mais elle préférait la laisser patauger dans la semoule, elle savait que Sarah craquait littéralement pour lui. « Heu.. D’Enrique en fait… j’avais pensé que puisque tu venais… », la blondinette en face de Serena devenait rouge écarlate, alors pour ne pas faire durer le malaise plus longtemps, l’espagnole conclua, « Oui je lui dirais de passer si tu veux, mais n’oublie pas qu’Altaïr viens aussi ! Je vais te laisser, je suis pressée. A ce soir ! ».

D’un pas rapide, Serena s’éloigna de son amie et se dirigea enfin vers la sortie du batiment principal de l’université. C'était faux elle voulait se débarrasser d'elle. Décidemment, elles en étaient toujours après ses frères, mais comment dire… quoi de plus normal ? Ils étaient tous beau à tomber, mais chacun à leur façon. Soudain, sans que Serena ne le remarque tout de suite, une femme l’intercepta, « Mademoiselle Gomez ? », Serena s’avança vers la femme brune qui se tenait en face d’elle toute sourire qui lui tendait la main. Main qu’elle serra par politesse, « Oui c’est moi. » Serena ajusta une de ses mèches de cheveux, elle n’avait jamais vu cette femme, une nouvelle prof ? Si cela se trouvait elle avait fait quelque chose, ils avaient du la voir avec Nath, ou voir Serena et ses amis fumer dans l’enceinte de l’université, oui parce que sortir pour une malheureuse cigarette, c’était beaucoup trop demander. La jeune fille prit immédiatement un air innocent, « Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Je peux tout expliquer. » ou l’art et la manière de se vendre avant que la personne en face d’elle ne l’ait accusée de quoi que ce soit, vraiment Serena, bravo.

Enfin, une chance d'offrir à autrui ce qu'elle avait pu avoir. Une chance d'évoluer dans un univers qui offrait chaque jour des nouveautés et des découvertes grandissantes. Elle se savait chanceuse, une chance qui ne tournerait pas de sitôt et en faire profiter quelqu'un d'autre était un bel objectif. On avait beau la dire froide, directe, cassante, autoritaire et dirigeante, elle n'en restait pas moins une personne sensée, une personne qui tentait de ne pas rester l'égoïste fille riche, cette étiquette qu'on lui avait collé dès la naissance. Il n'était jamais facile de se défaire des à priori et nombreux étaient-ils ceux qui circulaient sur sa classe sociale et sur sa famille même. Comment faire pour se débarrasser d'eux ? Le pouvait-elle seulement ? Certainement que non mais au moins se sentait-elle fière de savoir les ignorer. Railleries comme insultes lui passaient au dessus de la tête. La jeune femme faisait sa vie comme elle l'entendait et peu importait le regard des autres … en général. Ses proches avaient bien sûr le privilège de compter pour elle et Iseult tenait à rester elle-même face à eux et ne pas les décevoir. D'un coté, cela pouvait paraître bien absurde comme comportement mais cela lui amenait une certaine stabilité. Stabilité dans son travail, dans sa vie et dans son compte en banque. Dans son compte en banque surtout d'ailleurs ! Et bien sûr, avoir la satisfaction de voir son travail accompli et bien fait, cela rajoutait du positif au reste.

Ainsi donc, elle souhaitait faire partager son expérience à autrui. La jeune femme voulait pouvoir partager son savoir et ouvrir des portes à des éléments prometteurs. Serena Gomez était l'un de ces éléments prometteurs. Son essai, son devoir, son écrit … était tout simplement dans la vision du monde journalistique. La jeune fille se prédestinait d'ailleurs à quelque chose de similaire d'où le fait que cela pourrait lui être profitable. Iseult savait glisser sur une pente raide et n'avoir que peu d'accroches. La jeune Serena allait devoir comprendre vite et donner réponse à sa requête. Le patron de la chaîne ne lui laisserait pas d'autre chance et elle pouvait dire à un ou une apprentie pour le reste de sa carrière. Pourtant, c'était véritablement quelque chose qui lui tenait à cœur. Elle priait presque que la demoiselle donne une réponse favorable. Elle n'était pas croyante mais à l'instant, elle aurait pu se convertir à n'importe quelle religion pour peu que cela lui apporte la finitude recherchée. Même une secte de fanatiques, amoureux du lapin lui conviendrait, pour dire !

