CHUCK & WILLIAM
Suite de ce rp.

« Ce n'est que partie remise Hesther. » Chuck entrainait toujours son père au loin, pourvu que l'ancien CEO arrête de parler et se laisse faire, pour une fois dans sa vie. Chuck ne pouvait pas se rappeler d'une seule occasion où il s'était senti aussi humilié qu'aujourd'hui. Et Hesther. Han la pauvre Hesther, il s'en voulait de l'avoir trainé dans toute cette histoire, elle qui n'avait rien demandé. Elle l'avait aidé certes, mais Chuck ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'il lui avait forcé la main, après tout, si son père n'avait pas débarqué en essayant de les rabibocher pour les forcer à se remettre ensemble, qui sait comment elle aurait réagi. Si elle n'avait pas été mise dos au mur elle aurait peut-être gentiment demandé à Chuck d'arrêter de se servir d'elle comme d'alibi, de bien vouloir être un peu courageux et d'avouer toute la vérité à son père. Il leva les yeux au ciel et finit par lâcher le bras de son paternel, après s'être assuré qu'Hesther était bien partie dans la direction opposée et que son père n'aurait aucune chance de la rattraper, même en courant et en hurlant son nom à travers le parc. Non pas qu'il en aurait été capable, même si après ce qu'il venait de faire, Chuck pouvait s'attendre à tout.

Il se retourna une nouvelle fois pour s'assurer que la jeune femme était hors de vue et hors de portée surtout avant de daigner ralentir le pas. Se tournant vers son père, il prit un air sévère. « Merci beaucoup papa. » Lâcha-t-il d'un ton cinglant et clairement ironique. Il n'était pas prêt de pardonner cette petite entrevue à son père, mais il avait tellement de choses à lui reprocher qu'il ne savait même pas par où commencer. « Tu te rends compte que tu es allé trop loin j'espère? Je sais que tu t'inquiètes pour moi, ou que pour je-ne-sais-quelle-raison tu as décidé de nous remettre ensemble Hesther et moi, mais je te signale que j'ai 28 ans et que je suis capable de gérer ma vie amoureuse comme je l'entends. » Il ne s'énervait quasiment jamais contre son paternel, même durant son adolescence il n'avait que rarement osé défier son père, il avait toujours été trop sévère et trop impressionnant pour que Chuck ait le courage de lui reprocher ou même de lui dire quoique ce soit. Mais là, il était allé trop loin. Non seulement il venait de lui pourrir ses retrouvailles avec la jeune femme, l'humiliant au passage, mais en plus de ça il avait embêté Hesther qui, elle au moins, ne méritait pas de se faire harceler par son père. Lui, c'était son géniteur, alors content ou pas content, il allait devoir le supporter jusqu'à sa mort, mais Hesther, elle, n'avait aucune raison de se faire emmerder par William de la sorte. Oh, comme il s'en voulait.

« Si c'est pour ça que tu m'as suivi à Détroit, tu peux bien rentrer à New-York. Comme tu peux le voir, Hesther et moi sommes de nouveau ensemble, ce n'est plus la peine que tu viennes mettre le nez dans nos affaires. » Il n'arrivait pas à croire qu'il continuait à mentir, et surtout sur ça. Il aurait aimé avoir le cran d'avouer la vérité à son père, mais la vérité il ne la connaissait pas lui-même. Oui, il était revenu pour voir Serena et oui il l'aimait toujours. Oui il rêvait de se remettre avec elle mais il s'était rendu compte quand il l'avait croisé dans les rues de Détroit que ce n'était pas aussi facile et évident qu'il aurait aimé que ce soit. Alors il allait dire quoi à son père? Je suis revenu pour Serena mais c'est compliqué, je ne sais pas encore ce qui se passe entre nous, je t'expliquerai plus tard? Pour l'instant, c'était plus simple pour tout le monde s'il continuait à mentir. Enfin, à part pour Hesther.

Mais déjà ils arrivaient au restaurant, et Chuck entra le premier. Il se fit diriger vers la table que son père avait réservée un peu plus tôt et s'assit en face de lui. Il tripota son menu pendant quelques minutes sans pourtant y jeter le moindre regard.

Will laissa son fils l’entrainer en direction du restaurant, satisfait de la rencontre qui venait de se terminer. Il avait réussit à aider Chuck à regagner le cœur de sa petite amie, et celle-ci était d’âge légale. Que pouvait-il demander de plus ? Chuck était encore amoureux d’elle et maintenant tous ses problèmes étaient réglés. Et même si son fils n’avait pas eu de sentiments bien profonds pour la jeune femme, Will espérait toujours qu’il se trouve une jeune femme pour s’amuser un peu au moins. Après avoir vu l’attrait des autres femmes, il en oublierait vite leur mésaventure d’il y a un an.

« Merci beaucoup papa. »

‘Mais de rien, fils’ faillit-il répondre avant de se rendre compte que Chuck n’avait pas l’air très heureux. Chuck entama alors un long discours sur son besoin d’autonomie, racontant à quel point son père avait tort de ne pas lui faire confiance. Will était sur le point de répondre lorsque Chuck entra dans le restaurant, obligeant son père à tenir sa langue. Pour l’instant.

A peine étaient-ils assis à la table qu’on leur avait réservé que Will claqua son menu sur la table, se penchant en avant pour être sur que son fils ne pourrait pas l’ignorer.

« J’ose éspérer que tu rigoles ! Depuis quand es-tu ‘capable de gérer ta vie amoureuse’ ? Dois-je te rappeler comment les choses se sont terminées la dernière fois que tu as ‘pris les choses en main’ ? »

Certain d’avoir gagné l’attention de son fils, Will se laissa retomber contre le dos de sa chaise et croisa ses bras sur son torse. Il prit un air sévère et espéra que cette technique marcherait toujours aussi bien que lorsque Chuck avait 10 ans.

« J’espère que tu te rends compte de la chance que tu as, les choses auraient pu être bien pire ! Tu aurais pu finir en prison, alors si t’embarrasser un peu devant ta petite-amie me permet d’être sur que cela ne se reproduira pas, non, je n’estime pas avoir été trop loin ! Et il serait temps que tu te rendes compte des sacrifices que j’ai fait pour toi. »

Will lança un regard appuyé à son fils avant de prendre une gorgée d’eau. Il respira profondément avant de laisser son visage se détendre légèrement.

