Chuck & Hesther

« On ne rencontre que ceux qu'on a déjà rencontrés »

Bruit de touches de clavier, sur lesquelles on pianotait en rythme. Les mains de l'avocate courrait littéralement sur les carrés de plastique. La montre accrochée à son poignet égrenait les minutes et indiquait qu'il était plus que temps de quitter le bureau. L'heure de la pause repas avait sonnée depuis belle lurette. Tous ses collègues directs avaient désertés l'étage du gratte-ciel. Silence de plomb tombant sur le cabinet. Atmosphère un peu particulière, légèrement angoissante. A présent seule dans l'open-space, Hesther rédigeait un dernier acte avant de prendre la poudre d'escampette à son tour. Acharnée et assidue comme elle l'était, elle ne pouvait pas faire comme la plupart des personnes avec qui elle pouvait bien travailler. A savoir, abandonner une tâche en cours, pour la reprendre ensuite. Relevant légèrement la tête de son clavier, l'avocate cherchait ses mots. Elle jeta un regard en direction de la fenêtre la plus proche de son bureau. Magnifique vue - de pierre, de verre et de métal - s'offrant à elle. Léger pincement au cœur, alors qu'elle pensait à sa ville natale. Tout était bien différent en Louisiane. Si seulement il lui était possible d'y retourner. Un risque considérable qu'elle ne pouvait pas prendre. Jamais. Désireuse d'en finir au plus vite avec cette maudite tâche ingrate, elle se replongea dans son dossier en cours.

Après avoir tapé son texte durant quelques minutes encore, sur l'ordinateur trônant fièrement sur le bureau, Hesther éteignit l'appareil, avant de regrouper ses affaires. D'un geste vif, elle donna une impulsion au sol, afin de faire reculer le fauteuil sur lequel elle était assise. Sac à main sur l'épaule, elle partît en direction des ascenseurs. Le bruit de ses talons résonna ensuite sur le sol de marbre, alors qu'elle avançait d'un pas vif dans le hall du gratte-ciel. Nouveau regard à sa montre. Très vite elle pût se rendre compte qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps pour pouvoir se restaurer. Un repas sur le pouce ferait fort bien l'affaire. En poussant la lourde porte de l'entrée du géant abritant son bureau, elle se dit que cet endroit était sans doute sa seconde maison. Passant le plus clair de son temps chez Murphy & Thorthon, elle savait que jamais elle ne serait déçue par cet emploi. Son travail, sa vie en résumé. C'est tout ce qu'elle possédait encore. Sans réelles attaches, libre comme l'air, voilà ce qu'elle était. Une jeune working-girl insaisissable. Jamais plus elle ne se laisserait avoir par une quelconque relation, que ce soit amicale ou bien même amoureuse. Se contenter de simples connaissances, de simples amants, voilà qui était parfait pour quelqu'un ayant un secret tel que le sien.

Assise sur un banc non loin de son lieu de travail, elle mordait dans son bagel ; en regardant les personnes passer devant elle, elle se demandait si untel était marié, si cette femme la-bas était bien chef d'entreprise... Observer les gens, leurs pas qui les emportent vers une finalité absente... Et au fond d'elle-même, son image la hante. Ce visage, dont elle n'avait oublié aucune courbe, aucun détail. Sourire presque démoniaque, alors qu'il s'acharnait sur elle, la traînant par les cheveux. Pour chasser cette vision lugubre et pas franchement agréable, elle se saisit de son téléphone portable ; un papier tomba alors de son sac à main. Apercevant le fuyard - sans doute important au vue des nombreux gribouillis se trouvant à sa surface -, elle se leva – sac monogramme dans une main et bagel dans l'autre - et voulu le rattraper. Masse d'air se déployant et voici ce maudit papier qui s'échappe...

fiche par century sex.

Quelques jours s’étaient écoulés depuis que Chuck avait revu Serena après être revenu à Détroit. Rien ne s’était passé comme il l’avait espéré ou même comme il l’avait imaginé, bien au contraire. Il essayait de ne pas trop y penser et de rester concentré sur ses dossiers, mais malheureusement pour lui, il ne réussissait pas franchement à contrôler ses pensées et ces dernières revenaient constamment vers la jeune femme. Il fallait aussi avouer que les apparitions de plus en plus fréquentes de son père au bureau – alors qu’il était censé être à la retraite depuis quasiment cinq ans maintenant – ne l’aidaient pas le moins du monde. Il savait très bien que son humeur et ses soucis personnels étaient entrain d’influer sur son travail et il savait aussi pertinemment que son père n’était pas dupe. Il connaissait la véritable raison qu’avait eue son fils de revenir dans cette ville et il n’avait pas l’air bien décidé à le laisser respirer.

Alors forcément, au bout d’un moment, il avait fini par lui sortir un mensonge histoire de forcer son père à lui lâcher un peu la grappe. Un mensonge… enfin pas vraiment, pour tout vous dire il avait simplement légèrement exagéré la réalité. Il lui avait raconté avoir rompu il y a quelques semaines avec une ancienne avocate de leur entreprise, Hesther, et ne pas être encore prêt à recommencer une relation avec quelqu’un à cause de ça. Il avait en fait exagéré le côté sérieux de la relation qu’il avait un jour entretenu avec la jeune femme. Il avait pensé que ça suffirait à son père et qu’il serait rassuré dans l’idée que son fils ne revoyait plus Serena, malheureusement pour Chuck, ça n’avait encore une fois pas tourné exactement dans le sens qu’il voulait.

Son père avait été – bien entendu – ravi d’apprendre que son fils ne pensait plus à Serena mais il lui avait aussi avoué connaître la fameuse Hesther, de vue en tout cas. Autrement dit, les choses risquaient de mal tourner si jamais ils se recroisaient à nouveau. Chuck essayait de se rassurer en se disant que Détroit était une grande ville, qui plus est, elle avait peut-être déménagé elle-même, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer, qu’avec la chance qu’il avait, il allait encore réussir à se retrouver dans une situation grotesque et embarrassante. « Bien, on continuera après le déjeuner. » Il vérifia l’heure sur sa montre et grogna intérieurement en se rendant compte qu’il ne mangeait jamais à l’heure ces temps-ci. Il se leva, salua ses collègues/employés d’un signe de tête avant de quitter la salle de conférence. Il croisa son père, bien entendu, qui comptait bien déjeuner avec son fiston et parler un peu affaires.

« On se retrouve au restaurant habituel ? Je dois régler un truc avant. » Ce qu’il voulait en fait dire, c’était que son père commençait très légèrement à lui courir sur le haricot et qu’il avait besoin de 5 minutes de tranquillité avant de se faire jeter à nouveau dans la fausse aux lions. Son père hocha la tête en signe de compréhension et descendit en empruntant l’ascenseur. Chuck passa quelques minutes à respirer dans son bureau et finit par descendre à son tour. Il fit un détour avant d’arriver au restaurant, il n’avait pas envie d’arriver trop tôt. Il se retrouva donc dans un parc de Détroit entrain de se promener tranquillement, les mains dans les poches et le vent ébouriffant légèrement ses cheveux. Il sursauta légèrement en voyant un bout de papier voler vers lui et il l’attrapa au vol. Il regarda autour de lui et ne tarda pas à comprendre à qui appartenait le bout de papier en question. Il sourit et s’approcha de la jeune femme, le papier toujours en main. « Hesther ? » Demanda-t-il bêtement après avoir finalement reconnu la jeune femme.