Face à la jeune fille, Iseult fut ravie de constater que celle-ci semblait plein d'entrain et ne se laissait pas aller à la tare de sa génération, laxiste, relâchement de tous les neurones, faible motivation pour tout hormis bien sûr ce qui pouvait leur assurer un moment de festivité intense. Finalement, cela avait peut-être été de tout temps, c'était juste plus remarquable aujourd'hui malgré les exceptions, un peu comme Serena. Vraiment la jeune femme espérait ne pas faire d'erreur en proposant une telle chose à la demoiselle Gomez, elle priait de nouveau pour. Le temps n'était plus à rebrousser chemin, le compte à rebours était lancé et elle venait de s'adresser à l'étudiante. Maintenant certaine de s'adresser à l bonne personne, Iseult allait enchaîner sur le pourquoi de sa venue mais la jeune fille la devança.Elle paraissait gênée et si elle ne se tortillait pas, c'était tout comme. Un peu comme un poisson hors de l'eau, la journaliste avait du lui faire peur. Peur ? Avait-elle quelque chose à se reprocher ? … La curiosité est un bien grand défaut disait-on, Iseult l'avait sans conteste. Soudain curieuse de savoir ce que la jeune fille avait à se reprocher, elle décida de s'amuser un peu. Serena avait déjà peur d'une sentence et se défendait de n'avoir rien fait. Bien trop rapide pour être honnête … bien trop envie de se disculper pour n'avoir rien fait de reprochable. Qu'était-ce donc ? Tricherie ? Alcool ? Drogue ? Un sale coup à une autre étudiant ? Les possibilités étaient multiples. Un sourcil levé en signe d'interrogation :

ISEULT ▬ Et que pourriez-vous expliquer mademoiselle Gomez ?

Surtout, garder un air sérieux sur le visage, c'était la clé. La jeune femme rigolait déjà intérieurement, elle s'amusait presque aux dépends de la jeune fille mais pour tout dire, les jeux les plus courts étaient les meilleurs ! Elle n'avait pas que cela à faire que de savoir si la demoiselle avait osé fumer dans l'enceinte de l'université ou même de boire un verre contenant autre chose que de l'eau. C'était loin d'être grave et Iseult avait fait pire … Elle n'allait pas se formaliser parce que la Serena qu'elle pensait prometteuse n'avait pas tout à fait été cette élève modèle. D'un geste rapide, elle se retourna préférant bavarder avec la jeune fille dans un endroit plus calme et moins peuplé, un endroit tranquille.

ISEULT ▬ Vous me suivez s'il vous plaît ?

Politesse, gentillesse dans la voix, elle espérait bien que Serena la suive. Elle savait déjà où aller, une chance de connaître l'université par cœur et d'y avoir elle-même étudiée ! Déjà, elle partait vers un amphithéâtre qu'elle savait vide à cette heure, ouvrit la porte, attendit que la jeune fille entre dans l'espace de cours.

Le cœur de Serena battait la chamade, si elle se justifiait sur la fait d’avoir fumer dans l’enceinte de l’université et que ce n’était pas de cela que cette femme parlait, elle remuerait le couteau dans la plaie plus qu’autre chose. Les idées et les interrogations fusaient partout dans la tête de la jeune fille, elle se sentait plus idiote qu’autre chose. Si cela se trouvait cette femme n’était au courant de rien, et elle venait la voir pour lui proposer un spot publicitaire. De toute façon la mère Gomez avait été très claire, « No firme nada sin mi permiso ! » ( On ne signe rien sans mon accord !) Quelquefois, Serena trouvait cela comique que son père qui était le styliste de la marque était beaucoup moins stressé que sa mère qui gérait les à côté. On aurait pu appeler simplement la firme de magasins «  Carmen Gomez », cela aurait été plus approprié. Serena passa ses doigts dans ses cheveux, elle allait jouer avec la subtilité, « Ca dépend de ce que vous voulez que je vous explique. », avait-elle dit d’un ton assuré. Elle avait l’habitude de manier les mots pour s’en sortir, c’était comme cela qu’elle arrivait à embrouiller ses parents, la plupart du temps. Mais avec ses parents elle avait un avantage qu’elle n’aurait surement pas avec cette femme là, oui elle utilisait toujours des tournures de phrases en anglais compliqué, et vu que ses parents avaient encore du mal avec ca et même si cela faisait neuf ans qu’ils habitaient en Amérique, leur anglais était tout sauf parfait. Même Serena avait encore un accent assez prononcé, mais elle était celle qui l’avait le moins avec son petit frère, étant donné qu’ils avaient débarqués ici depuis plus jeune.