« Je ne retournerai pas à New-York même si j’étais sur que cette histoire avec Serena était bien terminée. J’ai quelques affaires dont j’ai besoin de m’occuper à Détroit et ton oncle ne peut plus m’aider. Mais ne t’en fais pas, je dois retourner en ville la semaine prochaine, tu auras bien le temps de passer un peu de temps avec ta petite-amie, vu ton caractère en ce moment je dirais que tu en as grand besoin ! »

CHUCK & WILLIAM

Dire que Chuck était agacé aurait été l'euphémisme du siècle, et avoir son père apparemment si fier de lui en face ne l'aidait pas le moins du monde à se calmer. Il n'arrivait toujours pas à croire du manque cruel de politesse dont son paternel avait fait preuve avec Hesther et il restait convaincu qu'il n'avait aucune excuse pour son comportement. Observant les personnes présentes dans le restaurant ainsi que les serveurs qui s'affairaient, Chuck essayait de ne pas tourner son regard vers son père, il ne tenait pas à s'énerver encore plus. Quand son père claqua son menu contre la table, Chuck se retourna automatiquement vers lui. Il le connaissait assez pour savoir qu'il ne comptait pas simplement abandonner le sujet, les deux Davis étaient du genre à avoir besoin d'avoir raison tout le temps, autant dire que quand une dispute éclatait, elle ne se terminait jamais vraiment. Chuck fronça les sourcils et serra ses poings sous la table, il ne voulait pas s'énerver contre son père, il savait très bien que ça ne se finirait pas bien, mais William avait le don de le mettre hors de lui. Et voilà, il lui ressortait ce qui s'était passé l'année dernière. Combien de fois Chuck avait entendu ça pendant son année d'exil à New-York? « c'est pour ton bien », « tu devrais nous remercier ta mère et moi », « sois un peu reconnaissant », « après tout ce qu'on a fait pour toi... ! » ou encore son préféré : « grandis un peu ! ».

« Tu veux bien arrêter de remettre ça sur le tapis pour justifier tout ce que tu fais? Tu vas t'en servir encore longtemps? » Il n'osa pas en rajouter, il avait envie de lui lancer qu'il ne regrettait pas une seule seconde ce qu'il avait vécu avec Serena et que si c'était à refaire, il n'hésiterait pas une seule seconde, mais son père avait toujours ce côté intimidant qui obligeait Chuck à s'arrêter avant de commettre l'irréparable. Chuck laissa échapper un rire amer et se laissa retomber contre le dossier de sa chaise à son tour. Oh ça c'était trop fort, il aurait du le sentir venir. Car après tout, c'était vrai, tout ce que son père faisait était dans le meilleur intérêt de son fils. C'était bien connu, les parents savent toujours ce qui est le mieux pour leurs enfants.

Chuck préféra ne rien répondre mais sentit sa mâchoire se contracter. Pourquoi ils ne pouvaient jamais aborder le sujet calmement, pourquoi ne réussissaient-t-ils pas à avoir une conversation normale entre deux adultes dés qu'il s'agissait de sa vie amoureuse? Chuck détourna les yeux en entendant la façon dont son père avait prononcé le prénom de Serena, il y avait tellement de dégoût et de mépris dans sa voix que Chuck avait juste envie de se lever et de planter son père ici. Mais il savait très bien que ça ne servirait à rien, il resta donc bien tranquillement assis à écouter son père déverser sa bile. « Papa ! » S'exclama Chuck d'un ton indigné, s'attirant au passage quelques regards de la part de leurs voisins de table. Il ne venait pas juste de dire ça. Chuck secoua la tête et essaya de remonter le temps de quelques secondes, histoire de pouvoir continuer à parler du sujet qui l'intéressait tout en prétendant que son père n'avait jamais dit ça.

« Tu pourrais arrêter avec tous les sacrifices que tu as fait pour moi, pitié? » Demanda Chuck d'un ton purement irrité. Combien de fois est-ce que William lui avait jeté ça à la figure quand il avait voulu soumettre son fils à quelque chose qu'il ne voulait pas faire? Il l'avait d'ailleurs utilisé au moment de le forcer à partir pour New-York. « Et t'en fais quoi des sacrifices que j'ai fait pour toi? Si tu crois que j'ai toujours rêvé de reprendre l'entreprise familiale, tu te trompes. Alors arrête d'essayer de me culpabiliser pour obtenir ce que tu veux, ce petit jeu ne marche plus avec moi. » Il lâcha un soupir exaspéré mais dut s'interrompre dans sa dispute avec son père quand un serveur vint leur demander ce qu'ils prendraient. Chuck jeta un coup d'oeil rapide au menu et commanda le premier plat qui s'offrait à ses yeux. Il tendit la carte au serveur et attendit que son père choisisse à son tour. Quand le serveur fut parti, Chuck se pencha légèrement sur la table, les yeux rivés sur son père.

« Tu crois vraiment que tu m'as aidé aujourd'hui? » Chuck s'en voulait de continuer à mentir à son père sur ce point là, ça rendait la dispute encore plus ridicule qu'elle ne l'était déjà, mais il était trop tard pour reculer. Sans compter que vu l'état dans lequel son père se mettait alors qu'il pensait que son fils sortait avec Hesther, ce n'était pas la peine d'espérer réussir à lui faire comprendre qu'il était encore amoureux de Serena. « Avec ou sans toi ce serait arrivé. » C'était faux, mais bon, ça il n'était pas obligé de le savoir. « La seule différence c'est que maintenant Hesther doit penser que tu es complètement givré, alors félicitations pour tes talents d'entremetteur, papa. » Lâcha-t-il d'un ton sec. Il savait qu'il était allé trop loin, et qu'il allait probablement le payer, mais c'était sorti tout seul, et ça faisait du bien.

S’en servir ? Will ne se servait pas de ce qu’il s’était passé entre Serena et son fils pour obtenir quoi que ce soit. Il n’avait eu aucune envie de déménager à New-York et il n’avait pas utilisé cette affaire comme excuse, elle justifiait juste leur déménagement. Bon, si Will avait parfois utilisé son ‘sacrifice’ pour forcer Chuck à faire la vaisselle à sa place, c’était une affaire toute différente. Mais s’il n’y avait que cela, il achèterait un lave-vaisselle et la question serait réglée.

Ce que Chuck dit après cela choqua assez Will pour le couper alors qu’il était prêt à répliquer. Il n’avait jamais pensé que Chuck s’était sacrifié pour reprendre son entreprise, il ne lui avait pas mis le poignard sous la gorge non plus. Si son fils avait vraiment voulu faire autre chose, il lui en aurait parlé, n’est-ce pas ? Et si Chuck n’avait jamais protesté, ce n’était tout de même pas sa faute !

