Une jeune australienne qui part à l'aventure du haut de ses 23 ans. Destination choisie : Los Angeles, USA. Un jeune américain, habitant de Los Angeles, qui est déjà un adepte des coups d'un soir à l'âge de 25 ans. Un bar. Une rencontre. Un regard, des sourires. Puis des lèvres qui se rencontrent, des corps qui se frôlent. Vient ensuite le moment tant attendu. Deux personnes brûlantes de désir, des soupirs de plaisir, un instant de douceur... Des adieux brefs et rapides. Des coeurs qui bats. Des souvenirs et des flash-backs plein la tête. Et tout s'enchaîne... Un test de grossesse positif, une jeune femme qui jure et qui est totalement paniquée, un jeune homme secoué mais qui refuse de jouer le lâche. Neuf mois d'attente et bientôt, la naissance.
Heaven Pearl Wardle, voilà mon nom. Pendant que certains auront la chance de dire :
« Moi, mon papa et ma maman, ils m'ont fabriqué dans un lit pendant leur lune de miel. », moi je penserais :
« Ben moi, j'ai été fabriqué dans un chambre de motel miteuse et c'était un coup d'un soir. On a pas tous les mêmes valeurs. » Enfin, mes parents ont partagé bien plus que cette nuit-là. Pendant quasiement toute la grossesse de ma mère, mon père, Maxwell Wardle, a pris la décision de se comporter comme un homme. Non, il n'a pas abandonné ma mère. Il est resté à ses côtés et l'a soutenu dans chacune des démarches que cette grossesse pouvaient engendrer. Puis, il a appris à connaître ma mère. Il a appris à la protéger, à veiller sur elle. A l'aimer aussi. Une parfaite petite histoire de sexe devenue une vraie romance. Alors mon père a fait un truc de fou. Si, j'vous jure. Parce que ce que vous ne savez pas, c'est que les Wardle, ils avaient une sacrée réputation à Los Angeles. Une famille de riches connus pour leur célèbre chocolat vendu partout dans le monde. Vivre chez les Wardle, c'était vivre parmi les tailleurs haute coutures, les pompes cirées, les colliers de perles et les billets. Le luxe, le paradis, l'enfer... Appelez ça comme vous voulez. Étant jeune, mon père a été élevé tel un petit prince. Naturellement, il gardait ses escapades nocturnes secrètes. Il savait gérer, de ce côté-là. Avoir la gueule de bois, mais rester crédible à table, c'était tout un art. Un art que seul mon père savait maîtriser à la perfection. A 25 ans, mon père jouait toujours aussi bien son rôle. Il se comportait comme un héritier digne de ce nom, mais cela ne l'empêchait pas pour autant de sortir et batifoler à droite à gauche. D'ailleurs, il était le seul persuadé que jamais il ne se marierait. Amoureux de la liberté, il refusait de parler amour, mariage, enfants et compagnie. Le sexe et l'argent étaient les deux seules choses qui rythmaient sa vie. Mais ça, c'était avant. Avant qu'il n'apprenne que Sinead Lelahel était enceinte de lui... Comme tous les hommes qui apprennent qu'ils vont être papa, il a essayé de la convaincre que c'était un autre. Mes les faits étaient bien là. Maxwell Wardle, jeune homme habituellement prudent et allergique à l'engagement, venait de mettre enceinte Sinead Lelahel, jeune australienne ayant tout pour plaire. Ce genre d'évènement, ça rapproche. Vous savez, je vous ai dit que mon père avait fait un truc de fou. Ce truc de fou, c'est d'avoir présenté ma mère à sa famille. Maxwell Wardle était donc devenu sérieux et responsable. Magique! Je peux me sentir fière. Comme quoi, un homme, ça change, parfois. Ma mère, c'était le genre de femme sauvage, avide de découvrir le monde. Elle était convaincue qu'elle pourrait vivre d'amour et d'eau fraîche. Elle était élégante, souriante, pleine de vie... Même si elle était issue d'une famille pauvre, elle avait du charisme. J'imagine que mon père l'aimait pour son côté de jeune femme frêle et sauvage. D'ailleurs, si lui était sûr de l'aimer, il avait peur que ce ne soit pas le cas pour sa famille. Il n'aurait pas dû avoir autant de craintes... Ma mère a su les épater. Ils étaient tous persuadés que Maxwell et Sinead étaient faits pour être ensemble. Évidemment, ils étaient tous un peu réticents à l'idée que mon père ait déjà mis ma mère enceinte. Mais cela ne dura pas. Au final, la famille Wardle était heureuse de voir que le jeune homme qu'était Maxwell allait avoir une famille. En vérité, il allait devenir bien plus qu'un hériter.