Il ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel en se rappelant ce qu’il s’était dit sur sa foutue malchance un peu plus tôt le même jour. Heureusement pour lui, son père devait déjà être arrivé au restaurant et il n’y avait aucune raison qu’il le rejoigne ici. Il lança son fameux sourire en coin à la jeune femme avant de lui faire rapidement la bise. Oui, les deux jeunes gens avaient eu une aventure mais ça n’avait jamais été sérieux et tout avait toujours été très clair entre eux. Ils s’étaient quittés en très bons termes, d’où le manque de maladresse dans leurs retrouvailles. « Comment tu vas depuis le temps ? » Demanda Chuck avec chaleur. Cela devait en vérité bien faire quelques mois qu’il ne l’avait pas revu et il était heureux de la recroiser, cela lui donnait une bonne occasion de prendre un peu de ses nouvelles. Sans compter que ça lui donnait une bonne excuse pour arriver encore un peu plus en retard au rendez-vous avec son père.

« Il me semble que c’est à toi. » Il lança un sourire amusé à la jeune femme avant de lui tendre le fameux bout de papier qu’il avait attrapé au vol.

Telle la miss Catastrophe qu'elle était, elle fût obligée de parcourir plusieurs mètres avant de pouvoir se rapprocher du papier en fuite. Malheureusement pour elle, une nouvelle brise fît voler un peu plus loin encore le papier en question. Pas le temps de poser le pied dessus, pas non plus le temps de se pencher pour l'attraper. De toute façon, ses deux mains prises l'en auraient empêchée. Pressant légèrement le pas, Hesther suivi la course folle de ce maudit bout de torchon qui ne lui servirait sans doute à rien. La scène aurait pu paraître comique, en d'autres circonstances et si elle n'avait pas été aussi pressée de retrouver la chaleur rassurante de son bureau. En parlant de comique, cela ne devait pas être sa journée, après avoir parcouru une certaine distance, elle fini par tomber nez à nez avec... Chuck ! Il y a des jours comme ça où tout semble aller de travers, allez savoir pourquoi. Celui-ci vint à sa rencontre, totalement décomplexé. Ce qui n'était pas vraiment le cas de la jeune avocate. Bien que leur courte relation ce soit achevée sans la moindre crise de larmes ou de violence verbale, la brunette se sentit quelque peu gênée de recroiser la route de celui qui fût son amant. Chuck semblait surpris de la revoir. Les joues rosies par la honte, elle accepta toutefois sans rechigner le contact qu'il put lui offrir. Après tout, ils étaient deux adultes et qui plus est deux êtres civilisés, alors autant se comporter comme tel.

Comment allait-elle depuis le temps ? Très bonne question, certainement pas mieux, pas pire que lors de leur dernière rencontre. La routine morne de l'existence et son travail pour seule compagnie, rien de bien excitant à dénoter. Bon d'accord, elle le voulait bien, elle n'allait pas se plaindre de cette situation, qui, au final lui convenait parfaitement. Ne pas avoir de réelles attaches sentimentales, parfait. Montrant son bagel, un léger sourire aux coins des lèvres, elle répondit à l'interrogation de son interlocuteur. « Et bien... ça va, je suis toujours aussi occupée, à peine le temps de manger comme tu peux le constater. Et toi tout va bien ? Tu travailles toujours avec ton père ? ». La jeune femme savait leurs rapports plutôt tendus, à cause d'une certaine histoire, bien que les détails soient assez flous pour elle. Jamais au grand jamais ce sujet n'avait été véritablement abordé entre les deux amants. Poser le moins de questions possible, et profiter de l'instant avait été leur credo. Délicatement, elle emballa la fin de son repas, avant de le déposer au fond de son sac et de s'emparer de l'objet volant que lui tendait Chuck. « Merci bien. Désolée du dérangement Sans vraiment regarder de quoi il pouvait s'agir, elle rangea également le papier en question. Elle posa alors son regard cristallin sur celui qui lui faisait face. Tu ne travailles pas aujourd'hui ? ». Bien que légèrement gênée – alors qu'il n'y avait pas vraiment lieu de l'être – elle était tout de même contente de le revoir. Le sourire qu'il pût lui adresser fît remonter quelques souvenirs à la surface, alors qu'elle jetait un coup d’œil à sa montre. Quelques minutes restantes tout au plus avant de devoir filer, pour recevoir son rendez-vous de l'après midi.

Chuck ne put pas s'empêcher de remarquer le léger rougissement de la jeune femme quand elle le remarqua enfin. Cet embarras le fit sourire et il décida de l'ignorer, histoire de ne pas remuer le couteau dans la plaie. « Oui, je vois ça, ça vient avec le travail. Je connais, crois-moi. » Il croisa les bras sur sa poitrine et lança un sourire amusé à Hesther. Il avait toujours apprécié l'honnêteté et la simplicité de sa relation avec la jeune femme. Oh bien sur, ils n'avaient rien partagé de très important, il n'avait jamais été question qu'il parle de ce qui lui était arrivé avec Serena et elle non plus n'avait jamais cherché à se confier sur son passé ou ses histoires personnelles. C'était exactement ce qu'avait cherché Chuck à ce moment là et encore aujourd'hui, il était content d'avoir rencontré Hesther. Elle avait été là exactement au bon moment pour lui.

« Oui, on peut dire ça. Il est censé être à la retraite, mais en ce moment il est constamment au bureau à me surveiller. D'ailleurs là il m'attend pour déjeuner. » Il leva les yeux au ciel en repensant à ce qui l'attendait. Il aurait préféré manger tout seul un sandwich dans son bureau en cinq minutes plutôt que de devoir déjeuner dans un grand restaurant avec son père. Il sentait que la conversation allait vite tourner vers un territoire particulièrement déplaisant pour lui dés qu'il serait à nouveau en compagnie de son paternel et il n'avait décidément pas hâte.. « Enfin, je te rassure, je ne suis pas pressé de le rejoindre, au contraire. » Juste au cas où elle ait l'impression qu'il lui dise ça juste pour essayer de lui expliquer poliment qu'il devait y aller.

Il regarda derrière lui en direction du bâtiment où il travaillait – réflexe stupide quand on lui posait des questions sur son boulot – avant de répondre. « Si, si, je suis en pause déjeuner, comme toi. » Il sentit son portable vibrer dans la poche de son costume et le sortit rapidement. Un appel de son père. Il raccrocha et replaça le téléphone dans sa poche. Il n'avait vraiment pas envie de parler à son père, il lança juste un léger sourire à la jeune femme pour s'excuser de l'interruption.