Et William s’apprêtait à le lui dire lorsque le serveur s’approcha de leur table pour prendre leur commande. Will commanda un plat au hasard et un verre de whisky. Ses disputes avec Chuck étaient toujours si pénibles qu’il les finissait en général à moitié ivre.

« Givré ? Fais attention, je suis tout de même ton père ! Tu t’y prenais comme un manche, j’ai simplement essayé de te donner un coup de main. Et le résultat parle de lui-même, non ? Si elle m’a trouvé un peu excentrique, je m’en fiche, là n’est pas la question ! »

Will arracha son verre de whisky des mains du serveur et l’avala cul sec avant d’en demander un nouveau. Cette discussion allait être pire que pénible.

« Je te fais culpabiliser car c’est le meilleur moyen de parler à un enfant ! Quand tu seras prêt à me parler en adulte, je serai ravi de te traiter comme tel ! Mais tant que tu continueras à te comporter comme un adolescent qui a honte de ses parents, passe ses journées à se plaindre que sa vie n’est pas juste et s’amuse à défier l’autorité de son père par simple esprit de contradiction, j’utiliserai les moyens qu’il faudra pour être sur que tu ne fasses pas de bêtise ! »

William appuya ses deux mains contre la table et laissa échapper un soupir.

« Nous voulions tous les deux te voir de retour avec Hesther, qui est d’ailleurs charmante. Mission accomplie, je ne vois vraiment pas de quoi tu peux te plaindre. »

CHUCK & WILLIAM

Dés la seconde où Chuck avait fermé la bouche il s'était rendu compte qu'il avait eu tort de dire ça. Au fond il savait qu'il était peut-être un peu trop dur avec son père, après tout, ce dernier faisait tout pour l'aider, il s'y prenait juste comme un manche. Il n'avait aucune idée de ce que Chuck voulait, et quand il le savait, il n'allait pas dans son sens pour une raison ou pour une autre. C'était un fait, les deux Davis avaient du mal à s'entendre, même en faisant des efforts, et il y avait des sujets qu'ils ne pouvaient pas aborder sans que ça déclenche une nouvelle guerre dans la famille. La vie amoureuse de Chuck, depuis plus d'un an maintenant, était l'un de ces sujets. Le jeune homme essaya de se calmer, il savait qu'il était allé trop loin et il était prêt à le reconnaître, aussi, quand son père le remit à sa place, ce fut d'une voix plus maitrisée qu'avant qu'il répondit. « Désolé, papa, je ne voulais pas dire ça. » Enfin, à peine avait-il dit ça qu'il se sentit à nouveau agacé par son paternel. « Un peu excentrique? C'est l'euphémisme de l'année. » Murmura-t-il plus pour lui-même qu'autre chose, les sourcils levés. Il prit la bouteille de vin que le serveur leur avait apporté et il s'en servit un verre plein. Il allait en avoir besoin, son père, quant à lui, s'était déjà rué sur son whisky. C'était leur habitude dés qu'ils se disputaient, ça les empêchait de passer deux heures dessus, après une demi-heure, aucun des deux ne tenait de propos cohérents, alors forcément, ça coupait court aux disputes.

Un enfant? Chuck fut prit d'une soudaine envie de se lever et de planter son père dans le restaurant mais, bien conscient que ça ne ferait qu'aggraver son cas et appuyer l'argument de William, il se retint. La mâchoire de plus en plus serrée, il tentait tant bien que mal de ne pas regarder son père, ça avait tendance à l'énerver. Il arborait comme à son habitude ce petit air supérieur et sévère que Chuck détestait plus que tout au monde. C'était l'expression qui signifiait « j'ai raison et tu as tort, de toute façon je suis ton père, c'est comme ça et c'est pas autrement ! ». Chuck prit quelques secondes, respira un grand coup, histoire de se calmer. S'il répondait maintenant à son père, ça allait tourner au bain de sang et il n'y tenait pas. Qui plus est, il tenait à prouver à son père qu'il n'était pas aussi immature et enfantin que celui-ci semblait le croire. « Je ne suis pas entrain de défier ton autorité. Ce n'est pas parce que tu es mon père que tu as toujours raison et que je dois toujours être d'accord avec toi, enfin. » Il détourna le regard, incapable de regarder son père en face.

Oui, il n'avait aucune raison de se plaindre, il était de nouveau avec Hesther, du moins, dans l'esprit de son père. Et au fond de lui-même, Chuck savait pertinemment que s'il s'énervait autant après l'humiliation qu'il venait de subir, ce n'était qu'à moitié à cause d'Hesther. Une partie de lui en voulait toujours terriblement à son père de l'avoir forcé à s'éloigner de Serena l'année passée. Il savait que William n'avait fait ça que pour l'aider, mais ça ne changeait pas les faits : il lui avait rendu la vie infernale pendant un an et était en partie responsable de ce qui lui était arrivé avec Serena. En tout cas, c'était ce que Chuck préférait se dire, plutôt que d'accepter de prendre toute la responsabilité sur ses épaules. Seulement voilà, ça, il ne pouvait pas le dire à son père. Avouer qu'il lui en voulait encore pour ça, c'était lui avouer que toute cette histoire ainsi que la jeune femme lui tenaient encore à coeur, et ça, pour l'instant, c'était une mission suicidaire. « Je me plains parce que tu ne t'es pas comporté correctement avec Hesther. Je tiens énormément à elle et tu es venu l'embêter sans raison. Et puis c'est une question de principe aussi, merde. J'ai pas besoin que tu joues les entremetteuses et j'apprécierais que tu arrêtes de mettre le nez dans mes affaires. J'aimerais bien que tu me fasses confiance pour changer. » Chuck avait envie de lui hurler qu'il était assez grand pour choisir avec qui il voulait être, mais il savait que ce n'était pas le bon moment, son père lui en aurait juste collé une s'il lui avait avoué être encore amoureux de Serena et avoir envie de se remettre avec elle. Il n'aimait pas être malhonnête de la sorte avec son père, mais il n'avait vraiment pas l'impression d'avoir le choix.

Will accepta les excuses de son fils gracieusement, avec un petit sourire satisfait et un hochement de tête. Chuck marmonna quelque chose dans sa barbe que son père ne comprit pas, mais pour éviter de relancer un débat stérile, Will se contenta de froncer les sourcils sans lui demander de répéter. Il n’était pas certain de vouloir entendre ce que son fils avait dit de toute manière. Tel père tel fils, Chuck se servit un grand verre de vin et commença à boire à son tour. Will se retint à grande peine de lui dire d’arrêter de boire une boisson pour chochottes et se concentra sur son propre whisky à la place. Après tout, si Chuck comptait se bourrer à coup de rouge, ce serait lui qui paierait l’addition.