N'oublions pas que pendant tout ce temps, je profitais paisiblement dans le ventre de ma mère. Elle avait refusé l'avortement ou l'adoption, et en voyant mon père la soutenir, elle était d'autant plus sûre d'elle en affirmant vouloir me garder. Dans le fond, elle a eu raison, quand on voit la petite merveille que je suis... Imaginez un peu l'humanité sans moi, Heaven Wardle? N'y pensez même pas. Le monde serait bien trop triste. C'est donc neuf mois après cette rencontre que je suis née. Le 1 avril 1987, à Los Angeles. Ma mère voulait que je porte un prénom un prénom doux, c'est donc une des raisons pour lesquelles elle a choisi Heaven. La seconde raison a un lien avec son enfance. C'est ma grand-mère maternelle qui l'a élevé et elle a quitter l'Australie pour venir aux USA juste après sa mort. Elle s'appelait Heaven, elle aussi? J'imagine qu'elle voulait lui rendre hommage, quelque chose comme ça. Pearl, ce prénom, c'est mon père qui l'a choisi. Il dit que sans moi, il ne serait jamais tombé amoureux de ma mère. Il n'aurait jamais eu le droit à ce bonheur. Même si les choses s'étaient passés extrêmement rapidement, il était heureux de pouvoir goûté à tout cela. J'étais donc sa perle à lui, son trésor. Et par dessus tout, j'étais moi aussi une Wardle...
« Ma chérie, aujourd'hui est un grand jour! » Ma grand-mère avait ses yeux plantés dans les miens, avec un large sourire qui étirait ses lèvres. Nous étions le 1er avril et aujourd'hui, c'était mon anniversaire. 7 ans! Je regardais ma grand-mère avec intensité, toute souriante et je trépignais d'impatience.
« Je vais t'apprendre comment planter des fleurs! » Et soudain, mon sourire s'évanouit. Les plantes, les arbres, la nature, c'était le genre de truc qui ne m'intéressait pas. Que ce soit à 7 ans ou à 25 ans, je ne portais aucune attention particulière à ces choses là. Alors, moi qui m'attendais à ce qu'elle me souhaite un joyeux anniversaire et qu'elle m'offre le plus gros cadeau du monde, je m'étais retrouvée vêtue d'habits de jardinage, un râteau dans une main et une pelle dans l'autre. Ma grand-mère affichait toujours un sourire satisfait, tandis que moi, mon visage était tordu par une moue boudeuse. Elle se dirigeait calmement vers le jardin et je me contentais de la suivre sagement. Personne ne m'avait encore souhaité mon anniversaire aujourd'hui... Peut-être avaient-ils tous oublié? Soudain, ma grand-mère s'arrêta net et fit volte-face. Je me stoppais, intriguée. Elle se pinça les lèvres et s'avança vers moi.
« Je rigole ma puce! POISSON D'AVRIL! » J'éclatais alors de rire, pendant que ma grand-mère paternel me serrait dans ses bras.
« Bon anniversaire Heaven! » Eh oui... J'étais née le 1er avril et toute ma famille en jouait, chaque année. Tous les ans, ils me faisaient le même coup et tous les ans, je n'y voyais que du feu. Je finissais toujours par rire aux éclats, soulagée de la tournure des évènements. C'était drôle, en fait. Je trouvais ça drôle. Et vous avez, au court du temps, j'ai vite compris que mon anniversaire, cette blague de mauvais goût, c'était la seule chose d'amusante qui pouvait m'arriver.
