Un murmure. D'une voix si douce et pourtant si amère dans l'esprit de la jeune fille. Quelques mots, prêts à la détruire pour de bon. Un chant, presque inaudible, tel le froissement des feuilles lorsque le vent froid vient transpercer leur fébrilité. Telle était Charlie à ce moment précis : inoffensive, et nuisible. Sans aucune défense. Elle devait faire face à ses démons, ceux qu'elle n'avait jamais su surmonter jusque là, et qui la brûlaient tout au fond de son être. Aujourd'hui elle les avait devant elle, et elle crut quelque seconde apercevoir ce visage angéliquement cruel. Celui qui l'avait bercé durant son enfance et l'avait materné comme personne d'autre n'aurait été capable de le faire. Et bien, cette mère, cet amour était aujourd'hui le supplice qui hantait son esprit. Le dilemme qui pesait sur ces nuits, le cauchemar éveillé qui ne faisait que chaque jour, empirer son état. Comment était elle arrivée jusque sur le toit de cet immeuble ? Elle n'en avait aucune idée. Les pieds dans le vide, aussi étonnant soit-il, le sourire aux lèvres, elle contemplait le ciel de Détroit qui bientôt allait s'obscurcir pour laisser place à un vacarme effroyable. Peu importe. Si elle devait mourir, elle le savait, elle le ferait en lumière. Du moins, elle pensait que c'était ce qu'elle souhaitait. Elle ressassait sans cesse dans son esprit ce mouvement de lèvres, cette syllabe mortelle au son pourtant si doux en apparence. " Saute. " Charlie se releva, tituba sur le bord de l'immeuble, et tourna sur elle même, en espérant se débarrasser de ce bruit sourd qui encombrait ses idées, et l'empêchait de mettre en ordre celles-ci. Son unique model, l'amour de sa vie, la seule personne qu'elle ait jamais aimée lui demandait aujourd'hui de mourir. Peut-être devait elle céder ? Sûrement était-elle folle ? Elle n'en avait aucunement conscience aujourd'hui.
Un coquelicot dans la main, elle remonta celui-ci au niveau de son visage et sourit un peu en penchant doucement la tête sur le côté. La fragilité derrière le masque couleur rouge feu l'avait toujours séduite. C'est d'ailleurs ce à quoi elle se comparait, un coquelicot, et ce qui avait toujours guidé ses pas. Ceux qui ne cherchaient pas réellement à le connaître ne pouvaient apercevoir sa fragilité. Il en était de même avec elle, et jusque là, personne n'avait souhaite en savoir plus. Ou tout du moins, personne n'avait cherché assez profondément. Peut-être était-ce de sa faute ? Au fond, elle n'en avait rien à foutre. Elle lâcha la petite fleur dans le vide, voyant celui-ci virevolter au dessus de la rue déjà bondée à cette heure ci. Lui pouvait voler. Elle, s'écraserait.
Elle continua sa dangereuse danse sur le rebord de l'immeuble, laissant ses pensées marteler son crâne. Elle manqua plusieurs fois de tomber. Non. Il ne fallait pas qu'elle trébuche. Elle le ferait le moment venu, de son plein gré, de sa volonté, bercée par des paroles illusoires qu'écoutait la jeune fille sans y être méfiante. Après tout n'était-ce pas celle qui l'avait portée qui lui demandait aujourd'hui de la rejoindre ? L'envie état tellement tentante, qu'elle s'en mordit la lèvre, afin de réprimer celle-ci, et d'attendre. Encore un peu. Elle voulait profiter de ces derniers instants. Une nouvelle fois, elle leva le regard vers le ciel. Les nuages devenaient roses, violets, et parfois rouges. C'était maintenant.

Laissant le vide derrière elle, Charlie se laissa tomber. Sa chute fut de quelques secondes tant l'immeuble était haut. Si elle ne mourait pas aujourd'hui, elle passerait sa vie paralysée, bourrée de médicament, déconnectée de la réalité. Ainsi d'une certaine façon, elle mourrait aussi. Ce qui lui convenait parfaitement. Son dos vint bientôt toucher le sol, et c'est sous les cris effroyables des passants que les premières blessures vinrent ; ses côtes se cassèrent, sa nuque aussi. C'était terminé. Elle rejoignait sa mère, pour de bon. À défaut d'avoir su alerter ses proches de sa détresse étant vivante, elle le ferait étant morte.