« Vous me suivez s’il vous plait ? », Serena hocha la tête d’un air entendu. Cette femme n’avait pas l’air de lui vouloir des ennuis, elle avait de la gentillesse dans la voix. La jeune fille nota que cette dernière semblait connaitre l’université. Et merde, elle allait la conduire dans un bureau ou une chose dans ce genre, histoire qu’on lui fasse un sermon et qu’on l’exclue pour mauvais comportement. Serena suivit la femme brune dans l’amphithéâtre dont elle avait ouvert la porte. La jeune espagnole entendait ses talons résonner dans l’immense espace de cours vide. Elle était vraiment plus qu’intriguée par la situation. Elle s’éclaircit la gorge, « Je ne voudrais pas être impolie mais… qui êtes-vous ? Et pourquoi me demander de vous suivre dans cet amphi vide ? », demanda-t-elle d’un ton poli. Elle n’avait rien à craindre ca c’était sur, non la question était, qu’est-ce que pouvait bien lui vouloir cette bonne femme, qui avait l’air de sortir tout droit d’un bureau important. Serena joua avec quelques m^ches de ses cheveux en attendant la réponse de son interlocutrice. Elle ne voulait pas la fixer ou la détailler pour ne pas manquer de respect, alors se contente de jeter quelques coup d’œil à cette femme très élégante en face d’elle. Quoiqu’elle lui dise de toute façon, elle n’était pas perdue même si au fur et à mesure que le temps passait, elle se rendait compte qu’elle ne voulait pas vivre au crochet de ses parents indéfiniment. Même s'ils lui répétaient qu'elle n'avait pas besoin d'aller à l'université. Non, elle ne voulait pas rester là à se pavaner indéfiniment pour l'entreprise que ses parents avaient construite. C'était leur oeuvre pas la sienne.

C'était bien, très bien même. La jeune fille était pleine de vie, ne se laissait pas faire, avait du répondant ! Des qualités appréciées dans le domaine du journalisme. Une raison de plus pour faire d'elle une stagiaire. Iseult était plutôt contente d'elle. Elle avait réussi à voir en un simple devoir, la jeune personne qui se tenait là face à elle. C’était une véritable réussite et Serena serait plus que certainement la personne qui lui fallait dans son équipe. Le doute disparaissait de seconde en seconde. Ce qui amusait fort Iseult était sans doute de faire craindre mille choses à la jeune femme avec son ton strict et néanmoins neutre. Comme tout jeune, des choses étaient sans doute à lui reprocher et si la journaliste se moquait pas mal de connaître tous les déboires d’une jeune adulte, la faire mariner jusqu’à ce qu’elle soit à point était quelque chose qui l’intéressait autant que l’amusait. Simple petit plaisir de la vie. Elle n’était certainement pas un ange et aimait fortement trouver son petit bonheur au dépend des autres et si elle ne ferait volontairement grand mal à quiconque, une petite blague même sombrement cassante lui plaisait.

Iseult ne douta pas que lorsque Serena devinerait qu’elle n’était ni professeur, ni même employée de l’université, ses soupçons se porteraient sur autre chose de plus personnel. Bien sûr, en venant ici, la journaliste avait en main toutes les informations nécessaires sur sa protégée et même si tout vautour qui se respecte se serait enquis des nouveautés concernant la famille Gomez, cela indifférait pour le moment Iseult qui ne venait là qu’en tant que « pseudo-manager ». Entraînant à sa suite l’étudiante, elles entrèrent dans la grande salle avant que la jeune femme ne se tourne vers Serena. Ses questions la firent sourire et c’est tout simplement qu’elle invita la demoiselle à s’asseoir sur le premier venu. Iseult posa la mallette qu’elle tenait depuis le début sur le bureau, la table réservée aux enseignants avant d’en sortir son dossier. Elle le posa nonchalamment, regardant plus l’étudiante avant de lui répondre :

ISEULT ▬ Je suppose que vous avez remarqué que je ne fais pas partie du corps enseignant ? Évidemment …

Petit sourire entendu, elle reprit la pochette marron en main avant de la tendre tout simplement à Serena. Qu’elle l’ouvre, il serait sans doute drôle de voir sa tête lorsque son devoir apparaîtrait, feuilles soutenues ensemble par une agrafe à laquelle s’ajoutait une simple photo de l’étudiante.