Les Wardle, ce n'était pas seulement une famille de riches, connus pour leur chocolat. C'était aussi une famille cadrée, correcte, respectueuse de tout un tas de principes. J'étais une Wardle, je faisais partie de tout cela. Se tenir droite, manger correctement, ne pas répliquer et obéir, sourire, être polie... J'avais été élevée de cette façon. C'était un peu le genre de famille où les enfants avaient la lecture pour seule distraction. La vie des Wardle, elle était un peu trop parfaite à mon goût. Je sais, vous devez sans doute vous étonnez de mon éducation, étant donné que mon père était loin d'être un ange et que ma mère était une Australienne à l'affût du danger et de l'adrénaline. Mais vous savez, mon père, comme je l'ai dit, était devenu bien plus qu'un héritier. A ma naissance, c'était devenu un père. Un an après ma naissance, c'était devenu un mari. Adieu la débauche, l'alcool, les bars et les filles... Bonjour la vie de famille, le travail et les responsabilités. En réalité, Maxwell Wardle était devenu une copie conforme de mon grand-père paternel : un homme sérieux, posé, autoritaire et parfois même, sévère. Ma naissance avait changé sa vie du tout au tout. Ma mère, quant à elle, elle n'avait jamais connu ce genre de choses. Sa vie en Australie était loin d'être idéale. Si elle s'était réfugiée dans l'aventure, c'était tout simplement parce qu'elle avait arrêté de croire que sa vie pouvait devenir parfaite, ou du moins, vivable. Elle avait arrêté de croire en l'amour et la famille. Or, la vie qu'elle partageait avec mon père la comblait de bonheur. Elle aussi, était devenue une autre femme. En fait, je crois tout simplement que mon père avait fait changé ma mère et que ma mère avait fait changé mon père. Moi, j'avais en quelque sorte subit ces changements de vie. J'imagine qu'aussi bien l'un comme l'autre voulait à tout prix éviter que je vive les mêmes écarts de conduite qu'eux... Ils étaient fiers de leur petite fille. J'étais examplaire, polie et j'affichais toujours un sourire chaleureux. J'allais moi aussi devenir une héritière Wardle. L'éducation était donc primordiale.
Seulement voilà, à 14 ans, j'étais lassée de tout ça. Lassée d'être forcée de sourire à tout va et lassée de vivre des journées ennuyantes. J'en avais aussi assez de leur blague du 1er avril. Et voilà comment la petite Heaven Wardle habituellement douce et polie devint Heaven Wardle la ginger rebelle. Lorsque mes parents me disaient de faire quelque chose, je ne le faisais pas ou alors, je le faisais en traînant les pieds. Lorsque l'on arrivait au 1er avril et qu'un des membres de ma famille s'apprêtait à me faire la fameuse mauvaise blague annuelle, je levais les yeux au ciel en soufflant et en leur répliquant :
« C'est bon, tu peux me le lâcher tout de suite ton : "POISSON D'AVRIL!" Plus vite tu me souhaiteras mon anniversaire et mieux ce sera. » Le collège aussi, ça ouvre pas mal les yeux. Je n'avais plus envie de devoir me plier sous les principes de la famille Wardle... Je n'en pouvais simplement plus de cette vie. J'étais donc devenue intenable... J'ai goûté à tous les plaisirs de l'alcool, la drogue de temps à autre et aussi le sexe. Ne jamais faire l'amour avant le mariage, qu'ils disaient. Raté. Ce n'était pas pour moi. Je ne comptais plus le nombre de fois où mes parents m'ont punie et séquestrée dans ma chambre. De toute façon, ça n'avait aucun effet. Je n'en faisais qu'à ma tête et j'ai tenu comme ça jusqu'à mes 18 ans, la majorité civile qui m'a permis de mettre les voiles. J'ai dis au revoir aux Wardle, sans aucun pincement au coeur. Et c'était à croire que j'étais chanceuse, parce que mon père refusait de me retenir chez lui, mais il refusait aussi de me laisser partir sans rien. Malgré les nombreuses disputes avec ma mère, il a quand même décidé de me donner une généreuse somme d'argent. Je me souviendrais toujours de ce qu'il m'a dit, le jour où j'ai quitté le foyer familial.