Ainsi le coquelicot pourtant si fort en apparence perd ses feuilles lors d'une douce étreinte, ou d'une pression involontaire. Il ne peut résister en milieu toxique, et survit seulement lorsque l'air lui paraît pur. C'est pourquoi le rouge sang le protège, d'une certaine façon, il le rend intimidant. Alors que tout ce qu'il souhaite, pour pouvoir survivre, c'est de l'attention.

1 HEURE PLUS TÔT

Installé dans un petit bar pas très loin des gratte-ciel de Landsmark boulevard, Jayden concluait une partie de billard en compagnie d’un inconnu dont il avait fait un pari plutôt lourd en argent pour savoir qui gagnerait la partie. Évidemment, cette petite soirée calme n’avait rien à voir avec ce que le blondinet faisait à ses habitudes. Il était un sanglant tueur en série et la raison de sa pointe d’amusement en était reliée. Jay avait fait le chemin jusqu’ici en compagnie de sa femme, mais avait fait le choix d’y entrer individuellement, ainsi, tandis que sa femme discuterait avec leur potentielle victime, O’hara pourrait s’amuser un peu avant de distraire la femme du bar par un bruit de colère, pouvant laisser la chance à Enya de glisser la drogue qu’ils avaient achetés la veille dans le verre de l’innocente qui allait subir les tourments du couple par malheur. Comment ne fallait-il jamais faire confiance aux inconnus, c’était une règle d’or malheureusement que les gens ne respectaient que très rarement. Jayden jetait ainsi depuis le début de la soirée plusieurs regards vers le bar, sans rien dire à son partenaire de jeu, la partie était bientôt terminer, mais ce n’était toujours pas gagné pour le suédois. O’Hara ou plutôt Hansson se pencha et frappa la boule blanche droit sur l’avant dernière de ses boules qui tomba comme il le souhaitait directement dans le trou. Les sourcils du blond monta d’un coup, fier de sa tentative. Il borda un léger sourire qui paraissait peu sincère à l’égard de l’inconnu devant lui, mais réellement présent face au point qu’il venait de tenter.

Une envie, une pulsion aussi violente que soudaine d'exploser le crâne de la jeune femme, qui se trouvait être assise juste à ses côtés. Voir le sang se répandre en myriade de gouttelettes pourpre sur le sol. Image qui lui arracha un sourire, faisant naître une sensation au creux de son ventre. La victime était repérée, le poisson ferré. Dès son entrée dans ce bar miteux, Enya avait repéré cette jeune femme. Pourquoi ? Parce qu'elle était belle et qu'une aura spéciale se dégageait d'elle. Choisir la future victime idéale parmi une foule d'individus, se servir comme on le ferait en commandant sur internet. L'être humain ne méritait pas plus de considération que ce choix digne du bétail. Assise derrière le comptoir du bar, Enya sirotait son mojito, lançant de temps à autre un regard en direction du billard ; son mari avait entamé une partie avec un inconnu. Ne pas éveiller les soupçons, faire comme s'il s'agissait d'une personne lui étant totalement étrangère. A nouveau, elle reporta son attention sur sa voisine. Son grain de peau était si parfait, si lisse ; La chirurgienne s'arracha à cette contemplation. Elle ne devait pas craquer tout de suite, pas maintenant, se retenir, laisser le désir monter encore un peu, l'issue n'en serait que meilleure. Prendre son mal en patience. Faire preuve de maîtrise. Lorsque le moment se présenterait, elle ajouterait la drogue au verre de la victime, rapidement celle-ci n'aurait alors plus qu'une conscience limité du monde extérieur. Elle serait bientôt à leur merci. Un flash incandescent, lancinant lui traversa l'esprit, le visage de leur dernière victime lui apparue alors. Du sang, des cris qui déchiraient la nuit, ce regard qui implorait que le calvaire cesse enfin. La tueuse en série serra un peu plus fort ses doigts autour de son verre, alors qu'elle revenait à elle. Ne pas perdre les pédales, pas encore ! D'un geste de sa main libre, elle lissa sa jupe rouge. L'air tout à fait jovial, elle s'adressa à Charlie. « Bonsoir ! Excusez-moi de vous déranger, mais votre visage me dit quelque chose... Est-ce que l'on se serait déjà croisé quelque part ? J'ai cette drôle d'impression, vous savez, comme lorsque l'on est persuadé d'avoir déjà croisé quelqu'un à un endroit, mais que l'on n'arrive pas à se souvenir exactement du lieu et du nom de la personne. Pardon, je parle trop... je... je suis Enya !». Sans se départir de son joli sourire, Enya attendit la réponse de la brunette. Engager la conversation par n'importe quel moyen, gagner la confiance de la victime - en se montrant sympathique - pour mieux pouvoir lui planter son couteau dans le dos. Comme pour se rassurer, elle toucha la poche de sa veste de tailleur. La fiole était là, prête à l'emploi.