Hesther était de toute évidence pressée et Chuck se sentait un peu coupable de la retenir alors qu'elle devait avoir du boulot, mais il n'avait pas le courage de la quitter aussi tôt. Après tout elle était la seule chose qui le séparait de son déjeuner avec son père. En plus de ça, il ne l'avait pas vu depuis longtemps et avait vraiment envie de prendre de ses nouvelles. « Alors sinon quoi de nouveau? Tu es avec quelqu'un maintenant, non? » Chuck devait bien avouer que la question n'était pas la plus évidente à poser vu leur relation, même lui ne pouvait pas s'empêcher de se sentir un peu gêné, mais il s'efforça d'ignorer ce sentiment jusqu'à ce qu'il s'en aille. Après tout, ils étaient adultes et assez matures tous deux pour discuter tranquillement et sans gêne de ce genre de choses. Ce n'était pas parce qu'ils avaient été amants pendant quelques temps qu'ils devaient éviter le sujet, après tout il appréciait vraiment la jeune femme et voulait qu'elle soit heureuse.

Quand son téléphone se remit à vibrer dans sa poche il l'ignora simplement et croisa à nouveau les bras sur sa poitrine en attendant la réponse de la jeune femme.

Ne pas se comporter en idiote, arrêter de rougir, ne pas montrer sa gène. Cela ne devait pas être si compliqué que ça non ? A croire que si. Ne pas rougir on vient de dire ! Trop tard. Pourquoi réagir de la sorte, alors que, manifestement il n'y avait aucune raison ? La honte sans doute, un peu. Tout était pourtant - et avait été depuis le début – clair et limpide comme de l'eau de roche entre eux deux. Une simple histoire... de plaisir, rien de plus, pas de quoi en faire tout un plat au final. Quelle idiote parfois ! Tant bien que mal et plutôt mal que bien, elle tenta de retrouver une contenance. D'un geste, elle se passa une main dans les cheveux. Sachant ce que ce geste pouvait représenter, elle voulu laisser retomber son bras le long de son corps. Malheureusement, sa bague en décida autrement, cette dernière se coinça dans plusieurs mèches de cheveux. L'air de rien, l'avocate tira sur les mèches en question, main coincée dans sa masse capillaire. C'était bien sa veine. Dans une posture un brin étrange, la tête légèrement penchée sur le côté, la main dans les cheveux, elle écouta pourtant attentivement son interlocuteur. Le semblant d'aveux sur le paternel intrigua la jeune femme au plus haut point. « Mais pourquoi il fait ça ? C'est totalement idiot. Depuis le temps que tu travailles, il devrait te faire un peu confiance. Tout en continuant à parler, Hesther tira une nouvelle fois sur ses cheveux. Rien ne bougea. Je ne vais pas te retenir trop longtemps alors s'il t'attends pour manger. ». En d'autres termes, vas-t-en vite avant que je ne passe pour une idiote de la pire espèce. C'est presque avec soulagement qu'elle reçut l'information. Cependant, ce sentiment laissa très vite – trop vite – place à un ascenseur émotionnel. Zut. Finalement il n'était pas du tout sur le point de partir.

Chuck tourna la tête durant quelques secondes. Hesther en profita pour tirer un peu plus fort, au bout de quelques efforts acharnés, sa main finie par être libérée. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y était pas allée de main morte - enfin, façon de parler. Quelques cheveux arrachés au passage et une certaine douleur pour couronner le tout. Mentalement, elle s'insulta de tous les noms d'oiseaux. Alors qu'il posait à nouveau le regard sur elle, Hesther se raidit, de manière tout à fait peu naturelle. Là, il était clair qu'il allait remarquer son étrange manège. Un peu plus ou un peu moins de toute façon, cela ne changerait certainement plus rien. Un sourire s'esquissa sur le visage de l'avocate, alors que Chuck, raccrochait copieusement au nez de son interlocuteur – ou du moins de la personne qui tentait de le joindre – son père sans doute. Drôle de relation entre ces deux-là.

Quoi de nouveau ? Hesther pris le temps de la réflexion, durant une demie-seconde. Excellente question qui méritait au moins qu'elle s'y attarde autant. Sa vie était tellement excitante. En fait, non ! Sa vie n'avait pas changée et encore moins bougée d'un yota depuis leur dernière rencontre. Elle était toujours au même point, à savoir à l'arrêt complet. La routine dans son plus bel atour. « Euh... et bien... absolument rien de nouveau ! Ma vie ressemble au no man's land et ce sur tous les plans. La routine et puis... c'est tout ! Rien de franchement excitant. A nouveau ses joues prirent une teinte rosée. Je pense que je devrais bosser un peu moins, dit-elle en fronçant légèrement le nez. Non... je ne suis avec personne. Et toi alors, hormis le fait que tu sois surveillé par ton paternel, quoi de nouveau dans ta vie ? ».

Chuck ouvrit bêtement la bouche quand Hesther souligna l'étrangeté du comportement de son père. Comment expliquer qu'il avait une bonne raison de surveiller autant son fils sans passer pour un obsédé? Difficile. C'était surtout mission impossible, il se contenta donc de rire nerveusement et d'ajouter « Oui, faut croire qu'il ne me fait pas encore entièrement confiance. » d'une voix faible. Il toussota légèrement en essayant de cacher sa gêne mais se doutait bien que la jeune femme l'avait remarquée. Tant pis, elle aurait au moins compris qu'il n'avait pas envie de raconter la véritable raison et il la connaissait assez pour savoir qu'elle ne chercherait pas à en savoir plus si elle se rendait compte que Chuck n'avait pas envie d'en parler. Quand le jeune homme se retourna il remarqua directement que la jeune femme n'agissait pas naturellement et il ne tarda pas à voir les cheveux encore coincés dans sa bague. Il détourna les yeux et tenta tant bien que mal de réprimer un sourire amusé. La maladresse de la jeune femme avait toujours eu le don de le faire rire, mais comme il n'avait pas non plus envie de la mettre dans une situation embarrassante, il préféra ne rien dire.

Chuck ne cacha pas sa surprise en apprenant que la jeune femme ne sortait avec personne. Il la connaissait assez pour savoir que quiconque serait chanceux d'avoir une fille comme elle. Enfin bon, peut-être n'avait-elle tout simplement pas encore rencontré quelqu'un d'assez bien pour elle, ou au moins qui lui plaisait assez pour que ce soit sérieux. Il haussa les épaules et se força à ne pas penser à sa propre situation. Il essayait constamment de ne pas laisser ses pensées dériver sur Serena mais il devait bien avouer qu'il s'y prenait bien mal, surtout que c'était lui qui avait lancé le sujet. A croire qu'il le faisait exprès. « C'est sur qu'avec tes horaires, ça doit pas être facile de rencontrer quelqu'un. » Il en savait quelque chose, mais lui, c'était encore une autre histoire. N'empêche qu'il comprenait très bien que le manque de temps libre pouvait être un véritable handicap dans le domaine des sorties et de l'amour. « Et personne d'intéressant au bureau? » Il lança un petit sourire en coin à la jeune femme, se rappelant de la façon dont ils s'étaient eux-même rencontrés. « Enfin ça viendra, j'en suis sure. Je peux te présenter un ou deux collègues à moi si tu veux. A l'occasion. » Il haussa à nouveau les épaules, essayant de rester le plus naturel et détendu possible. Même lui devait bien avouer qu'il se sentait un peu gêné, il n'y avait pas de raison mais tout de même, ça allait prendre un peu de temps avant qu'ils puissent passer d'amants à amis et qu'ils puissent discuter de tous les sujets tranquillement et sans embarras. En tout cas la proposition était entièrement sincère, il connaissait un ou deux types dans son bureau qui étaient sympa, plutôt mignon – enfin il pensait en tout cas, ce n'était pas le meilleur juge en la matière – et qui étaient célibataires en ce moment. Il avait offert plus pour être poli qu'autre chose mais si jamais ça intéressait la jeune femme, il n'aurait aucun problème à le faire vraiment.