« Même si j'ai été dur avec toi ces dernières années, je veux que tu saches que je comprends ta décision et que je la respecte. J'étais comme toi, avant. Je n'ai simplement jamais eu le courage de tout quitter. Toi, tu as ce courage. Alors profite bien de tout ça. Et surtout, sois heureuse, ne regarde jamais derrière. » Comme quoi, mon père avait changé parce qu'il le devait, pas parce qu'il le voulait. Je me suis donc accrochée à ces dernières paroles et je suis partie en direction de New-York. Sans aucune peine, j'ai intégré Columbia, la célèbre université et j'ai choisi le droit. Il faut dire que j'avais des notes remarquables et le fait d'être une célèbre Wardle aidait pas mal. Au final, j'ai commencé à vivre ma liberté et j'étais loin de détester ça. Bien au contraire... J'avais hérité du côté sauvage et courageux de ma mère ainsi que du côté effronté et libertin de mon père. J'étais enfin la vraie Heaven Pearl Wardle. J'avais le sentiment d'avoir gagné une bataille et j'en savourais la victoire.
Juillet 2008, 21 ans, études terminées, diplomée de Columbia Maintenant, vous pouvez m'appeler Heaven Wardle, l'avocate.
« Alors la belle, tu vas faire quoi avec ce diplôme? » Le sportif là, grand, brun au yeux verts, c'est plus ou moins mon meilleur ami. Un large sourire étira mes lèvres.
« Avant de penser à ce que je vais faire avec ce diplôme, je vais surtout penser à ce que je vais faire de mon été. Le travail, ça attendra septembre. » Je ne comptais pas entrer dans la vie active dès maintenant. Je voulais profiter de mes derniers instants d'étudiantes et rendre l'été qui allait venir mémorable.
« Donc à partir de septembre seulement, je te verrais dans ta tenue d'avocate. Tu vas être sexy... J'ai vraiment hâte. » Le genre de remarque qu'Austin me faisait souvent. Quand je dis que ce mec est plus ou moins mon meilleur ami, c'est surtout parce que nous nous sommes plus d'une fois retrouvés nus dans le même lit lors des lendemains de fête. Je ne pouvais pas nier qu'il avait tout pour me plaire... Penser que nous ne faisions rien à chaque fois, c'était bien naïf. Cependant, c'était notre relation et ça nous convenait. Même quand lui, sortait avec une fille ou quand moi, je sortais avec un mec, ça ne nous empêchait pas de se voir. Peut-être que notre relation était compliquée, hors à nos yeux, c'était très simple. Les mois passèrent, les soirées s'enchaînaient et ne se ressemblaient jamais, quelques voyages en Europe mais aussi en Afrique et en Australie, des recherches d'emplois à droite à gauche et nous étions enfin arrivé en septembre. Je m'étais promis de devenir sérieuse à ce moment-là. J'ai donc ralenti la cadence, cherchant activement un emploi stable ainsi qu'un appartement. Le plus beau dans tout ça, c'est que j'y étais parvenue. Un petit appartement près de New-York et un cabinet d'avocats qui avait une place libre. En octobre, j'étais donc officiellement devenue une femme avec des responsabilités. Un truc qui me faisait peur, malgré tout. Après ça, une année entière s'est écoulée et ma vie se portait à merveilles, à ma plus grande surprise. En quittant le foyer familial, j'étais loin de penser qu'un jour, j'obtiendrais cette vie-là. J'avais un salaire de rêve, j'étais loin d'être malheureuse et de temps en temps, je m'offrais quelques soirées où je retrouvais Austin. Évidemment, je n'avais pas totalement quitter la Heaven étudiante... Mais je savais être sérieuse quand il le fallait. En bref, j'avais une vie de rêve.