Ailleurs. C'est l'endroit ou Charlie aurait préféré être à ce moment précis. Elle se trouvait dans un bar, seule, sirotant son coca - le patron ayant remarqué sa juvénilité. Elle avait passé une journée ordinaire, quoi que rythmée au son des réflexions de Braeden qui ne faisait que lui reprocher son pseudo manque de sérieux ou son attitude. En effet, c'était une journée tout à fait ordinaire. Après avoir terminé son verre, la jeune femme observa les personnes autour d'elle. Le bar était peuplé de plusieurs poivrots tentant d'oublier leurs soucis quotidiens dans le degré d'alcool, mais aussi de personnes tout à fait normales, essayant simplement de passer du bon temps. Elle n'aimait pas vraiment les gens normaux. Ceux qui se noyaient dans leur pseudo bonheur, bercé et construit par des mensonges incessants que seul leur subconscient daignait entendre.
Une jeune femme vint la sortir de ses pensées. Jeune femme... plutôt... étrange. Charlie sourit en voyant son interlocutrice lui parler comme si elles s'étaient toujours connues. Elle se moquait d'elle, en réalité.

« Bonsoir ! Excusez-moi de vous déranger, mais votre visage me dit quelque chose... Est-ce que l'on se serait déjà croisé quelque part ? J'ai cette drôle d'impression, vous savez, comme lorsque l'on est persuadé d'avoir déjà croisé quelqu'un à un endroit, mais que l'on n'arrive pas à se souvenir exactement du lieu et du nom de la personne. Pardon, je parle trop... je... je suis Enya ! »

Elle ria intérieurement. Charlie n'était pas particulièrement fan de ce genre de femmes. Un cliché. Elle posa alors ses yeux bleus turquoises sur son visage, observant celui-ci sous toutes les coutures. Elle essaya d'attraper un souvenir au vol, de se rappeler de ce visage, apparemment familier. Non. Rien. Elle ne lui rappelait rien, rien du tout même. Alors, elle laissa apparaître un petit sourire, flattée que quelqu'un se souvienne d'elle alors que ce n'était pas réciproque. Elle attendit quelques secondes avant de répondre.

« Il est possible que l'on se soit croisées quelque part, moi en revanche, je ne me souviens aucunement de vous, elle détourna le regard, laissant traîner ses yeux sur la salle. Charlie.

Elle n'avait pas envie de parler. Pas envie de faire connaissance avec une femme qui décidément, ne partageait pas ses centres d'intérêt, et ne lui ressemblait en aucun point. Elle redressa à nouveau la tête vers " Enya ", dévisageant sans aucune retenue celle-ci. Peut-être comprendrait-elle, qu'elles n'étaient pas faites pour s'entendre. Elle était envahissante, Charlie renfrognée. Enya était pleine d'entrain, elle totalement blasée. Tout les opposait, absolument tout. Et elle savait très bien que, si cette situation se mettait à durer, elle finirait par devenir désagréable, méchante, et vulgaire. Bien que la jeune fille soit plutôt patiente, certaines personnes l'insupportaient. Ainsi elle pouvait passer de l'agneau au lion, fonçant tête baissée dans les ennuis sans se soucier une seconde des conséquences que cela pourrait entraîner. Rien à foutre, tant qu'elle pouvait être débarrassée de cette idiote une fois pour toute.