« Bah écoute, pas grand chose non plus. Je viens tout juste de réemmenager ici et je n'ai fait que bosser depuis. » Bon, ce n'était qu'à moitié vrai mais ce n'était pas comme si elle allait vérifier, si? Il n'allait quand même pas lui avouer que tout son temps libre – ou presque – il l'avait passé avec Serena. Il avait oublié à quel point ça pouvait être délicat de constamment mentir sur ses fréquentations à tout le monde, tout ça à cause de ce qu'ils avaient fait l'année dernière. Il fut pris d'une soudaine envie de se frapper le front contre le banc le plus proche mais, heureusement, se retint. « On bosse vraiment trop, ça te dirait pas qu'on aille prendre un verre un soir? Pour se détendre, entre amis rien de plus. » Il préférait être clair, ce n'était peut-être pas la meilleure façon de proposer à quelqu'un de rester amis, mais sur le coup il n'avait pas trouvé mieux. Il s'était dit qu'avec leur emploi du temps de ministre, ça leur ferait du bien de se prendre un verre, tranquille, et de discuter un peu plus amplement. Après tout, la jeune femme était pressée et lui aussi, ils n'auraient pas le temps de vraiment prendre des nouvelles l'un de l'autre.

Étrange de constater à quel point une banale rencontre peut vous faire perdre tous vos moyens, et par la même occasion tout le peu de crédibilité qu'il vous reste encore. Enfin une banale rencontre, pas tant que ça. Hesther n'arrivait pas à déterminer le pourquoi du comment de sa nervosité. D'un naturel déjà bien gaffeur, lorsqu'elle était nerveuse cela ne faisait qu'exacerber encore un peu plus ce côté au combien embêtant, dans certaines situations. A y regarder de plus près, Chuck ne semblait pas être tellement plus à l'aise qu'elle. Décontraction feinte, mais ce petit toussotement venait de le trahir. En un sens, cela la rassura, elle n'était pas totalement folle. Pas totalement. Hesther se contenta de la phrase que ce dernier lui servît, ne cherchant pas à en savoir plus. Accord tacite et commun entre eux. Ne pas chercher à en apprendre plus sur le passé de l'autre, se contenter uniquement des informations délivrées et surtout respecter ce contrat. L'avocate ne pût toutefois s'empêcher de trouver la situation triste. Travailler avec son paternel et en être réduit à le fuir pour avoir un peu de tranquillité. Le pire dans tout ça, restait surtout ce manque de confiance. Qu'avait bien pu faire Chuck, pour mériter ce manque de considération flagrant de la part de son père ? Bien que cela l'intrigua au plus haut point, elle savait qu'il était inutile de poser la question, après tout cette histoire ne la concernait pas et ne la regardait en rien. Faire passer le tout avec un joli sourire et attendre la suite.

En parlant de la suite et après avoir réussi à libéré sa main emprisonnée dans ses cheveux, Hesther piqua un fard. Parler de conquêtes potentielles et de bureau n'étant visiblement pas une bonne idée. Malgré tout, Chuck restait dans le vrai. Travailler autant, et avoir une vie sociable digne de ce nom, chose plutôt difficile. Le no man's land le plus total. Depuis plusieurs années elle avait choisît entre son travail et sa vie personnelle. Choisir le premier comme « mari », au moins était-elle sûre de ne pas être déçue, mais surtout que ce dernier ne se montrerait jamais violent ni tyrannique envers elle. « Mes horaires ne me facilitent pas la vie... Mais j'avoue que je le veux bien et que c'est très bien comme ça. Jamais encore elle n'avait parlé ainsi à son ancien amant.  Non, personne d'intéressant, à part ce bon vieux Jacob qui est aussi muet qu'une carpe, dit-elle en riant. Elle secoua la tête en signe de négation.  C'est gentil de ta part Chuck... mais... je ne cherche personne, je suis très bien comme je suis ! Désireuse de ne pas s'attarder sur sa personne, elle demanda alors parfaitement innocemment :  Et toi tu es avec quelqu'un, ou tu as quelqu'un en vue ? »

Malgré leur aventure suivie d'une rupture, Hesther estimait énormément le jeune homme, c'est donc avec toute l'attention dont elle était encore capable , qu'elle écouta ce dernier. Un sourire se dessina au creux de ses lèvres à cette nouvelle évocation. Décidément il n'y en avait pas un pour racheter l'autre. Tout semblait graviter autour de leurs métiers respectifs. Comme il le fît si bien remarquer, ils travaillaient vraiment de trop. Bien que cela fût une véritable échappatoire pour Hesther, elle devait bien reconnaître que cela n'était pas forcément très sain et puis la vie ne se résumait certainement pas uniquement à cela, à savoir passer sa vie assise derrière un bureau, à recevoir des clients, arpenter les longs couloirs des tribunaux... «  Tu es de retour à Detroit depuis combien de temps ? Un rire sincère lui échappa.  Tu as raison, on travaille de trop. C'est maladif il faut croire. Et bien écoute, ce serait avec grand plaisir pour boire un verre. Nouveau sourire, indiquant par là qu'elle comprenait parfaitement qu'il n'y aurait rien de plus.  Entre amis, bien entendu ! Un peu de distraction ne peut que nous faire du bien après tout ! ». Lorsqu'elle parlait de distractions elle pensait uniquement au fait de rire avec un ami, rien de plus. Cela semblait on ne peut plus clair du côté de Chuck, aucun quiproquo possible. L'idée de passer un peu de temps avec lui l'enchanta au plus haut point.