Puis il y a eu ce mec, un journaliste. Travis Standford. On s'est rencontrés lors d'une de mes affaires. Une très grosse affaire dont les journalistes se sont mêlés. Au début, le courant ne passait pas du tout, entre Travis et moi. Je le voyais comme un journaliste fouineur et fouteur de merde. Y a un truc que je voyais souvent dans les films, où les avocats disaient
« Il serait préférable pour vous que vous vous éloignez de mon client. Merci. » Et j'étais fière de pouvoir le dire. Il n'a pas apprécié et m'a jeté ce regard noir qui vous fait froid dans le dos. C'était mal barré entre nous et je le détestais déjà. Pourtant, nous avez été amenés à nous voir plusieurs fois. Et au final, j'ai commencé à l'apprécier. Puis vous connaissez la suite... un rencard, des lèvres qui se rencontrent, deux personnes qui s'apprécient... Enfin, je ne vous refais pas la chanson. Mais non, je ne suis pas tombée enceinte, je n'ai pas fait la même boulette que mes parents. Je ne suis pas non plus tombée amoureuse de lui. J'étais simplement bien, à ses côtés. A l'époque, je ne savais pas vraiment ce que je voulais mais les coups d'un soir, ça commençait à m'agacer, je devais l'admettre. Sans parler du grand amour ou quoi que ce soit, je cherchais simplement à me poser. A presque 23 ans, il était temps que je cherche quelque chose de sérieux, ou du moins, une relation capable de durer plus de deux mois. Avec Travis, je sentais que je pouvais avoir ce que je cherchais. Alors j'ai sauté les pieds dans le plat!
Une autre année, d'autres changements. Blottie dans les bras d'Austin, ma tête était posé contre son torse nu, tandis qu'il caressait mon bras du bout des doigts.
« Donc toi et Travis, c'est du sérieux, hein? » Je tournais légèrement ma tête vers Austin, intriguée. Cela faisait presque un an que j'étais en couple avec Travis. Non, vous ne rêvez pas, j'ai bien dit en couple. Je sais ce que vous vous demandez... pourquoi j'étais dans les bras d'Austin?
« J'en sais rien. Ouais, peut-être. » Je ne savais pas où j'allais, avec Travis. Mais vous savez, même après un an de relation avec lui, je n'étais pas sûre d'éprouver des sentiments pour lui. Ou du moins, l'aimer comme je le devrais. C'était sûrement pour cette raison que je n'avais aucuns scrupules à coucher avec Austin, mon meilleur ami. Bon, il était clair que nous étions plus que de simples amis. La vérité, c'est que j'étais incapable de me détâcher d'Austin. Est-ce que je l'aimais lui? Je ne pensais pas. Mais il y avait quelque chose à propos de lui dont j'avais besoin. Sa tendresse, son rire, ses blagues... Peu importe, quelque chose. J'étais donc Heaven Wardle, l'avocate infidèle, presque fière de l'être.
Mon téléphone sonna, je me redressais vivement, l'attrapant au passage. Le nom de Travis s'affichait sur l'écran.
« Tiens, en parlant du loup... » Je fis signe à Austin de se taire et répondit.
« Heaven? T'es encore à ton cabinet? » Je lançais un regard à la pendule, qui affichait vingt-deux heures. Bordel... Je n'avais pas vu qu'il était aussi tard.
« Hey! Ouais, désolée. Un gros dossier sur lequel j'avais du retard. Mais j'ai presque terminé. » Je vis Austin rigoler du coin de l'oeil et lui lançais un regard sévère qui voulait dire de se la fermer.
« D'accord.. Je m'inquiétais juste. Quoi qu'il en soit, rentre vite, j'ai une surprise. » Une surprise? J'adorais les surprises. Je le rassurais en lui disant que d'ici une trentaine de minutes, je serais à l'appartement et raccrocha.
« Bon, mon mignon, il va falloir que je te laisse! » Je me levais du lit, enfilant les vêtements qu'Austin m'avait arrachés une heure plus tôt et déposais un baiser sur ses lèvres. Je quittais son appartement rapidement, rejoignant ma voiture. Inutile de vous cacher à quel point j'avais hâte de savoir ce que Travis me réservait. Quelques minutes plus tard, j'arrivais à notre logement. Incroyable à quel point ma vie avait changé... J'en avait mal au crâne parfois. J'entrais dans notre appartement, laissant tomber mon sac au sol et accrochant ma veste au porte-manteaux.
« Travis? Je suis rentrée! » Presque immédiatement, il me retrouva près de la porte d'entrée, un large sourire aux lèvres et les deux mains dans le dos. L'excitation monta et je sourais à mon tour. Il m'embrassa rapidement avant de planter son regard dans le mien. Ses yeux bleus pouvaient presque me faire culpabiliser de coucher avec un autre.
« Bonsoir ma chérie. » Je lui lançais un regard intrigué.