Will accueilli sa remarque suivante avec grâce et maturité : il laissa échapper une toux moqueuse avant de se cacher derrière son verre pour marmonner :

« Peut-être bien, mais j’avais quand même raison sur ce coup là… »

Il eut cependant la grâce de s’admettre à lui-même que son fils faisait preuve d’un peu de maturité et qu’il ne cherchait pas à relancer une discussion qui ne les mènerait nulle part. Il lança donc un regard innocent à son fils lorsque celui-ci fronça les sourcils et le laissa terminer.

Will était prêt à admettre que son fils avait peut-être raison sur certains points. Peut-être avait-il un peu exagéré devant Hesther, mais Chuck devait pouvoir comprendre que ça ne partait que d’une bonne intention.

Cependant, Will avait besoin de mettre le nez dans les affaires de son fils, Chuck le lui avait prouvé, n’est-ce pas ? Il n’avait peut-être commis qu’une erreur, mais elle était de taille et il ne lui avait pas encore prouvé qu’il était capable de se débrouiller seul à nouveau. Pourtant, Will ne pouvait pas se résoudre à réprimander son fils à nouveau après la confession qu’il venait de faire sur l’entreprise familiale. Will avala le reste de son verre pour se donner du courage, sentant que la suite serait difficile. Pourquoi fallait-il que tout soit aussi difficile avec Chuck ?

« La confiance ça se mérite. » répondit-il d’un ton calme et posé. Sentant Chuck sur le point de répliquer, il leva le doigt pour le faire taire.

« Cependant… Si tu arrives à me prouver que tu es bien une nouvelle personne et que ce qui est arrivé n’arrivera plus, je suis prêt à te donner un peu plus d’espace. Dans le futur. Peut-être. »

CHUCK & WILLIAM

Chuck ne chercha pas à savoir ce que son père avait marmonné en se cachant derrière son verre de whisky. Se contentant de froncer les sourcils pendant quelques secondes, il lança un regard légèrement provocateur à son paternel comme s'il le défiait de lui dire lui-même ce qu'il avait dit, puis abandonna l'idée. Ils avaient déjà assez de raisons de se disputer sans rajouter des idioties à la liste. Il aurait aimé que sa relation avec son père soit plus harmonieuse et surtout moins houleuse. Dés qu'ils se voyaient ça se finissait comme ça, enfin à part quand ils parlaient baseball ou football américain, mais ça ne comptait pas vraiment, en tout cas pas selon le point de vue de Chuck. Dés qu'ils entamaient une discussion sérieuse ou personnelle, ils se mettaient à se disputer, à agir avec mauvaise foi et puis, ensuite, à boire jusqu'à ce qu'ils oublient tous les deux pourquoi il se disputaient à la base. Leur relation n'était pas la plus saine au monde, c'était le moins qu'on puisse dire, et avec leur petit rituel pour régler les conflits ils finissaient par avoir un tas de squelettes au placard, vestiges de disputes jamais terminées et laissées de côté depuis des mois, voire des années.

Ne vous y méprenez pas, Chuck aimait et respectait énormément son père, il était juste incapable de s'entendre avec lui sur des questions d'ordre personnelles. Et les choses n'étaient pas allées en s'améliorant après l'affaire Serena, comme l'appelait souvent son père. Chuck allait bel et bien répliquer quand son père lui déclara que la confiance était quelque chose qui se méritait, Chuck était persuadé d'avoir fait assez durant toute sa vie pour mériter justement la confiance de son père. Mais Will, le connaissant apparemment bien, le coupa avant qu'il n'ait le temps de protester et de relancer une nouvelle dispute. Patient, Chuck le laissa continuer sans broncher. Les bras croisés, ne touchant pas à son déjeuner – ça devenait une véritable habitude ! - il attendit que son père finisse ce qu'il avait à dire.

« Une nouvelle personne? » Lâcha Chuck dans un soupir. Pour la énième fois depuis qu'il était entré dans le restaurant avec son père, il ressenti l'envie pressante de se lever et de courir pour s'éloigner de William. Il se contenta pourtant de baisser les yeux, éviter le problème n'était jamais la bonne stratégie à adopter avec son père, s'il fuyait, c'était lui qui perdait, il acceptait que son père ait raison, et ça, Chuck n'était pas prêt à le faire. Pour la simple et bonne raison que selon lui, il n'avait pas raison. Le visage légèrement plus sombre qu'auparavant et les sourcils froncés, il but une grosse gorgée de vin avant de reposer son verre sur la table. Les pensées se succédaient dans son esprit à une vitesse affolante et il jugeait ses options. Il était déjà fatigué de se disputer avec son père, surtout qu'il ne se sentait pas de taille à lui avouer la vérité et à commencer le point qu'il mourrait d'envie d'aborder : Serena.

Il avait bien un autre choix. Être honnête, sans pour autant dévoiler son jeu. « Je sais que tu détestes Serena, et attends, dit-il en levant la main pour stopper son père avant que celui-ci ne crache son venin sur la jeune femme, je sais que tu la détestes et que tu considères que j'ai fait une belle connerie l'année dernière. Et je sais que j'ai eu tort, je n'aurais rien du tenter alors qu'elle n'était pas majeure, je le sais ça, d'accord? Mais je l'aimais, et je n'apprécie pas que tu juges ce que j'ai fait comme une erreur. C'était pas malin de ma part, je le reconnais, mais je l'aimais. Est-ce que tu peux comprendre ça? » Il lança un regard las à son père, essayant pour une fois de ne pas lui mentir. Bon, il avait habilement choisi le temps à utiliser afin de ne pas lui faire comprendre qu'il l'aimait encore, il espérait juste que son père soit assez aveuglé par sa fausse relation avec Hesther pour ne pas comprendre pourquoi le sujet lui tenait encore tellement à coeur.

Si tu arrives à me prouver que ce qui est arrivé n'arrivera plus. Les mots résonnaient dans sa tête et Chuck avait envie de lui avouer une bonne fois pour toute qu'il crevait d'envie que ça arrive encore, justement. Mais il n'en avait pas le cran. Au lieu de ça, il continua d'une voix un peu plus faible encore. « Mais j'ai changé, tu as raison. » Finit-il, manquant de cran pour expliquer à son père ce qu'il ressentait vraiment. Enfin, il allait au moins avoir l'occasion de tester la température de l'eau, voir à quel point son père détestait encore Serena.