Chuck n'eut aucun mal à voir que la jeune femme comprenait très bien que le sujet le mettait mal à l'aise, et il apprécia d'autant plus le fait qu'elle abandonne le sujet et ne cherche pas à en savoir plus. Il ne put réprimer un sourire quand la jeune femme lui expliqua qu'elle était très bien toute seule. Il l'avait toujours trouvé indépendante et c'était un des traits de caractère qu'il avait tout de suite su apprécier chez elle. Aussi, il ne fut pas surpris d'apprendre qu'elle s'en sortait très bien toute seule, en revanche, il se retrouva encore à marcher sur des oeufs quand elle lui retourna la question. Lui? Avec quelqu'un? Comment dire... Il baissa les yeux et croisa les bras sur sa poitrine dans un réflexe défensif. Il fixa les lacets de ses chaussures pendant quelques secondes avant de relever la tête. « Moi? Non, non, je suis célibataire. Personne de particulier en vue. » Il hocha la tête doucement pour essayer d'appuyer sa réponse, mais il avait comme l'impression qu'il n'était pas entièrement crédible. « Mais bon, je suis comme toi. Je bosse trop pour avoir vraiment le temps de me trouver quelqu'un. Enfin, je suis très bien tout seul pour le moment de toute façon. » En fait, il n'avait même pas menti. Il ne sortait avec personne pour le moment et quant à dire qu'il avait quelqu'un en vue... C'était trop compliqué pour pouvoir répondre avec un simple oui ou non, lui-même ne savait pas s'il avait Serena en vue ou non.

« Depuis quelques semaines seulement. » Déclara-t-il d'un ton neutre en se balançant doucement sur ses talons. Il lança un sourire en coin à la jeune femme quand celle-ci accepta de sortir avec lui un soir, enfin, en tout bien tout honneur bien entendu. Il n'avait jamais eu l'intention de sortir avec quelqu'un d'autre que Serena. Peut-être que ça voulait effectivement dire qu'il l'avait en vue. Il soupira intérieurement et essaya de se concentrer sur autre chose que sur la jeune femme. Il avait déjà assez de problème comme ça sans s'en rajouter volontairement. Entre sa relation avec Serena qui n'arrêtait pas de se compliquer, son père qui lui collait au train et qui en plus de ça, était persuadé qu'il était amoureux d'Hesther. Il commença à se mordiller la lèvre inférieure, se demandant s'il ne ferait pas mieux de lui avouer qu'il se servait d'elle comme alibi. Enfin, comme lui expliquer ça sans avoir à lui expliquer aussi pourquoi il avait besoin d'un tel alibi. Il ne s'en sortirait jamais.

« Hesther, je peux t'avouer quelque chose? C'est un peu... Embarrassant, mais j'ai dit à mon p... » Il s'était décidé à lui avouer, au cas où elle tombe sur son paternel en ville et que celui-ci ne décide de lui demander des nouvelles de son fils, quand il fut interrompu. Quelqu'un venait de poser sa main sur son épaule et le jeune homme sursauta légèrement sous le coup de la surprise. Il se retourna et ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il reconnut la personne derrière lui. Son père. Tout ce qu'il lui manquait. La bonne nouvelle c'était que maintenant qu'il était au plus bas, il ne pouvait que remonter.

« J'espère que je ne vous interromps pas. » Déclara William, le père de Chuck en lançant un sourire appuyé à Hesther. Chuck sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine. Il n'y avait plus qu'à prier pour que son père ne fasse pas de gaffes. « Fallait me le dire Chuck si tu voulais passer un déjeuner en amoureux, voyons. Moi je t'attendais au restaurant, comme tu ne répondais pas, j'ai décidé de venir te chercher. » Raté. Il ferma les yeux, les yeux pincés, et commença à prier pour que tout disparaisse autour de lui. Malheureusement quand il les rouvrit quelques secondes plus tard, son père était toujours là et Hesther aussi. William était entrain de se présenter auprès d'Hesther, enfin en tout cas de lui rafraîchir la mémoire sur qui il était. Ils s'étaient probablement croisé à plusieurs reprises quand elle travaillait pour eux, après tout, son père la connaissait elle de vue, ça devait être réciproque.

« Papa, je t'ai déjà dit qu'Hesther et moi on avait rompu. » Voilà, rester calme surtout, et essayer de rattraper les dégâts. Après tout, ce n'était pas si grave que ça. Il lança un regard désolé à la jeune femme pour essayer de s'excuser silencieusement. Mais son père, bien entendu, en rajouta une couche. « Oui enfin bon, en une semaine vous n'avez pas eu le temps de vous trouver quelqu'un d'autre de sérieux, si? » Lança-t-il sur un ton léger et taquin. Il posa une main sur l'épaule de son fils et se tourna vers la jeune femme, son sourire charmeur au coin des lèvres. « Vous êtes sure de ne pas vouloir le reprendre? Il pense encore à vous, vous savez. » H.E.L.P.

Le mensonge par omission. Hesther voyait clairement que Chuck ne lui disait pas tout et cherchait à dissimuler -d'une manière tout à fait peu discrète – une quelconque relation. De quoi avait-il peur au juste ? Qu'elle décide d'aller fouiner dans sa vie ? Qu'elle se mette soudainement martel en tête pour retrouver la jeune femme avec qui il pouvait sortir en ce moment ? Cela ne ressemblait en rien à l'avocate, jamais elle n'avait agit de la sorte, ce n'était pas demain la veille qu'elle changerait sa ligne de conduite. Et puis, elle pouvait très bien concevoir le fait qu'un individu veuille garder son jardin secret... secret ! A cette seconde même, elle se sentit un peu comme une intruse sur le pallier de son voisin. Ne pas laisser de courant d'air s'immiscer à l'intérieur de celui-ci, afin de ne pas faire virevolter en tout sens les feuilles de l'automne jonchant le sol. Personne en vue ? A d'autres. Malgré la curiosité de plus en plus forte, ne pas rompre le contrat tacite et se contenter des – fausses – informations délivrées par son interlocuteur. L'attitude de Chuck n'était vraiment pas en adéquation avec ses paroles. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'aurait pas fait un très bon manipulateur. Quel piètre acteur. Cette réaction arracha un sourire de plus à Hesther. Ne pas chercher à comprendre, surtout pas ! Après tout, cela n'était pas ses oignons. Le jeune homme devait avoir une bonne raison pour dissimuler ce genre d'information. Malgré tout, l'avocate comprenait très bien le point de vue de Chuck. Entreprendre une relation en étant aussi accaparé par son emploi relevait presque de la mission suicide. Chaque chose en son temps après tout. Préférer des aventures hasardeuses. Sa dernière « conquête » se rappela alors à son bon souvenir, tel un diable sur ressort surgissant de sa boite. Forte envie de vomir. Elle hocha alors la tête. « Je vois tout à fait ce que tu veux dire. Elle ponctua la fin de sa phrase par un sourire chaleureux. J'ai tout de même peine à croire que tu sois tout seul... Je crois que le travail est vraiment nuisible au final, surtout si on regarde à quoi peut bien ressemble notre vie sociale. Histoire de détendre un peu l'atmosphère elle crut bon d'ajouter sur le ton de la plaisanterie : Tu es là depuis quelques semaines et tu ne m'a même pas contacté... je suis déçue franchement ! ». Bien sûr elle n'en pensait pas un traître mot, libre à lui de faire ce dont il avait envie.