« Alors, c'est quoi cette surprise? » Et je ne le savais pas encore mais cette surprise, elle allait boulversée ma vie à jamais...
Ses mains sortirent alors de derrière son dos et au creux de ces dernières, il y avait une petite boîte à bijou. Je savais très bien ce que c'était... Et Dieu seul savait à quel point j'avais peur de ces choses-là. Non en fait, je détestais l'engagement... Je détestais devoir dépendre de quelqu'un ou appartenir à quelqu'un. Mais ça, cette boîte, c'était le signe d'un engagement à vie.
« Heaven Pearl Wardle... veux-tu m'épouser? » C'était exactement comme dans un film. Mes mains se portèrent à ma bouche et un petit cri de joie s'échappa de celle-ci. En réalité, j'avais envie de pleurer. Non, non, non... Je ne voulais pas l'épouser. Je ne l'aimais pas assez pour ça. J'avais 23 ans et je devais déjà être sûre de faire ma vie avec un homme? Je ne voulais rien de tout ça. Mais je tenais trop à Travis pour refuser... Je savais que ça allait lui briser le coeur. Je me contentais de prendre sur moi et de montrer mes talents de comédienne, essayant de le convaincre qu'à ce moment précis où je découvris la magnifique bague, j'étais la femme la plus heureuse. Il glissa la bague le long de mon doigt, que je contemplais avec un sourire niais qui cachait en réalité toute la peur et la peine que je pouvais éprouver.
« Oui, oui et encore oui. » soufflais-je simplement. Je lui sautais au cou, renforçant ainsi ma fausse joie. Un long baiser passionné s'ensuivit, ainsi qu'une nuit mouvementée... Et bordel, je me demandais toutes les secondes ce que j'allais bien pouvoir faire...
Le lendemain, je me réveillais paisiblement. Travis était déjà parti au travail et je me retrouvais seule dans ce grand appartement. D'autant plus que c'était mon jour de repos et malheureusement, ces fiançailles allaient me hanter toute la journée. Je me surprenais à vouloir travailler, pour une fois, histoire de penser à autre chose. Mon premier réflex fut de prendre mon portable, que j'avais déposé sur la table de nuit. Grossière erreur... Un nouveau message vocal, d'Austin.
« Tu dois sûrement être avec Travis, étant donné que tu ne réponds pas. Écoute... J'ai réfléchi et... j'veux qu'on forme un couple. J'veux dire, je t'aime. Et je crois que c'est la première fois que je ressens ça pour quelqu'un. Je sais que t'es avec Travis, mais ce qu'on partage, c'est pas du vent... Bref, je t'aime Heaven et j'aimerais vraiment que tu me laisses un chance. » Nouvelle surprise, nouvelle chute. Bordel... Ils s'étaient ligués contre moi, ou quoi! Que ce soit Travis ou Austin, je n'éprouvais rien qui soit sérieux pour eux. Aucun d'eux ne me méritaient et j'avais la sensation de leur faire beaucoup trop de mal. Soudain, mon appartement me semblait trop oppressant, j'avais besoin de sortir. Après une bonne douche, je m'habillais rapidement. Puis, je sortis de chez moi, prenant alors ma voiture pour aller en ville. N'importe où. Mais je n'avais pas envie de voir qui que ce soit, juste être seule... Je roulais sans savoir où j'allais et les larmes commencèrent à couler.
Vous connaissez le dicton, jamais deux sans trois? Eh bien ça marche aussi avec les mauvaises nouvelles. Une chaussée glissante à cause de la pluie. Un coup de volant un peu brusque. Le coup de frein de trop. Le dérapage inévitable. La voiture d'en face que vous percutez. La tête contre le pare-brise et bam...
Black out total.
Mes yeux étaient clos, et pourtant, j'entendais des bruits. Des sanglots, des voix, des bips bips incessants, des chaises qui bougent, des portent qui s'ouvrent et se ferment. J'entendais tout et pourtant, je ne pouvais pas bouger. Pendant une semaine, je restais inconsciente. Je pouvais reconnaître le voix de Travis, naturellement. Mais il y avait aussi celle d'Austin. Ils étaient normalement venus pour me rassurer, mais plus ils parlaient en m'assurant qu'ils m'aimaient que tout finirait pas aller, plus j'étais morte de peur. Le plus inquiétant était d'entendre la voix de mes parents. Ils étaient donc venus, eux-aussi. Retrouvailles des Wardle à l'hôpital... Drôle de situation. J'étais cependant incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Jusqu'à ce jour où enfin, tout me paraissait plus clair. Je sortais finalement du coma dans lequel j'étais plongée depuis une semaine.