Spoiler:

Tandis que Enya, sa femme prenait le temps de distraire la jeune femme en lui parlant de tout et de rien inutilement, l’homme achevait sa partie de billard. Il n’était pas régulier de ne le voir participer à ce genre de partie en compagnie d’inconnu, mais en ce moment, Jayden O’Hara devait trouver une tactique pour distraire la femme et paraitre normal au sein de cette bande d’innocent. C’est à ce moment qu’il visa la balle rouge, mais c’est la noire qui revola et tomba droit dans le trou final, ce qui le déclara perdant. Bien sur, Jay était un joueur de billard hors pair, il ne perdait justement jamais, mais cette fois-ci, il avait fait exprès pour amener la défaite. Il ne pouvait pas laisser cet homme perdre, parce qu’il devait être colérique et c’était la situation parfaite, alors, tandis que le brunet se rejouit de cette victime, Jayden frappa la baguette sur la table et hurla. « Merde ! Va te faire foutre, je vais me chercher une bière ! » Aussitôt, O’Hara se retourna et alla directement vers le comptoir. I lança un regard discret à sa femme pour lui demander si elle avait réussis, ce qui fut finalement une réponse positive. La brune était douée et Jayden le savait. Il souriait ravi de cette nouvelle. Il s’installa alors près de la jeune Enya et dit au serveur, sans parler directement aux femmes, il devait partir et attendre que Charlie soit droguée pour accepter de la suivre et ce serait le coup fatal à ce moment. « Je vais prendre une bonne bière. Merci et vous pouvez garder le restant. » Tout simplement, ses mots, il l’est dit sur un ton serein et sans expression. Il porta la bouteille à sa bouche et engloutit presque la moitié de celle-ci.

Attendre le bon moment, encore et toujours, tel le prédateur tapie dans l'ombre et guettant sa proie. Jauger du meilleur instant, celui-où la victime apparaîtrait sans la moindre défense - mais aussi sans la moindre chance de pouvoir s'échapper – puis bondir sur cette dernière d'un geste précis, mécanique. L'alcool tournait dans son verre, rapidement, la glace pilée frappait les parois, tandis qu'elle essayait de faire abstraction des pulsions meurtrières qui l'assaillaient. Prendre sur soi de la sorte, demandait un certain self-control. Patience, une vertu qu'elle et son mari arrosait chaque jour afin de ne pas céder bêtement. Se contenir, pour ne pas commettre d'erreur. Brouiller les pistes et attendre, voilà comment le couple de tueurs en série procédait. Ce soir ne dérogerait pas à la règle, quitte à passer pour une stupide cruche écervelée. Devenir un véritable caméléon, s'adapter à toutes les situations, feindre : un art qu'ils maîtrisaient maintenant à la perfection. Enya venait de marquer un point avec cette jeune inconnue. Cette dernière venait de lui donner une information la concernant, son prénom. Bien, ce n'était pas grand chose, mais c'était toujours ça. Haussement d'épaules, puis à nouveau un sourire en direction de la future victime. « Ça ne fait rien, les gens ne me remarque pas vraiment en temps normal, alors ça ne m'étonne pas que vous ne vous souveniez pas de moi. ».

Elle trempa les lèvres dans le liquide alcoolisé. Il lui fallait à présent trouver quelque chose, pour la faire parler assez pour qu'elle ne prête plus vraiment attention à ce qui pouvait l'entourer. Le but étant de lui faire baisser les armes afin qu'elle n'oppose aucune résistance. Le cerveau de la brunette tournait à plein régime, devait-elle continuer sur cette lancée ou bien adopter une toute autre tactique ? La jeune fille ne semblait pas vraiment encline à parler, à en juger par son sourire mi-figue mi-raisin. Enya tenta une nouvelle amorce, si cela ne fonctionnait pas plus, alors elle devrait revoir sa méthode. En reprenant la parole, elle sentit le parfum de son mari, juste à ses côtés, elle ne tourna pas la tête dans sa direction, nul besoin, elle savait qu'il était là. « Vous... vous venez souvent dans ce bar ? Elle baissa de volume et dit alors sur le ton de la fausse confidence : C'est un peu mal famé par ici vous ne trouvez pas ? Regardez moi ce vieil ahuri au regard lubrique la-bas, à faire froid dans le dos ! ». Une fois de plus, alors qu'elle regardait Charlie, ses yeux furent attirés par le grain de peau de la jeune femme, celui-ci semblait si soyeux. Stop, penser à autre chose. Enya avala une petite gorgée de son mojito en attendant une réaction de la part de sa voisine.