Will aperçut son fils soupirer et se retint à grande peine de sourire. Chuck allait abandonner le conflit et peut-être se ranger à son avis. En tout cas, ça semblait bien parti. Will était prêt à faire des efforts (pas trop non plus, il ne faut pas exagérer), il pouvait se montrer souple sur certains points mais l’affaire Serena n’en faisant pas partie. Il avait trop à perdre dans cette histoire pour oser prendre le moindre risque.

Tel père, tel fils, Will était bien sur le point d’interrompre son fils lorsque celui-ci l’interrompit avant qu’il ne puisse relancer le sujet Serena. En y réfléchissant, c’était sans doute mieux ainsi.

Will ne l’admettrait pas facilement, certainement pas à son fils. Mais il pouvait peut-être comprendre, aujourd’hui en tout cas. Il y a un an la décision de Chuck lui avait paru irresponsable et irréfléchi, et peut-être l’était elle. Aujourd’hui cependant, William voyait les choses différemment. Après le discours de son fils, il ne put pas s’empêcher de comparer ce que son fils avait ressenti pour Serena avec ce qu’il ressentait aujourd’hui pour Cécily, et il se rendit compte avec horreur que dans sa situation, il aurait sans doute agit de la même façon.

William fit un geste de la main pour signaler au serveur qu’il aurait besoin d’un autre verre. Peut-être même d’une bouteille entière vu ce qu’il s’apprêtait à dire. Si Chuck avait véritablement changé comme il venait de le dire, il était peut-être temps que William y mette un peu du sien à son tour. Il prit une grande inspiration et ne put que prier pour qu’il prenne la bonne décision.

« Bien sur que je peux comprendre, fiston. J’ai été jeune aussi et… je sais ce que certains sentiments peuvent vous faire perdre la tête… vous faire sortir du droit chemin… »

Le serveur arriva alors avec le nouveau verre de whisky et Will se jeta quasiment sur lui avant d’en prendre une longue gorgée. Un peu plus et les deux hommes allaient se réveiller avec un vagin et une paire de seins.

« Je… Je serai occupé ce soir si tu veux inviter Hesther à la maison, je ne vous dérangerai pas. »

Will n’irait pas plus loin que cela, et il estimait déjà en avoir fait beaucoup. Il ne l’admettrait pas, mais depuis l’affaire Serena, William était devenu très protecteur avec son fils de peur de le perdre. Ils étaient passés si près du désastre et quelque part, Will se demandait si ce n’était pas de sa faute. Il n’avait peut-être pas été assez présent pour Chuck, n’avait pas été assez attentionné. Et voilà une erreur qu’il ne referait plus.

Will laissa échapper une toux pour combler le silence devenu un peu trop intense à son goût.

« Tu sais, » commença-t-il, un petit sourire aux lèvres. « Un jour mon père aussi m’a aidé à draguer une fille qui me plaisait, et je ne m’en suis pas plaint. J’ai passé une très bonne soirée ce jour là. Et le petit déjeuner n’était pas mauvais non plus, si tu vois ce que je veux dire.

CHUCK & WILLIAM

Chuck fut touché par la confession de son père. Le fait qu'il veuille bien admettre qu'il pouvait comprendre ce que Chuck avait ressenti quand il avait rencontré Serena l'émouvait au plus haut point et après s'être senti proche de son père pendant quelques secondes, il se sentit d'autant plus mal en se souvenant qu'il lui mentait ouvertement. Il s'en voulait encore plus de ne pas lui avouer la vérité à propos de Serena, pour l'une des premières fois de sa vie, son père faisait une concession lors d'une de leur fameuse dispute, il admettait pouvoir comprendre le point de vue de son fils, et même si ça lui faisait chaud au coeur, ça le tuait de se dire qu'il ruinait un moment pareil en lui mentant de la sorte. Il essayait de faire baisser la culpabilité en se rappelant qu'il n'avait pas le choix, mais sa conscience ne cessait de l'interrompre pour lui rappeler qu'on avait toujours le choix. Il finit par demander au serveur de lui apporter à lui aussi un verre de whisky, il allait avoir besoin de quelque chose d'un peu plus fort que du vin rouge si les choses devenaient émotionnelles par ici. Les disputes, c'était facile à gérer, ils se hurlaient dessus, ils refusaient de céder d'un pouce et ils se quittaient fâchés. Mais les moments d'honnêteté et de déballage de sentiments, c'était une chose à laquelle Chuck n'était pas habitué, surtout avec de son père.

Il eut un léger pincement au coeur en entendant son père parler de droit chemin. Soucieux de ne pas gâcher un moment si rare, il se rappela qu'il était bel et bien sorti du droit chemin, même si lui se refusait toujours à le voir comme ça. Pour lui il n'y avait jamais eu de droit ou mauvais chemin, quand il avait rencontré Serena il n'y avait eu qu'un seul chemin et il l'avait mené tout droit dans ses bras. Il n'avait pas senti à un seul instant qu'il avait eu le choix avec la jeune femme. Chuck imita son père et attaqua sec le whisky qui venait d'arriver pour lui. Il en oubliait presque qu'il était censé retourner travailler après le déjeuner et se contentait d'essayer d'y survivre. « Merci papa, j'apprécie le geste. » Et c'était pour une fois sincère. Il fut pris d'une nouvelle crise de culpabilité quand il se demanda s'il allait en profiter pour inviter Serena. Il était vraiment trop nul, il se battait pour obtenir plus de confiance de son père et la première chose qu'il faisait dés qu'il lui lâchait un tout petit peu la bride c'était de faire exactement ce que son père lui avait interdit dans son dos. Il se mordilla la lèvre inférieure et essaya de ne pas trop se concentrer sur les problèmes que cette nouvelle situation allait créer mais plutôt sur ceux qu'il venait de résoudre avec son père. Tout n'était pas encore réglé entre eux mais ils avaient fait un plus grand pas en vingt minutes qu'ils n'en avaient jamais fait en vingts ans, et ça méritait d'être fêté. Il prit donc une nouvelle gorgée de whisky.