J'ouvrais doucement les yeux. La lumière me fit un mal de chien, si bien que je les refermais presque assitôt. D'un côté, heureusement. Ma mère discutait avec le médecin. Visiblement, elle s'inquiétait des conséquences que mon accident allait avoir sur moi.
« Il y a des chances pour qu'elles perdent sa mémoire. Heaven pourrait très bien oublier une partie de son passé. Néanmoins, les chances sont minimes, ne vous inquiétez pas Madame Wardle. Dans tous les cas, votre fille a eu une sacrée chance! Cet accident aurait pu lui coûter la vie. » Perdre une partie de ma mémoire? Cet accident avait donc été aussi grave? Malheureusement, je me souvenais de tout. Mon enfance, mes parents, le jour où je les ai quitté, le jour où j'ai rencontré Travis ainsi que sa demande en mariage, mes nuits avec Austin et la déclaration qu'il m'avait faite à peine 24h après mon engagement auprès de Travis. Tout s'était enchaîné et surtout, tout me restait encore en mémoire. J'aurais aimé vouloir oublier tout ça... Parce que non, j'étais loin de vouloir me marier avec Travis, loin de vouloir une relation avec Austin. En fait, je crois que j'étais le portrait craché de mon père : une femme allergique à l'engagement et aux responsabilités. Je restais un long moment les yeux fermés. Ma mère finit par quitter ma chambre. Et seulement à cet instant, j'ouvrais mes paupières. Je repensais aux paroles du médecin. Tout en réfléchissant, je ne tardais pas à voir là une solution. Oublier... En effet, le seul moyen de me sortir de là, serait d'oublier. Même si mon accident n'avait pas été suffisament grave pour que ce soit le cas, il pouvait toujours me sauver et il me restait juste à simuler. Après tout, j'avais été capable de paraître comme une future épouse comblée devant Travis, je pouvais bien paraître comme une idiote qui avait oublié son passé. Je m'attendais à ce que ce soit douloureux et ce fut le cas. Voir votre fiancé s'effondré parce que la femme qu'il aime ne se souvient plus de lui, voir votre meilleur ami exploser de colère et frappant de toutes ses forces dans une porte parce que lui aussi, venait de perdre la femme de sa vie... c'était simplement déchirant. Le soir, une fois toute seule, j'avais délibérément craqué. Les larmes ne voulaient plus s'arrêter. Je n'étais pas obligée de le faire, mais je ne voulais pas non plus être malheureuse parmi tout ça. Je préférais les abandonner et trouver le bonheur ailleurs. Puis, il y avait mes parents aussi. lls essayaient tant bien que de mal de retrouver leur fille chérie, les convaincre de devenir la riche héritière que j'ai soi-disant toujours voulu être. Naturellement, j'avais déjà réussi à échapper à tout cela une fois, ce n'était pas pour replonger dedans. J'ai simplement prétendu vouloir partir loin... De toute façon, je prétendais me sentir telle un étrangère dans cette ville et dans leur vie. Je voulais repartir de zéro... J'ai donc une nouvelle fois mis les voiles. La ville que j'ai choisi? Detroit, dans le Michigan. Ni Travis, ni Austin, ni mes parents n'ont cherché à me suivre. C'était mieux comme ça. J'ai repris ma vie d'avocate et les coups d'un soir. Une partie de moi reste honteuse de ce que j'ai pu infligé aux seules personnes qui m'avaient accordé leur confiance, je parle bien-sûr des deux hommes qui ont su me rendre heureuse et non de mes parents. Mais je me dis que c'est mieux comme ça... Je n'ose même pas imaginer la tournure qu'aurait pu prendre cette histoire sans cet accident! Dans le fond, je n'espère qu'une seule chose : qu'aussi bien l'un comme l'autre trouve l'amour. Quant à moi, je préfère retrouver ma liberté.