Charlie observa de nouveau la jeune femme, tentant vainement de se souvenir d'elle, puis, descendit son regard sur le verre que tenait celle-ci entre ses doigts. Une douce odeur bien familière vint lui chatouiller le nez et elle profita quelques secondes, reconnaissant le goût de l'alcool du bout des narines. Elle sourit, un peu, puis glissa une de ses mèches rebelles derrière son oreille, agacée de sentir celle-ci traîner sur son front. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait ici, et Enya lui rappelait qu'elle n'était décidément pas faite pour les relations humaines. Elle la vit d'ailleurs réfléchir durant quelques secondes - ou du moins chercher quelque chose, tout en sirotant son verre. Un certain temps passa avant qu'elle ne reprenne la conversation, au plus grand damne de la petite brune.

« Vous... vous venez souvent dans ce bar ?

En quoi cela pouvait bien l'intéresser ? Charlie dévisagea à nouveau la jeune femme, haussant légèrement les sourcils comme pour questionner celle-ci sans dire un seul mot. Pourquoi venait-elle lui parler ? Pourquoi s'intéressait-elle à la jeune femme paumée habituée des bars après le boulot ? Après tout, à vu de nez, elle était comme tous les autres, non ? Elle attendit quelques longues secondes, formant sa phrase en tête, et pesant chacun de ses mots.

- Je vais souvent dans des bars. Celui-ci n'est simplement pas une exception.

Ni trop distant, ni trop chaleureux. Du moins pour Charlie. Son interlocutrice reprit quelques secondes plus tard, mais cette fois ci, à vois basse.

- C'est un peu mal famé par ici vous ne trouvez pas ? Regardez moi ce vieil ahuri au regard lubrique la-bas, à faire froid dans le dos !

Elle détourna le regard dans la direction montrée par son interlocutrice et observa l'homme en question. Cheveux grisonnants, une bonne quarantaine, un verre de whisky. Un cliché. Inoffensif. Sur un ton plutôt calme et qui se voulut las, Charlie répondit.

- Les personnes les plus dangereuses sont souvent les plus inattendues. On ne peut pas définir qui est quelqu'un par un simple coup d'oeil. »

Puis, elle termina son verre, avant de laisser son index glisser sur le contour de celui-ci.

Jayden avait lancé un petit regard en direction du bar, ce qui lui avait permis de voir la belle mettre leur plan en action. Suite à cela, Enya lui fit un petit signe discret qu’ils avaient parlés un peu plus tôt, ce qui lui démontrait qu’il était prêt pour sortir du bar en compagnie de la jeune femme. Le blondinet déposa la baguette de billard et marcha en direction de la sortie. Il était évident que ce qu’elle avait mis dans la bouteille de Charlie lui donnera une légèreté, ce qui l’amenait à accepter de les suivre. O’Hara savait bien qu’il ne devait pas éveiller les soupçons des autres dans le bar, alors il ne devait pas du tout être prit pour le petit ami de Enya. Il conclut sa bouteille de bière et sortit avec celle-ci. Arrivé à l’extérieur, il l’a lança dans une benne et entendit l’éclat de celle-ci. Aucune preuve de salive de son côté, ce qui était une bonne chose. Le tueur en série rentra à nouveau et attendit près des toilettes pour être certain de ne pas se faire prendre, il avait choisi l’endroit parfait. Au moins, ce bar miteux n’avait aucune sécurité et aucun système de caméra de surveillance. Jay avait stationné sa voiture à l’extérieur pour pouvoir l’amener rapidement. Il avait déjà choisis l’immeuble où il balancerait cette femme, ce qui était un poison malsain qu’il avait bien hâte de célébrer avec sa femme. C’est donc avec préparation qu’il se tenait au loin, prêt à accueillir la belle Charlie.

