*Joan avait décidé de continuer sa promenade dans les recoins de sa nouvelle ville. une opportunité s'était offerte à elle quelques jours plus tôt. Elle voulait à tout prix cacher son identité, elle avait un peu abusé après l'épisode du cinéma et maintenant, son objectif était de se confondre dans la foule pour n'éveiller aucun soupçon.
Quoi de mieux pour cela que de participer à une association? Elle passerait pour une gentille sans histoires qui voulait juste aider des personnes en détresse. Elle avait donc participé à la vie d'un centre d'appels pour femmes battues. C'était une cause qui l'intéressait particulièrement après ce qui lui était arrivée lorsqu'elle était adolescente. Ainsi, elle pouvait faire d'une pierre deux coups.
Là bas, elle avait rencontré une jeune femme qui lui avait tout de suite plu: bien sous tous rapports partageant des intérêts communs, Hesther était une femme qu'elle pourrait apprécier, cela était certain.
Joan avait donc décidé de se promener mais également de rejoindre sa nouvelle amie Hesther qui lui avait donné rendez vous à Alley District pour discuter un peu plus avant après ce qui s'était passé au centre. Il était évident qu'Hesther et Joan avaient vécu des sévices similaires de la part de la gente masculine. La jeune rebelle l'avait remarqué rapidement et c'était tout de suite prise d'amitié pour cette femme aussi forte qu'elle malgré leurs différences.
Elle attendait à côté d'une belle bâtisse, en fumant sa première cigarette de la journée. Elle finit par voir arriver la jeune femme, se dirigeant vers elle.*

Hello Hesther! Comment ça va depuis l'autre jour? Pourquoi ce rendez vous dans un coin aussi... perdu?

*Elle sourit à sa collègue qui semblait heureuse d'être là également. Joan tentait de rester impassible, elle jouait un rôle. Elle avait tué des innocents et personne ne pourrait le comprendre. Elle allait devenir une toute autre personne et finirait par oublier sa vengeance réussie.*

Donner un peu de son temps à autrui, en aidant dans différentes associations, quoi de mieux pour combler le vide sentimental de sa vie ? Pouvoir ainsi rencontrer toute sorte de personnes, se donner ainsi l'impression qu'on a une vie follement remplie. Pouvoir assouvir ce besoin d'aider son prochain tout en ayant un lien social très fort. Voilà ce dont elle avait besoin, ni plus ni moins. Entre travail, bénévolat et activités en tout genre, la jeune femme ne pouvait pas dire qu'elle avait le temps de s'ennuyer. Bien au contraire. Depuis longtemps, elle avait décidé de se donner à fond dans chacune de ses entreprises. Si elle brillait par son manque de réelles relations amicale ou amoureuse, elle compensait le tout par une vie professionnelle bien remplie. On ne peut pas dire qu'elle n'était pas entourée, mais dans le fond elle n'avait pas de véritables ami(e)s, personne par exemple à qui elle pût – ou ne voulût pour être exact - confier ses secrets. Ne pas avoir de véritables attaches, afin de ne pas être déçue une seconde fois, ne plus souffrir, jamais. Personne n'arriverait plus à toucher son âme comme Mark – son ex-mari – avait pu le faire. Aussi se contentait-elle d'avoir un nombre incalculable de connaissances, sans que cela aille vraiment plus loin.
Personne n'y arriverait, sauf peut-être cette intrigante jeune femme rencontrée quelques temps auparavant, dans un centre d'appel. Alors qu'elles travaillaient côté à côté, Hesther avait pu surprendre la conversation de la dite jeune femme et de la personne au bout du fil. Il s'agissait d'aider une femme ayant subit des violences conjugales. A ses dires, il était plus qu'évident que Joan parlait de quelque chose de vécu. Difficile de rester de marbre en pareilles circonstances. Hesther piquée par la curiosité en vint à faire la conversation à la brunette. De fil en aiguille un lien assez spécial se tissa entre elles.

La jeune avocate sentit pour la première fois depuis plus de cinq ans qu'elle venait de trouver là une alliée de taille. Unie par par les liens d'un passé sombre. Qui mieux que Joan pourrait comprendre ce qu'elle avait pu ressentir ? Bien que cela soit à l'encontre de tout ce qu'elle avait pu se promettre ces dernières années, elle invita Joan à la rejoindre sur Alley District, par une chaude après-midi de printemps. La canicule ne semblait toujours pas décidée à laisser les habitants de Detroit en paix. Chaleur la forçant à vider quelque peu son sac ? Quelle force mystique pouvait bien s'opérer, pour qu'elle éprouve le besoin de parler de son passé à quelqu'un ? Elle n'en avait pas la moindre idée et n'eût pas franchement envie de s'interroger plus que cela, alors qu'elle arrivait à la rencontre de sa « collègue », en marchant d'un pas assuré. Chaleureusement, elle la salua.