ISEULT ▬ Vous pouvez partir tout de suite mademoiselle Gomez ou simplement m’écouter. Je n’ai aucun droit de vous retenir ici, sachez-le mais je tenais vraiment à vous parler alors, soit vous disparaissez maintenant, soit vous me laissez, vous expliquer le pourquoi de ma présence et de ce dossier.

Un léger sourire sur le visage de la jeune fille, cette femme savait y faire, et elle avait bien faillit se faire avoir. Seulement maintenant, Serena se doutait bien qu’en s’étant montrée si coupable, elle avait eut tout faux. Elle entreprit de s’asseoir comme cette femme lui avait gentiment demandé, mais pour le coup, elle trouvait cette situation assez étrange. Elle voulait éviter tout malentendu, si cette femme pensait pouvoir atteindre les parent par le biais de la fille elle se trompait, et Serena considérait réellement le fait d’appeler son frère Juan à la rescousse. Elle voulait mettre les points sur le i dès le départ, elle ne voulait pas faire perdre le temps de cette femme , ni perdre le sien par la même occasion. La jeune fille planta son regard dans celui de on interlocutrice. « Vous savez s’il s’agit d’un partenariat ou quelque chose du genre, il vaudrait mieux vous adressez à ma mère, c’est elle qui gère tout ça.  L’agence est dans Woodward Avenue, je peux vous laisser une carte si vous voulez. » Serena se mit à fouiller dans son sac, il devait bien y en avoir une quelques part, entre les innombrables objets en tout genre qui s’entremêlaient joyeusement dans le bagage. C’est à ce moment là qu’elle leva la tête saisissant un dossier que lui avait tendu la femme en question. D’un geste lent, elle l’ouvrit pour y découvrir avec stupéfaction une de ses photos d’identité, qu’elle détestait d’ailleurs, ainsi que son dernier devoir d’anglais. Serena n’avait jamais pensé avoir la fibre littéraire, elle qui avait eut tellement de mal à apprendre l’anglais, petite espagnole qu’elle était.

L’accent était toujours présent bien sur, mais elle était celle de la famille qui avait le moins prononcé, en incluant Esteban, étant donné qu’ils étaient arrivés en Amérique beaucoup plus jeunes que leurs ainés. Elle se souvenait encore des plaintes d’Enzo qui ne supportait pas de devoir suivre des cours au même niveau que ses frères et sœurs, alors qu’il avait déjà dix-neuf ans. Si Serena avait prit goût à cette nouvelle langue, c’était grâce à une certaine petite blonde qu’elle avait rencontré à l’époque : Amy-Lee, qui était devenue sa meilleure amie. Et c’était grâce à elle qu’elle avait rapidement progressé et obtenu un très bon niveau. Ce n’était pas pour rien qu’elle faisait des études de journalisme, Serena avait toujours voulut exercer dans cette branche, mais comme le disait sa mère à tout bout de champs elle n’avait pas besoin de faire d’études et de se compliquer la vie. Pour Carmen Gomez ses enfants n’avaient besoin de rien d’autre sauf de se consacrer entièrement à la marque, ce qui n’était pas vraiment au goût de Serena et de son frère d’un an de moins qu’elle. D’un côté, elle ne lui en voulait pas, ses parents avaient manqué de tout lorsqu’ils s’étaient rencontrés, ils ne voulaient pas de la même chose pour leurs enfants, quitte à les oppresser totalement. La jeune fille fronça les sourcils et releva la tête vers son interlocutrice, tandis que celle-ci lui posait un ultimatum. La curiosité l’emportait, elle s’était trompée, encore une fois, alors elle hocha la tête d’un air entendu. « Je suis toute ouïe. », avait-elle dit, un léger sourire sur son visage. Elle voulait absolument en savoir d’avantage.

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