Chuck détourna le regard et se redressa sur sa chaise, soucieux, tout comme l'était son père, de ne pas tomber dans le larmoyant. C'était déjà exceptionnel qu'ils réussissent à communiquer sans hurler, chaque chose en son temps. Ils n'allaient pas se mettre à pleurer sur l'épaule l'un de l'autre et à se raconter tous leurs traumatismes d'enfance. Chuck s'étouffa sur son whisky quand son père reprit la parole. Il toussa pendant une bonne minute, devenant de plus en plus rouge, avant de pouvoir finalement répondre à son paternel. « Papa, pitié, passe-moi les détails. » Mais c'était dit sur un ton rieur et taquin, et non sur un ton de reproche comme il l'avait déjà fait auparavant. Il essuya les petites larmes qui perlaient au coin de ses yeux et attaqua finalement son plat principal. L'alcool dans son sang commençait à lui donner le tournis et s'il ne mangeait rien il allait arriver au bureau en rampant. « Enfin, c'est gentil de l'offrir, mais je ne pense pas qu'on viendra à la maison. Je suis très bien comme ça à l'hôtel. » Il lança un sourire en coin à son père tout en sachant qu'il refusait parce qu'il se méfiait encore un peu. Il appréciait l'intimité et l'anonymat qu'il avait à l'hôtel, faire quoique ce soit dans la maison de ses parents, ça aurait été un pied de nez et surtout, un coup bien trop risqué. Il ne pensait même pas inviter Serena, mais s'il disait qu'il allait inviter Hesther, alors il serait obligé de le faire. Alors que s'il disait qu'il la verrait à l'hôtel, il pourrait tout aussi bien passer la soirée tout seul à se reposer. Et à se remettre de sa journée. En plus, connaissant son père, il se serait amusé à rentrer plus tôt et aurait pu être très surpris de ce sur quoi il serait tombé.

« Tu sors avec qui ce soir? Maman est en ville? » Il avait demandé ça d'un ton totalement anodin, commençant finalement à vraiment attaquer son plat.

Will hocha la tête lorsque Chuck accepta gracieusement son geste (manquerait plus qu’il le refuse, le bougre !) et entama lui aussi son whisky. Tel père, tel fils. Heureusement pour les deux hommes, le quart d’heure des émotions semblaient être terminé. Non pas qu’il l’avouerait à haute voix, mais Will se sentait plutôt satisfait de leur conversation, il y’avait eu des cris, des coups bas mais ils n’en étaient pas arrivés aux mains et personne ne s’était enfui, c’était déjà plus qu’il n’aurait osé l’espérer. Il aurait pu se passer du ‘chick flick moment’ mais Will devait bien admettre (à soi même au moins, s’il ne pouvait pas le faire à voix haute) qu’il se sentait plus proche de son fils aujourd’hui qu’il ne l’avait jamais été.

Chuck s’étouffa avec son verre de whisky et William haussa un sourcil surpris. Hé bien, tout ce cirque pour une stupide anecdote, Chuck pouvait vraiment être coincé parfois. Il devait bien se douter que son père avait déjà couché avec des femmes, ne serait-ce qu’avec sa mère.

Leur conversation était désormais plus détendue et si son histoire avait faillit étouffer son fils, elle avait au moins eu le mérite de leur faire un peu oublier qu’ils se hurlaient dessus il n’y a pas cinq minutes de cela.

« Je vois. » Will répondit avec un clin d’œil lorsque Chuck déclina son offre.

Après tout, tant que Chuck ne mettait pas de nouveau leur famille en danger, il pouvait bien s’amuser avec qui il voulait. Will aurait même été prêt à l’encourager, Chuck avait bien besoin de se détendre.

Will resta très calme lorsque Chuck demanda si sa mère était en ville et étant donné les circonstances, il en était très fier. Il avait déjà préparé son excuse avant d’avoir proposé la maison à Chuck, il ne lui restait plus qu’à s’expliquer sans bafouiller.

« Non, ta mère est encore à New-York. » répondit-il avant de finir son verre et d’attraper sa fourchette. « Je n’ai pas dit que je ‘sortais’ comme tu dis si bien, je viens d’engager quelqu’un pour s’occuper du magasin en ville et je dois commencer à la former aujourd’hui. »

Will attaque sa salade avant de se rendre compte que son excuse n’expliquait pas pourquoi il devait passer la soirée là bas. C’était même assez suspect. Il avala difficilement son morceau de poulet et reposa ses couverts un peu plus rapidement qu’il ne l’aurait fait en général.

« Elle n’a jamais occupé ce genre de positions et… » Oh, joli choix de mot Will. «J’ai bien peur qu’il ne me faille un peu de temps pour lui expliquer comment tout fonctionne, mais c’est une femme charmante. Je suis sur qu’elle s’en sortira très bien après quelques jours. »

Ça aurait pu être pire. Ça aurait aussi pu être mieux, mais coincé comme il était, Chuck n’irait sans doute rien imaginer de bien terrible.

CHUCK & WILLIAM

Chuck avait posé la question de façon tout à fait anodine. Juste histoire de faire la conversation. Mais en voyant la réaction de son père, il ne put s'empêcher de froncer légèrement les sourcils. Il agissait bizarrement là où bien c'était lui qui devenait paranoïaque? Chuck avait beau être relativement coincé – qui ne le serait pas en parlant amour avec son géniteur? - il n'était pas non plus aveugle. Son père n'agissait pas normalement et sa curiosité était désormais piquée à vif. Faisant mine de rien, il continua cependant à manger. Il savait que son père lisait en lui comme dans un livre ouvert et il détestait ça par dessus tout, alors il avait apprit à se montrer le plus neutre possible en présence de William.

Il but une gorgée d'eau – histoire de ne pas finir le déjeuner par terre – et continua à écouter son père. Il le connaissait bien pour savoir qu'il lui cachait quelque chose. Lui qui d'habitude avait toujours des gestes si assurés et si précis, il restait toujours placide et ne se laissait jamais déstabiliser, et là, la seule mention de sa soirée et de la jeune femme et il commençait à perdre – juste un peu – ses moyens. Non, ça cachait définitivement quelque chose et la curiosité maladive de Chuck se devait maintenant d'être satisfaite. « Oh je n'en doute pas. » Répondit-il avec un sourire poli tout en continuant à manger. Il ne tenait pas à faire comprendre à son père qu'il se méfiait ou même qu'il trouvait son attitude étrange. Il repassait intérieurement les dernières phrases que son père avait prononcées, cherchant consciencieusement un indice, quelque chose qui puisse le mettre sur la voie.