La suite de la conversation l'intrigua au plus haut point. En signe d'acquiescement, elle hocha la tête, montrant par là qu'il pouvait s'aventurer sur les chemins des aveux. Toute ouïe, elle arqua légèrement un sourcil, attendant avec impatience que Chuck termine sa phrase. Le cerveau de l'avocate se remit une fois de plus à tourner à plein régime, alors que la machine tentait tant bien que mal de dénouer cette énigme sous forme de casse tête chinois qu'il s'apprêtait à lui délivrer. Malheureusement, un élément perturbateur vint interrompre le jeune homme au beau milieu de sa phrase. J'ai dit à mon p... j'ai dit quoi et à qui ? Hesther n'avait pas vu arriver William, le père de Chuck, qu'elle avait été amenée à croiser lors de sa mission au sein de leur entreprise. Personnage un peu étrange, qui l'avait tout d'abord pris pour une assistante, lui réclamant un café... Hesther déglutit difficilement alors que le mot amoureux parvenait jusqu'à ses oreilles. A quoi pouvait bien rimer cette mascarade géante ? La brunette pataugeait au beau milieu d'une infâme semoule qui lui collait aux chaussures et aux vêtements. A observer Chuck, celui-ci ne semblait pas être au mieux de sa forme soudainement, cette présence acide n'y était sans doute pas pour rien. Hesther en vint tout de même à se demander ce que ce dernier avait bien pu raconter sur son compte à William pour que celui-ci puisse penser qu'ils avaient rompus depuis peu... Il pense à vous...

Hesther retint un rire, se mordant la lèvre inférieure. Où était-elle tombée exactement ? Elle ne comprenait plus rien à rien, mais histoire de ne pas faire du tord à Chuck, elle rentra dans le jeu du paternel. Du ton le plus sérieux possible elle enchaîna alors : « Bien sûr que non... en une semaine je n'ai pas eu le temps de trouver quelqu'un de sérieux ! Elle marqua une pause, afin de trouver une suite. Votre fils n'est pas si simple que ça à remplacer. Sortez les violons, où comment servir une phrase totalement bateau et ridicule. Tant pis, elle était lancée, autant aller jusqu'au bout de la plaisanterie, surtout si cela pouvait aider le jeune homme. Je... je me rend compte que j'ai fait une bêtise. J'ai demandé à Chuck de me rejoindre ici pour en parler. Elle adressa un grand sourire – indescriptible – à William. Vous lisez dans mes pensées. J'étais justement en train de lui dire que je n'arrivais pas à l'oublier et que j'aimerais reprendre notre relation là où on l'a arrêtée ! ». A nouveau elle se mordit la lèvre, afin de ne pas hurler de rire. Elle riva ensuite son regard à ses chaussures, afin d'échapper à celui de William. Jamais au grand jamais elle n'avait tenu un discours aussi faux de toute sa vie. Une grande première pour elle. Il faut bien une première fois à tout non ? Hesther ne savait pas trop quel genre de conséquence - ni quel impact - pourrait avoir ce genre de fausse déclaration, mais au moins Chuck était couvert. C'était peut-être de ça dont il voulait lui parler avant d'être interrompu après tout. Besoin d'un alibi ? Elle venait de lui en fournir un, et pas des moindres.

Chuck passait la moitié du temps à paniquer intérieurement et l'autre moitié à lancer des regards désespérés à Hesther. Il ne savait pas qui se trouvait dans la situation la plus embarrassante entre eux deux, mais il savait que s'ils étaient dans cette merde, c'était de sa faute, alors il n'arrêtait pas de se tourner vers elle pour essayer de s'excuser silencieusement et de s'assurer qu'elle n'était pas fâchée ou sur le point de partir en courant. Son père pouvait avoir cet effet là sur les gens, il était assez sans gêne dans le genre et il ne reculait devant rien pour arriver à ses fins. En l'occurrence, pour remettre les deux jeunes gens ensemble. Chuck se tourna vers son père et lui lança un regard appuyé, mais celui-ci n'eut pas l'air de comprendre le message et continua à en rajouter une couche. Chuck était au purgatoire, il n'y avait pas d'autres solutions pour expliquer le merdier dans lequel il se retrouvait. « Papa, arrête s'il-te-plait. » Déclara-t-il peut-être un peu trop sèchement quand William commença à expliquer à Hesther à quel point elle manquait à son fils. Qu'est-ce qu'elle allait bien pouvoir penser après ça? Il espérait en tout cas qu'elle n'en croirait pas un mot. Il ne voulait pas rendre les choses encore plus bizarres qu'elles ne l'étaient entre eux.

Le jeune homme se retourna brusquement vers Hesther quand celle-ci répondit à William. Les yeux écarquillés, il avait du mal à croire que la jeune femme jouait le jeu. Elle avait l'air de bien s'amuser au moins, elle essayait de cacher son sourire en coin mais Chuck n'était pas dupe, il la connaissait assez pour savoir que toute cette situation la faisait rire intérieurement. Ah bah, au moins elle n'était pas fâchée, et Chuck préférait ça. Il lui lança un sourire complice pour la remercier silencieusement d'entrer dans son jeu et de bien vouloir mentir pour lui. Il ne doutait pas qu'après les efforts qu'elle faisait pour le sortir de la merde, il allait devoir lui expliquer pourquoi il se servait d'elle comme alibi. Enfin, c'était la moindre des choses étant donné les circonstances et l'aide qu'elle lui fournissait.

Il ne put tout de même pas s'empêcher de rougir quand Hesther répondit qu'il n'était si facile que ça à remplacer. Il savait que c'était pour rouler son père, mais quand même, il ne pouvait pas s'empêcher d'être flatté. Son père lui tapa sur l'épaule en rigolant bien fort. « Ne rougis pas voyons, tu vois je t'avais dit que c'était pas encore perdu ! » Chuck baissa les yeux et essaya de faire comme s'il n'était pas là, prit en sandwich entre son père qui le poussait vers Hesther et Hesther qui s'amusait à rentrer dans le jeu de l'ancien CEO. Se mordillant la lèvre, Chuck se sentait parfaitement ridicule à mentir ainsi à son père et à entrainer la jeune femme dans ses mensonges. Il releva les yeux et se tourna vers son père. « Écoute papa, c'est ridicule, il faut que je t'avoue quelque chose. » Il n'était pas à l'aise avec tous ces mensonges, il allait avouer la vérité à son père, comme il aurait du le faire depuis le début. Il prendrait un autre moment pour lui expliquer ce qui se passait avec Serena, mais il n'avait plus envie de mêler Hesther à tout ça, la jeune femme n'avait rien demandé et ce qu'il faisait n'était pas juste envers elle.

