Une journée comme une autre, débutée par levé qui terminerait par un couché. Rien d’extraordinaire. Monotonie. Malgré son métier qui le poussait à voir des choses bien diversifiées, Peter J.Austen trouvait que ces jours qui se succédaient étaient de plus en plus semblables et sans consistance. Ce qu’il détestait ça. Bien sûr, ce sentiment ne venait pas de nulle part. Depuis trois ans maintenant, il fallait sans cesse redoubler d’efforts pour se convaincre que vivre n’était pas une perte de temps. Mais il arrivait toujours un moment où Peter finissait par se poser cette question récurrente « à quoi bon ? » Et dés qu’elle résonnait dans son esprit, un long frisson s’en suivait le long de sa colonne vertébrale et il se ressaisissait, s’adonnant à une quelconque activité autre que celle de rester immobile et pensif. En vérité, la dépression, Peter refusait d’accepter son existence, prétendant toujours qu’il fallait avoir la volonté d’affronter le monde plutôt que se lamenter sur son sort. Maintenant, il gardait cette conviction profonde juste pour avoir la force d’encore tenir debout. Mais les jours se suivaient et se ressemblaient. Il était difficile maintenant, pour lui, de se changer les idées.
Aujourd’hui n’était donc pas différent d’hier. Peter se leva à la même heure que tous les jours, c’était un lève-tôt, et ce, peu importait l’heure à laquelle il allait se coucher. Cette nuit avait donc été courte. En effet, le journaliste ne supportait presque plus de se retrouver dans cet appartement où il avait tant vécu avec sa femme. Chaque recoin abritait un souvenir, souvenirs qu’il ne parvenait à remplacer puisqu’il ne s’en créait plus de nouveau. C’était presque une hantise pour lui. Le seul endroit encore entièrement investit de « sa » présence. Il ne s’était jamais résolu à jeter l’entièreté de ses affaires. C’était bien trop difficile. Un peigne, une paire de gants, des livres… Beaucoup de livres. Une vie entière de livres. La plupart assez vieux, les pages craquants sous les doigts. Beaucoup de classiques. S’il avait pu avoir le cran, il les aurait vendus, mais il avait ce sentiment irrationnel qu’elle vivait encore à travers ces livres, c’est pourquoi, parfois, il s’attardait à en lire un, de temps en temps. Peter n’était pourtant pas superstitieux, il ne croyait pas à toutes ces histoires fantasques. Mais Sarah était la seule à être morte et vivante à la fois, à ses yeux.
C’était pourquoi vivre dans cet appartement devenait insupportable autant que nécessaire ! Il se devait de perpétrer cette idée, si elle l’aidait à se tenir encore debout, mais à la fois, quand il s’y trouvait, il ne la ressentait que plus morte encore. « Morte » … Il détestait user de ce mot, cette hypocrisie latente chez toute personne devant affronter le deuil. On ne dit pas morte, on dit « partie ».
Pourvu qu’elle ramène quelques photos de son voyage. Mais la vie continuait. La lumière, tous les jours, recouvrait les meubles de style ancien, le bois usé, les tables, les chaises et étagères remplies de divers bouquins. La vue était sublime, c’était surtout pour ça qu’ils avaient choisi cette endroit. Ces grandes baies vitrées qui donnaient sur la ville. Combien d’heures n’avaient-ils pas passées à se parler sur le balcon ? Combien de cigarettes n’y avait-il pas grillées depuis sa disparition ?
Peter s’était préparé en vitesse, une fois encore, fuyant une ombre beaucoup trop grande pour lui. Il fallait absolument qu’il prenne une décision, qu’il trouve une solution. Mais à part le travail, plus rien n’avait d’importance, c’était bien trop compliqué de chercher un quelconque autre objet pour ses pensées. Il ne percevait même plus à quel point cette situation était invivable. La critique du monde extérieur, c’était ça son truc. Si son patron avait été une pourriture, il aurait été aisé de le faire travailler sans cesse, mais ce n’était pas le cas, son patron respectait les règles, mais il fallait le forcer pour que le journaliste prenne des jours de congé. Pourquoi ? Parce qu’il détestait avoir plus de deux heures à rester inactif, et même lorsqu’il était contraint de se calmer, il cherchait de nouvelles idées d’article. Il était plutôt libre dans son travail, se basant sur des faits qu’il choisissait, la plupart du temps, hormis lors de grands remous politique, etc, bien entendu. Oui, Peter adorait son travail, il lui permettait un nombre incalculable d’entretiens avec des personnes différentes, totalement, cette différence se montrant autant du niveau social que au niveau des goûts et façon de voir la vie, par exemple. Il était à la fois proche de tous et lointain d’eux. Cette barrière professionnelle lui convenait parfaitement. Parfois, il se lançait dans un reportage sur l’univers d’une famille ou autre. Sa liberté lui plaisait. Mais même cela ne suffisait plus. Le manque de repos finirait bien par se faire sentir.
Le soir tant espéré et redouté à la fois arriva enfin. Maintenant, il était l’heure de s’adonner à une de ses activités favorites : s’installer dans un bar au hasard pour écrire dans son petit calepin qu’il emmenait partout, ça, accompagné de quelques clopes, c’était vraiment l’instant qu’il attendait le plus dans une journée. Dans ses notes, on pouvait trouver de tout, autant des critiques de la société, que des impressions vis à vis d’une chanson, etc. C’était souvent la source de nombreux de ses articles et la partie du travail qu’il préférait. Le choix du bar était toujours du au hasard. Maintenant, il en connaissait plusieurs, et quelques-uns avaient fini par le conquérir. Il savait parfaitement, chaque soir, l’ambiance qu’il recherchait. Il devait avoir du flair pour cela, puisqu’il finissait toujours assez vite par rentrer dans le café idéal.
Il devait être 21h30 quand il rentra dans ce petit bar appelé « The shooter », c’était parfait pour une petite soirée calme. Il alla s’installer à une table libre, commandant un Jack Daniels et pris ses aises en retirant son manteau et sortant son stylo à bille dont le bout était ravagé par les mordillement ainsi que son carnet vieillot qui devait en avoir vu de toutes les couleurs vu l’état de sa couverture. Il eut à peine le temps de regarder autour de lui, qu’une serveuse trébucha juste à côté de lui. Il eut juste le temps de la rattraper par le bras mais le verre de coca que contenait son plateau ne fut pas arrêté dans sa chute, son contenu se déversa et le verre explosa littéralement sur le sol. La serveuse était juste accroupie, Peter lui tenait fermement le bras, le second était baissé et les doigts de la demoiselle étaient appuyé sur le sol de façon à ce qu’elle ne tombe pas plus bas. Le journaliste l’aida à se redresser.
« Vous allez bien? »La jeune femme balbutia que oui, s’excusa et commença à ramasser les bouts de verre sur le sol. Peter l’aida, craignant qu’elle ne se coupe et regarda autour de lui si quelqu’un n’avait pas été arrosé par le soda. Il sourit brièvement à l’homme que son regard croisa en premier.
« Et vous, vous n’avez rien reçu ? Ca va ? »Visiblement il s’en était fallu de peu pour que la catastrophe ne survienne. De toute façon, vu le visage du bonhomme, la serveuse n’aurait pas eu en pâtir beaucoup dans le cas où il avait pu recevoir quoique ce soit. Il ne semblait pas le moins du monde contenir la moindre once de méchanceté en lui. Peter termina vite fait de ramasser les plus gros morceau de verre puis aida la jeune serveuse à sa redresser sans glisser sur le sol humide.