« Oh mais j'y pense, » enchaina-t-il d'un ton naturel, un sourire aux lèvres, « ce n'est pas à toi de la former, je te rappelle que tu es censé être à la retraite. » Légère moue moqueuse histoire de ne pas éveiller les soupçons. Après tout, c'était en prenant le sujet trop au sérieux que son père allait suspecter quelque chose. « Je peux le faire à ta place si tu veux. Je vais appeler Hesther et lui demander si on peut se voir demain plutôt. Ça me donnera l'occasion de rencontrer la nouvelle recrue. » Il lança un nouveau sourire à son père avant de recommencer à manger. Voilà, le piège était posé. Son père allait de toute façon refuser, il le connaissait assez bien pour savoir qu'il le forcerait à passer la soirée – voire la nuit – avec Hesther sans la moindre gêne, mais c'était la façon dont il allait le faire qui risquait de lui apprendre ce qu'il désirait savoir.

« Tu n'as qu'à me donner son numéro de téléphone, je l'appelle tout à l'heure et je la tiens au courant. Et comme ça toi tu peux te reposer et faire semblant, au moins pour une soirée, de bel et bien être à la retraite. » Déclara Chuck d'un ton moqueur. Ne relevant les yeux de son assiette que pour jeter de temps en temps un coup d'oeil à son père, le jeune homme tentait désespérément de remarquer un changement d'attitude chez William. Il ne savait pas pourquoi il était aussi méfiant, il n'avait jamais spécialement douté de son père, ne l'avait jamais suspecté d'infidélité, et pourtant il savait qu'il n'avait jamais été amoureux de sa femme. Peut-être était-ce justement la raison, William n'avait jamais compris ce que Chuck avait pu ressentir à l'égard de Serena et maintenant, il comprenait? Peut-être comprenait-il désormais parce qu'il ressentait la même chose à l'égard de quelqu'un d'autre? Chuck eut une envie soudaine de se frapper le crâne contre la table. Il était bête, ce n'était probablement rien et il allait chercher trop loin, voilà tout.

En tout cas, il l'espérait vraiment. Ça ne l'empêchait en tout cas pas de continuer à jeter des regards fréquents à son père pour vérifier qu'il n'avait pas un comportement sortant de l'ordinaire.

Trop pris dans son histoire pour observer la réaction de Chuck, Will manqua le changement dans son attitude et son froncement de sourcils. S'il avait seulement levé les yeux une ou deux secondes, Will aurait sans doute compris que son mensonge n'était pas aussi bien passé qu'il aurait pu l'espérer. Malheureusement pour lui, Will ne releva la tête que pour apercevoir son fils prendre une gorgée d'eau et lui répondre poliement. Quoi de plus innocent que cela?

Si Will avait été plus expressif il se serait sans doute autorisé un petit sourire satisfait (et soulagé), mais il resta parfaitement stoïque et continua lui aussi à manger. C'est alors que Chuck reprit la parole et que Will se rendit compte qu'il avait peut-être crier victoire trop tôt.

Heureusement, Will n'avait pas la bouche pleine lorsque Chuck parla finalement. Il se contenta juste de prendre un air offensé, essayant de détourner un sujet qu'il savait dangereux.

“ Dis tout de suite que je suis trop vieux!”

Malheureusement pour lui, rien n'y fit et Chuck termina bel et bien sa pensée. A vrai dire, si Chuck avait eu sa soirée libre, Will l'aurait certainement laissé faire. Si son fils était occupé au magasin, William était libre de faire ce qu'il voulait sans avoir à craindre d'être découvert. Cependant, que Chuck annule son rendez-vous était inacceptable. Pas après tout le mal que Will s'était donné pour le lui obtenir!

“Je te signale que je me porte très bien pour un homme de mon âge!” commença-t-il d'un ton vexé. “Et je serai tout à fait capable de m'occuper de la former moi-même. Je n'ai rien de prévu pour la soirée, ce serait ridicule de te demander d'annuler tes plans pour faire quelque chose dont je peux parfaitement m'occuper seul.”

William se félicita de son calme (relatif, certes) en s'accordant une gorgée de whisky.

“ En plus tu ne la connais pas, je suis sure qu'elle serait plus rassurée de m'avoir que d'être formée par un étranger. Vous aurez bien le temps de faire connaissance plus tard. Non, non, non, profite bien de ta soirée avec Hesther et ne t'occupe pas de nous.”

Satisfait de sa manoeuvre, Will recommença à manger, complètement aveugle à la réaction de son fils et au doute qu'il avait laissé planer sur la question.

CHUCK & WILLIAM

Chuck lança un sourire amusé à son père mais se retint de lui répondre. Trop vieux? Un peu quand même. Enfin, il n’osait pas lui dire clairement, de père qu’il ne s’énerve pour de vrai. Après tout, son père lui avait laissé les rênes de l’entreprise et même si Chuck ne pouvait pas lui en vouloir d’être revenu après ce qui s’était passé, il pensait toujours que son père serait mieux à reprendre sa retraite là où il l’avait laissée. Le jeune homme continua à relever les yeux de temps en temps pour vérifier les réactions de William, mais rien ne lui parut particulièrement louche. Fronçant les sourcils en se demandant s’il n’avait pas juste tout inventé de toute pièce, il termina son repas et demanda au serveur de leur apporter deux cafés. Il allait en avoir besoin histoire de se dégriser avant de retourner au boulot. Se massant les tempes il commençait déjà à regretter d’avoir bu tout à l’heure pour éviter de devoir affronter son père sobre, il allait passer un après-midi marrant, tiens !

« Je voulais juste te rendre service, tu sais. Je pensais que tu aurais préféré te reposer, en profiter pour appeler maman, lui donner des nouvelles, tout ça quoi. » Répondit-il en voyant son père insister pour s’occuper de la fameuse nouvelle recrue. Il insistait d’ailleurs peut-être un peu trop et Chuck commença à se dire qu’il y avait peut-être bien anguille sous roche au final. Il n’y avait rien qui puisse prouver quoique ce soit, c’était juste son instinct qui parlait. L’attitude étrange de son père tout à l’heure lui avait mis la puce à l’oreille et même si depuis, William n’avait rien dit ou fait de vraiment inhabituel - au contraire - Chuck ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il lui cachait quelque chose… Et vu qu’ils se parlaient de tout ce qui se passait au boulot - normal me direz-vous - il ne pouvait s’agir que d’un problème personnel. Chuck remercia le serveur qui leur avait apporté deux cafés et il commença le sien.