Il avait ouvert la bouche pour commencer ses explications quand Hesther lui coupa involontairement la parole. Une bêtise, comment ça une bêtise? Chuck se retourna subitement et lança un regard horrifié à la jeune femme. Non, non, non, non, non, il n'avait définitivement pas besoin de ça. Connaissant son père il allait tout faire pour les forcer à passer le plus de temps ensemble, il allait récupérer le numéro de la jeune femme et la harceler au téléphone pour qu'elle sorte avec son fils ce soir, et le lendemain, et le surlendemain. Il essaya de faire non de la tête pour faire comprendre à Hesther qu'elle s'engageait sur une pente très savonneuse mais la jeune femme était partie et il était à présent trop tard pour l'arrêter. Chuck, le dos tourné à son père, grimaça en fermant à nouveau les yeux. Peut-être que s'il gardait les yeux fermés, il allait réussir à remonter le temps et à réparer ce qu'il avait crée. Apparemment non, car quand il rouvrit les yeux, Hesther en avait encore rajouté une couche. Il n'avait plus le choix à présent, il devait lui aussi jouer le jeu.

« Eh bien Chuck, qu'est-ce que tu attends? » William poussa quasiment son fils vers la jeune femme et Chuck baissa les épaules et laissa échapper un soupir de frustration. Pourquoi est-ce que ça tombait sur lui? Comme si sa vie n'était pas déjà assez compliquée comme ça, non, il avait fallu qu'il invente cette histoire et qu'elle lui retombe dessus. « Va l'embrasser, voyons. » Chuck se retourna brusquement vers son père. « Papa ! Arrête un peu. » « Allons, ne soyez pas timides. Faites comme si j'étais pas là. Tu n'es pas content de la retrouver? » William lança un regard tellement appuyé à son fils que celui-ci se retrouva sans d'autre choix que de s'exécuter. Il se rapprocha d'Hesther, son père dans son dos et lui chuchota : « Je suis vraiment désolé. Je t'expliquerai tout plus tard. » Il leva les yeux au ciel en priant pour que les Dieux soient plus cléments avec lui dorénavant.

Lentement, il approcha son visage de celui de la jeune femme et finit par déposer un rapide baiser sur ses lèvres. « Voilà, satisfait? » Demanda-t-il d'un ton légèrement agacé en tournant la tête vers son père. Celui-ci semblait plus que satisfait, il semblait tout bonnement ravi et Chuck ne put s'empêcher de se sentir énervé par le comportement de son père. Il savait qu'il l'avait cherché pour le coup, mais quand même, il n'avait jamais été obligé de rendre la situation encore plus embarrassante pour lui. William tapa dans ses mains en lançant un grand sourire aux deux tourtereaux. « Mais j'y pense Hesther, venez déjeuner avec nous ! » Il jeta un coup d'oeil au bagel qu'elle tenait encore dans sa main et secoua la tête, comprenant en avance que la jeune femme allait décliner. « Non, non, vous ne pouvez pas vous contenter d'une de ces choses comme repas. » Il s'approcha d'elle, attrapa son déjeuner et le mit dans la poubelle la plus proche. « Mais, qu'est-ce que tu fais? » Demanda Chuck d'un ton scandalisé. « J'oblige ta petite-amie à venir déjeuner avec nous. Hesther je vous préviens, je n'accepterai aucun refus de votre part. » Il lança un sourire amusé à la jeune femme. William était comme ça, quand il voulait quelque chose, il était prêt à tout pour l'obtenir, y compris à manquer de la politesse la plus élémentaire.

Moment au combien embarrassant. Le moins que l'on puisse dire c'est que Hesther avait un certain chic pour s'embourber dans des situations totalement impossibles. Elle en vint à se dire qu'elle aurait dû fuir Chuck comme la peste, comme son instinct le lui indiquait. Mais non, par gentillesse, politesse ou tout autre sentiment indescriptible, elle était resté bien sagement auprès de lui, acceptant même de faire la conversation alors que ce dernier adoptait un comportement des plus étranges. Le père de ce dernier se montrait un peu trop curieux à son goût, un peu trop entremetteur aussi. Qu'il se mêle de ses affaires. L'avocate plaignait mentalement le pauvre Chuck d'avoir hérité d'un paternel de la sorte. On ne choisit pas sa famille malheureusement. Cela venait de se confirmer sous ses yeux. Un regard à Chuck et elle put voir que celui-ci avait l'air d'être reconnaissant de son petit mensonge. Enfin ça c'était avant... avant que William ne décide de les rabibocher totalement et de lui-même, leur forçant la main au passage. Cela lui apprendrait grandement à vouloir rendre service de cette façon. Noter dans un coin de sa tête, ne jamais aider quelqu'un en mentant pour le couvrir. Voilà où tout ça menait. William n'avait pas l'air décidé à écouter son fils, visiblement à fond dans son délire de voir Hesther et Chuck se remettre « ensemble ». Tentative désespérément raté du jeune homme. Essaye encore. Il venait de gagner le droit de rejouer à nouveau, sans grand espoir d'être plus entendu que la première fois.

D'ailleurs la jeune femme eut l'impression d'avoir commit un énorme impaire en s'embourbant jusqu'au cou dans son mensonge, et son explication tirée par les cheveux comme quoi Chuck n'était pas facile à remplacer... Si William savait la nature de leur relation, il aurait certainement fait des bonds de trois mètres de haut sur place. Hesther voulut protester, mais elle ne trouva pas la force pour casser ainsi l'alibi qu'elle venait de servir sur un plateau d'argent à son ancien amant. La jeune femme piqua un nouveau fard, alors qu'elle regardait le brunet se rapprocher d'elle. Hochement à peine visible de la tête, pour signifier qu'elle attendrait les explications. Moment au combien gênant qui s'en suivi bien que celui-ci passa en une demie-seconde à peine. Lorsque Chuck se retourna vers son père, le visage de l'avocate s'empourpra. Quelle idée ? Forte envie de se frapper la tête contre une surface dure, s'assommer au passage si possible, afin d'éviter de mourir de honte. Hesther avait la forte impression de se retrouver devant un père et son fils de cinq ans. Drôle d'impression. Et puis sans qu'elle puisse rien comprendre, le court des événements sembla s'accélérer à la vitesse de l'éclair. Elle n'eut absolument pas le temps de protester ou de dire quoi que ce soit que William lui arracha son bagel qui termina à la poubelle. Mais pour qui se prenait-il ?

Trop choquée pour rétorquer quoi que ce soit, elle se contenta d'ouvrir la bouche, l'air outrée, avant de chercher désespérément de l'aide auprès de Chuck. Ils se retrouvaient tous deux dans la même galère. Bien fait pour eux. Après un instant qui lui sembla s'étirer à l'infini, la jeune femme réussit à reprendre la parole. D'un ton peu assuré elle dit alors : « Cela... cela aurait été avec plaisir. Mais... j'... j'ai un rendez-vous important dans moins de quinze minutes maintenant, dit-elle après lancé un regard à l'horloge de son téléphone portable. Je ne peux pas me libérer de la sorte et puis j'ai déjà assez mangé. Je suis désolée. Je... une prochaine fois peut-être. ». J'oblige... terme qui eut le don de hérisser les poils de la jeune femme. Quel con ce type. Besoin d'une échappatoire et au plus vite. « Je ferais mieux d'y aller d'ailleurs, si je ne veux pas que ce client se mette en rogne, et décide de me faire mettre à la porte. ». Pas vraiment le style du client en question, mais ça William n'était pas censé le savoir. Elle tendit alors la main à M. Davis. « A bientôt M. Davis ! ». Sans demander son reste, elle revint auprès de Chuck, rapidement, elle lui déposa un baiser sur la joue, avant de lui glisser l'air de rien à l'oreille : « Désolée pour tout ça... et j'attends tes explications !  Appelle moi pour qu'on en discute. »