S'intéresser un peu à la vie de la victime, installer un climat de confiance, afin de pouvoir mieux l'attirer dans ses filets. A première vue, cela ne semblait pas vraiment fonctionner avec la jeune femme assise juste à côté d'elle. Cette dernière n'avait pas l'air naïf et ne semblait pas vraiment avoir envie de parler, ce qui n'arrangeait pas vraiment la chirurgienne esthétique. Faisant tourner l'alcool dans son verre, elle attendait patiemment que la jeune fille lui réponde. Réponse qui se fit quelque peu attendre, et finalement la brunette décrispa la mâchoire. Avec une attention toute feinte, Enya écouta la réponse de Charlie. La guêpe était loin d'être folle, après mûre réflexion. Elle avait entièrement raison, un beau visage ne cache pas forcément une belle âme, la tueuse en série était bien placée pour le savoir. Cacher son jeu, un art dans lequel son mari et elle excellait. Sans vraiment rétorquer quoi que ce soit, Enya jeta un regard à son mari, l'air de rien, afin de ne pas éveiller les soupçons. Un geste totalement imperceptible et elle sut qu'elle devait accélérer le mouvement, mieux valait qu'on ne la voit pas trop longtemps en compagnie de la jeune femme, au cas où, pour ne pas avoir de chance d'être relié à elle une fois qu'elle aurait passé l'arme à gauche. D'un geste faussement maladroit, la chirurgienne reposa son verre sur le comptoir et donna un coup de coude malencontreux dedans. Elle avait visé juste, la fin du contenu de son verre alla se répandre copieusement sur les habits de sa voisine. Enya plaqua sa main devant sa bouche. « Je... je suis vraiment navrée ! Laissez moi vous aider ! », dit-elle en s'emparant des quelques serviettes qui trainaient devant elle. Elle tendit les feuilles à la brunette et attendit patiemment qu'elle s’essuie et ne fasse plus attention à elle.

Au moment opportun, Enya s'empara de la fiole de poison toujours dans la poche de son veston, fit attention à ce que personne ne la remarque et déversa le contenu du liquide dans le verre de la demoiselle. Ne lui restait plus qu'à attendre sagement que la drogue fasse effet et se diffuse dans l'organisme de la jeune fille. Après un sourire encore désolé, la tueuse se leva, se rendit aux toilettes en prenant soin de ne rien toucher avec ses mains. Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne retourne dans la salle, elle paya sa consommation, puis sortit dans le clair obscur de la nuit. La voiture de Jayden se trouvait juste devant elle, mais elle n'entra pas à l'intérieur, elle alla se cacher un peu plus loin, à l'interstice d'une rue, plaquée contre un mur, elle avait une très bonne vision sur l'entrée de l'établissement. Charlie ne tarderait certainement pas à partir, elle ne saurait alors plus vraiment où est-ce qu'elle était. Le piège se refermait lentement mais sûrement sur la proie.

Ennuie. Charlie s'ennuyait, et elle aurait tout fait à ce moment pour pouvoir s'éclipser en toute discrétion, laissant son double inconnu comme seule compagnie à la jeune femme qui lui faisait face. Jeune femme que Charlie ne pouvait décidément pas supporter. Un long silence s'installa suite au silence de cette dernière. Elle but quelques gorgées de son verre sans pour autant le terminer, et tourna la tête vers la porte du bar. Celle qu'elle aimerait franchir.

La petite brune sentit un liquide froid couler sur son t-shirt et tourna la tête subitement, fusillant du regard la fameuse Enya. Femme qu'elle n'aimait pas, qui lui gâchait la soirée, et qui venait de malencontreusement renverser la totalité de son verre sur le t-shirt tentant de garder son calme, Charlie inspira profondément, écoutant les excuses maladroites de son interlocutrice.

« Je... je suis vraiment navrée ! Laissez moi vous aider ! »

Charlie accepta les serviettes de cette dernière d'un geste brusque, essuyant nerveusement son t-shirt et accompagnant ses gestes de toute sorte de mot vulgaire dont on se passera la liste. Une fois qu'elle eut à peu près minimisé les dégâts, elle redressa le regard vers Enya. Enya qui avait mystérieusement disparu, au plus grand bonheur de Braxton. Celle-ci avait probablement du fuir suite à la vulgarité de cette dernière, ce qui l'arrangeait. La soirée pouvait enfin commencer, et, terminant son verre d'une traite, Charlie se dirigea vers les toilettes afin de terminer le nettoyage de ses vêtements. Un violent mal de crâne s'abattit soudainement sur la jeune femme et elle s'appuya contre le lavabo. Elle tira ses cheveux en arrière et décida de rentrer chez elle plus tôt que prévu, persuadée sur sa migraine ne passerait pas. La jeune femme se dirigea donc vers la sortie tant bien que mal, en titubant un peu, et vit le monde tourner autour d'elle. Chose dont elle avait l'habitude, mais cette fois-ci, c'était plus poussé. Plus violent. Et surtout, elle ne savait pas d'où cela pouvait provenir.