Observant son père tandis que celui-ci buvait son café, Chuck se demandait s’il devait le croire sur parole. Il connaissait assez son père pour savoir qu’il était du genre manipulateur, il l’avait vu embobiner des gens qui avaient confiance en lui plus d’une fois et Chuck ne pouvait pas s’empêcher de se demander si c’était ce qu’il était entrain de faire avec lui en ce moment. « Dans ce cas, tu me la présenteras la semaine prochaine? » Demanda sur le ton qu’il utilisait toujours quand ils parlaient business ensemble. Chuck préférait laisser la question dans un coin de sa tête pour l’instant, ce n’était pas comme s’il allait pouvoir obtenir une réponse aujourd’hui, et certainement pas de son père. Il essaierait d’en savoir plus et de se rassurer sur la fidélité de William plus tard. Enfin maintenant que le doute était implanté dans son esprit, il ne disparaitrait pas avant que tout soit élucidé.

Il termina son café et demanda d’un signe de tête à son père qui payait pour le repas. Il avait gardé l’habitude de se faire inviter dés qu’il déjeunait avec son père, mais il lui demandait quand même à chaque fois, par politesse. « Il est temps d’y retourner. Tu remontes avec moi? » Demanda-t-il d’un ton neutre, sous-entendant qu’il aurait préféré voir son père rentrer chez lui plutôt que de le suivre encore au bureau comme un petit chien. Ou plutôt comme un inspecteur vérifiant que tout était en règle. Chuck se leva après s’être assuré que le repas était bien payé, et sortit du restaurant. Le vent qui recommençait à lui fouetter le visage lui faisait un bien fou et l’aidait à se remettre les idées en place.

Se reposer? Si Will avait envie de travailler il en avait bien le droit, non? Bon, certes, il n'avait aucune envie de travailler ce soir là, mais c'était une question de principe.

“C'est très gentil de t'en occuper, mais j'ai appelé ta mère il y a quelques jours et tout va bien. Elle t'embrasse d'ailleurs, mais elle compte rester à New-York pour l'instant.”

William força son expression à rester neutre et fut plutôt satisfait du résultat. En ce qui le concernait, il avait géré la situation avec flegme et n'avait montré aucun signe de culpabilité. Chuck n'avait donc aucune raison de soupçonner quoi que ce soit et c'était bien le principal. Le serveur leur apporta leur café et Will accepta le sien avec un petit signe de la tête.

Il allait avoir besoin d'être en forme pour ce soir et le café devenait indispensable. Non pas qu'il soit vieux.

La question de Chuck le prit un peu au dépourvu, mais le ton sur lequel il l'avait posé et le fait qu'il soit normal que son fils veuille rencontrer ses employés l'empêcha de s'alarmer. Il n'y avait rien de suspect à sa question et William prit donc une gorgée de son café avant de répondre.

“Bien sur, je passerai sans doute au magasin dans la semaine. Je te tiendrai au courant pour une date plus précise.”

Lorsque Chuck lui fit signe qu'il avait terminé son café également Will fit un signe au serveur pour qu'il leur apporte l'addition. Bien évidemment, Will invitait son fils mais il appréciait tout de même que Chuck lui pose toujours la question, même si le jeune homme aurait du comprendre que l'inviter au restaurant faisait plaisir à Will. Même lorsqu'ils se disputaient pendant tout le repas.

Ils se levèrent d'un même geste et William essaya de retenir l'élan protecteur qui le prit à la question de son fils. Il avait promis de laisser un peu plus d'espace à Chuck (quel imbécile, vraiment!) et il était temps de mettre ses paroles en action. Il prit une longue inspiration avant de lancer un sourire à son fils.

“Non, j'ai des choses à régler cet après midi. Tu t'en sortiras très bien tout seul.”

Ils devaient tous les deux savoir que William ne faisait pas référence qu'à l'entreprise, mais aucun n'eut le courage de le faire remarquer. Will embrassa son fils sur la joue (il fallait bien l'embarrasser un petit peu) et lui lança un dernier sourire avant de sortir du restaurant et de repartir dans les rues, essayant de se convaincre qu'il avait pris la bonne décision.

CHUCK & WILLIAM

Chuck remercia silencieusement son père de lui avoir payé le repas avant de sortir du restaurant. Les mains dans les poches de son pantalon il attendit que son père lui dise s'il remontait avec lui ou non. Même si ce repas avait terriblement mal commencé, Chuck savait qu'il allait en garder un plutôt bon souvenir. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas réussi à communiquer avec William sans qu'ils ne fassent que hurler et sans que de la vaisselle soit cassée. Il avait vraiment l'impression qu'ils avaient réussi à avancer dans leur relation et la promesse de William de lui laisser plus d'espace et plus de liberté lui faisait vraiment chaud au coeur. Malheureusement pour lui, le mensonge qu'il utilisait toujours avec son père agissait lui pesait autant qu'une ancre et l'empêchait d'être complètement satisfait de cette explication. Il aurait aimé ne plus avoir à mentir à son père, mais il ne se sentait pas prêt. S'il lui avait dit la vérité maintenant, ils n'auraient jamais réussi à s'entendre. Enfin, c'était ce que Chuck ne cessait de se répéter pour faire passer la culpabilité qu'il recommençait à ressentir.

Chuck lança un sourire en coin à son père quand celui-ci répondit. « D'accord. » Dit-il tout en sachant très bien que William saurait l'interpréter comme ce que c'était vraiment : un merci. Chuck appréciait réellement les efforts que son père faisait pour lui lâcher la bride et il tenait à le lui montrer. il s'occuperait de ses montées de culpabilité plus tard. Une chose à la fois, il avait obtenu un peu plus de liberté et c'était tout ce dont il avait besoin dans l'immédiat. Maintenant qu'il était rentré il avait du mal à passer plus d'une semaine sans revoir Serena et il savait que son père lui aurait rendu la tâche quasiment impossible. Il tapota l'épaule de son père quand celui-ci l'embrassa sur la joue et partit dans la direction opposée. Il se retourna pour s'assurer que son père ne regardait pas dans sa direction et sortit son téléphone. « Hesther? Oui je suis vraiment désolé. Je vais tout t'expliquer. » Par où commencer? Par le début. Hesther serait l'une des seules à savoir la vérité sur ce qui l'avait poussé à partir et sur les raisons de son retour. Le coeur battant, il commença son récit et s'arrêta dans un endroit calme de la rue pour pouvoir parler tranquillement.

Dix minutes plus tard il raccrocha, le coeur un peu plus léger, et se remit en route. C'était déjà un problème en moins sur sa conscience.

RP TERMINÉ

VERROUILLE