Chuck avait tendance à s'apitoyer sur son sort, mais là il pensait sérieusement avoir une bonne raison de le faire. La seule chose qui aurait pu encore aggraver cette situation aurait été de voir débarquer Serena tout d'un coup. Enfin, il avait beau avoir la poisse en ce moment, il doutait que la jeune femme n'arrive soudainement comme ça et ne les croise que par un nouveau concours de circonstances. Le jeune homme n'arrêtait pas de lancer des regards désolés à Hesther pour essayer de s'excuser silencieusement, son père continuait à s'enfoncer encore plus et lui ne pouvait rien dire. C'était particulièrement humiliant et frustrant comme situation et plus le temps passait, plus la situation empirait. Chuck commença seulement à s'énerver quand son père attrapa le bagel de la jeune femme pour le jeter à la poubelle, il allait vraiment trop loin là, la pauvre n'avait déjà pas beaucoup de temps pour déjeuner et Chuck, avec l'aide providentielle de son père, il est vrai, venait de lui ruiner son maigre temps de pause. Il se sentait tellement coupable qu'il n'osa plus regarder Hesther dans les yeux pendant une bonne minute. Il essaya, à la place, de faire comprendre à son père qu'il exagérait à l'aide de coups d'œil appuyés. Mais rien à faire, William avait l'air bien décidé à rendre la situation insupportable, pour Chuck comme pour Hesther d'ailleurs.

Chuck n'avait pas besoin de se tourner vers la jeune femme pour sentir que celle-ci commençait à être au moins autant agacée que lui. Il baissa les yeux et secoua la tête doucement. Il n'arrivait pas à croire ce qui arrivait, d'habitude son père savait se conduire dignement, il était même quelqu'un de très respectable, il fallait croire qu'il avait vraiment envie que son fils reste loin de Serena, et cette pensée provoqua un nouveau pincement au coeur chez le jeune homme. Mais il préférait ne pas penser à ça, pas maintenant, il avait du pain sur la planche. Chuck ne put s'empêcher de remercier silencieusement la jeune femme de rester calme et polie malgré la situation, et surtout de ne pas céder aux « ordres » de son père. Il se força à relever la tête et voyant que son père allait répliquer, Chuck jugea plus prudent de lui couper la parole. « Papa, ne la force pas, tu vois bien qu'elle n'a pas le temps. » Puis, se tournant complètement vers lui pour faire en sorte que la jeune femme ne les entende pas, il ajouta. « S'il-te-plait, on vient juste de se remettre ensemble. Ne gâche pas tout. » Et un mensonge de plus, un, enfin, au point où ils en étaient hein, autant se sortir de là le plus vite possible, quitte à creuser encore un peu plus profond sa tombe.

Chuck lança un sourire poli à Hesther quand celle-ci salua son père et il s'écarta de ce dernier. Avec un peu de chance, il aurait l'occasion de s'excuser à nouveau avant que la jeune femme ne parte. Elle n'allait plus jamais oser lui parler, c'était sur. « Désolée? Mais c'est moi qui désolé. Je t'appelle ce soir. Et encore merci. » Pas le temps d'en dire plus, il ne voulait pas risquer que son père se doute de quelque chose. Il sourit à la jeune femme quand celle-ci déposa un baiser sur sa joue et se tourna vers son père. L'emmener loin d'ici, et vite, avant qu'il ne décide que non, décidément, ça ne lui convenait pas, et qu'il entraine la jeune femme avec eux de force. Chuck prit doucement le bras de son père et commença à l'entrainer avec lui. « Allez, on y va? Je commence à avoir faim et il faut qu'on retourne au bureau tôt cet après-midi. » William leva les yeux au ciel, apparemment il ne comprenait pas pourquoi son fils le traitait de la sorte. « D'accord, d'accord. » Il se retourna une dernière fois vers Hesther et ajouta d'une voix enthousiaste : « Ce n'est que partie remise Hesther. » Chuck soupira intérieurement et se retourna à son tour pour lui faire signe qu'il l'appellerait plus tard. Entrainant son père, il accéléra le pas. Il n'aurait jamais cru ressentir ça aujourd'hui, mais il avait hâte de se retrouver seul avec son paternel.

Cette situation totalement gênante et tirée par les cheveux s'étirait un peu trop au goût de la jeune femme, pourtant elle jugeait que la mascarade avait assez durée. Son mensonge, anodin en surface, venait apparemment de mettre le feu aux poudres entre les deux membres de la même famille. Hesther s'en voulu d'avoir menti délibérément. Jamais elle n'aurait pu imaginer une seule seconde que cela entraînerait ce genre de situation. Si elle s'était imaginée que William se contenterait de belles paroles, elle s'était mis le doigt dans l’œil. L'avocate ne le connaissait pas vraiment, mais elle pensait qu'une personne de sa trempe aurait au moins assez de neurones, pour ne pas se comporter comme le dernier des abrutis. Apparemment là aussi, elle s'était trompée. Beau plantage sur toute la ligne, et dans les règles de l'art. Comme Hesther ne savait pas faire dans la demie-mesure, elle n'avait pu résister au besoin d'en rajouter une couche. Je me rend compte que j'ai fais une bêtise... n'importe quoi, où est-ce qu'elle avait été chercher ça ? En un sens, elle n'avait pas totalement tord, elle venait d'en faire une grosse et une belle d'erreur. Quelque chose lui disait qu'elle n'en avait pas terminé avec cette histoire. Une petite voix énervante lui répétait que c'était bien fait pour elle. Que cette saloperie de voix se taise sur le champ ! Ne comprenant toujours pas pourquoi William insistait autant pour qu'elle se joigne à eux pour prendre le déjeuner, elle sauta sur l'occasion de son rendez-vous de l'après-midi, pour s'éclipser et couper court à toute nouvelle humiliation. Assez. Hesther se sentait on ne peut plus ridicule. A cet instant précis, elle n'avait qu'une envie, foncer, sans se retourner, en direction de son bureau. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit après avoir salué tout ce beau monde. Chuck devait la contacter le soir même, pour lui fournir quelques explications. Explications fortement attendues. Sur le chemin la menant jusqu'au building abritant son bureau, elle se demanda de quoi il pouvait bien s'agir. Tout un tas de théories plus fumantes les unes que les autres lui traversèrent l'esprit, mais certainement aucune de valable. Elle était loin de se douter de ce qui allait suivre, tout comme elle ne s'était jamais imaginée de telles retrouvailles avec Chuck. Retrouvailles atypiques à classer dans les choses à ne surtout pas reproduire. Elle hésitait entre rire – se moquer d'elle-même – ou bien pleurer, alors qu'elle s'engouffrait dans le géant d'acier et de verre.

THE END

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