Charlie sortit du bar, et s'assit en plein milieu de la rue, en tailleurs, tenant son crâne entre ses mains. Tangue tangue tangue. Elle entendit des bourdonnements dans son oreille, et se mit donc à se débattre contre des insectes inexistants sous le regard effrayé des passants. Elle resta durant quelques minutes ainsi, puis se releva en fermant les yeux, gardant toujours ses deux mains sur ses tempes. Elle marcha, durant quelques secondes. Titubant, ayant du mal à aligner un pas devant l'autre.

Abandonnant l'idée de tenir debout, elle se laissa tomber contre un mur, prononçant un charabia incompréhensible. Qu'est-ce qu'elle avait fiat encore ? Serait elle tellement accroc qu'elle en oublierait les moments ou elle prenait sa poudre magique ? Elle garda les yeux fermés, sans prêter attention aux cris stridents qu'elle pouvait bien entendre. Cris qui pourtant la transperçaient en plein coeur, cris de douleur, cris qui appelaient au secours. Cris qu'elle imita, pour se libérer. En espérant faire passer les autres. En espérant les faire taire. Ce qui ne fit qu'empirer la situation, puisque celui-ci se répéta en écho dans son esprit. Comme si celui-ci était une pièce vide. Pièce vide qui résonnait, sans cesse. Et qui faisait flancher sa lucidité, qui elle s'était envolée depuis bien longtemps. Désespérée par elle même, la jeune femme entama un karaoké seule, et se mit donc à chanter un titre totalement adapté à la situation, les yeux toujours clos.

« They try to make me go to rehab but I say No, no, no. Yes I've been black but when I'll come back you will know, know know... »

Une bonne demi-heure avait passé depuis que Jayden et Enya avaient empoisonné la jeune femme. Ils avaient roulés jusqu’à un gratte-ciel hors de la portée des caméras et des citoyens et avaient guidé la femme jusqu’à l’étage. Tout était désormais prêt. Le tueur en série savourait sa victoire avec amusement. Il n’aimait pas faire dans le simpliste et encore moins dans la routine. Les meurtres du couple O’Hara étaient toujours des plus délicats et différents surtout, comme celui-ci où cette mystérieuse Charlie se devait de voler à travers la ville avant de mourir écrasée contre le sol. Oui, au départ, ce meurtre serait pris pour un suicide, mais avec la drogue qu’elle avait dans le sang, rapidement, les policiers douteraient que quelqu’un l’avait poussé à faire cela ou bien, qu’elle avait fait cela sous l’abus de drogue, ce qui était amusant pour Jayden. Il avait réussis à se la procurer chez un petit vendeur hors de la ville pour ne pas éveiller de soupçons. De toute manière, les dealers ne parlaient jamais de leur client et celui-ci ne risquait pas de parler non plus. O’Hara pouvait être très persuasif. L’homme regardait sa femme avec le sourire, lui échangeant un baiser langoureux. « Bon, ça y est ma chérie, on peut laisser l’oiseau prendre son envol.. c’est le temps de dire aurevoir à la vie ! » Et Jayden se mit à rire. Le tueur observait la femme qui n’était plus elle-même du tout se jeter carrément dans le vide. Jayden prit ensuite Enya par la taille et marcha vers la sortie, amusé par la situation.

Le temps, le pire ennemi de l'humain, celui-là même qui ne jouait pas en leur faveur, plus ils restaient auprès de la future victime dans un lieu public et plus ils avaient des chances de se faire repérer. Inutile qu'un témoin oculaire puisse à la suite des événements faire dresser un portrait robot de leurs deux trombines. Le temps avait également engagé une course contre la montre avec cette jeune femme, celle-là un peu plus loin qui était en train de chanter à tue-tête et en pleine rue. Réaction un brin étrange à cette drogue, trop dosée sans doute. Ce genre de meurtre serait leur premier, quoi de mieux que de pousser l'autre au suicide ? N'est-ce pas ce que l'on pourrait qualifier de crime parfait ? Certainement que si. Euphorie qui venait de s'emparer d'elle alors qu'elle regardait cette jeune inconnue sauter du haut du toit de l'immeuble. La chute ne serait pas longue, quelques secondes tout au plus. Tout est une question de temps. Dans les bras de son mari, Enya observa cette scène qui lui procurait une sensation de pure exaltation. Bien vite ils redescendirent, pour se fondre dans l'obscurité de la nuit.

THE END

VERROUILLE