« Salut ! Malgré cette chaleur accablante ça va très bien, et toi ? On est juste à côté du centre d'appel, je dois y être d'ici moins d'une heure, je me suis dit que ce serait sympa de se voir un peu à l'extérieur... Elle se mordit alors la lèvre inférieur, tiraillée entre l'envie d'en dire plus et la peur d'être prise pour une allumée. Elle laissa passer quelques instants avant de reprendre presque de but en blanc et d'une traite : En fait on est plutôt isolées ici, je trouve ça parfait pour parler de... de cet appel que tu as reçu... une femme battue apparemment. Elle afficha une mine désolée. Je n'écoute pas les conversations en temps normal, c'est juste que... je ne sais pas, la façon dont tu lui as répondu, la façon dont tu l'as rassurée à fait que j'ai tendue l'oreille, sans doute un peu plus que ce que je n'aurais dû. C'est un peu difficile à aborder comme sujet, mais j'ai vraiment eu l'impression que... que tu parlais de quelque chose que tu as toi-même connu. Enfin je me trompe peut-être » dit-elle en s'asseyant sur un banc, au beau milieu de toute cette faune de macadam.

*Hesther semblait également ravie de retrouver Joan pour une petite heure de détente avant de retrouver les appels en détresse. Joan avait remarqué que sa collègue était très accrochée à la cause. Elle semblait bien plus innocente qu'elle d'ailleurs. Joan essayait juste de se fondre dans la masse, de se faire des connaissances dans ce tout nouvel endroit. Elle n'était pas vraiment prête à se mettre dans la lutte contre la maltraitance des femmes. Elle n'avait d'ailleurs pas vécu exactement la même chose que le plupart de ses femmes et heureusement d'ailleurs, elle ne tiendrait pas le choc de revoir ces quelques images en boucle toute la journée.
Elle jeta sa cigarette pour accueillir Hesther. Elle s'était manifestement dépêchée pour arriver au lieu de rendez vous. Joan ne put s'empêcher d'esquisser un sourire devant cette réaction.*

Oh oui, cette canicule me tue aussi! Ah? Tu es encore de service aujourd'hui? Je prends une petite pause personnellement aujourd'hui. A force d'entendre toutes ces horreurs, je pourrais en devenir dingue.

*Elle sourit quand même à son interlocutrice en disant cela. A vrai dire, ce n'était pas totalement vrai. Certes, Joan trouvait cela immonde ce que subissant toutes ces femmes mais elle avait fait des choses bien pires pendant ces années de meurtrière. Elle n'arrivait donc pas à être aussi compatissante qu'elle le voudrait. Elle n'avait pas eu beaucoup de sentiments pendant ces dix années hors du commun. Elle ne savait pas si c'était une bonne chose mais elle le vivait extrêmement bien.
Hesther lança alors un sujet épineux. Elle lui parla de l'appel reçu et qu'elle avait écouté. Joan avait pu rassurer la jeune femme qui subissait des sévices terribles de la part de son mari. A vrai dire, elle lui avait dicté quelques unes de ses méthodes lorsqu'elle devait résister aux souvenirs de son viol. Mais, elle n'avait jamais parlé à personne de cette épreuve, c'était bien trop intime et douloureux même après dix ans et la mort du coupable. Joan décidé donc d'étoffer un peu la vérité:*

Oh non, pas du tout! J'ai juste eu toutes ces informations de la part d'une amie de mon adolescence qui avait subi également des sévices de la part de la gente masculine. Elle m'a avoué comment elle faisait pour tenir les jours où tout ces souvenirs devenaient trop douloureux. J'ai pensé que ce serait une bonne idée si quelqu'un d'autre pouvait se servir de ces astuces... Et toi, pourquoi tu t'es engagée dans l'association?

*Joan savait que chaque personne dans l'association avait sa part d'ombre. La plupart d'entre elles avaient elles même subi la souffrance de leurs maris, frères et autres hommes qui ne méritaient rien d'autre que la mort. Hesther ne devait pas échapper à cette règle.*

Prendre une pause, prendre un peu de temps pour soi, pour se détendre mais aussi pour faire ce dont elle aurait vraiment envie. L'idée était assez tentante, elle devait bien le reconnaître. Malgré cette envie, le besoin de venir en aide à ceux qui en ont vraiment besoin se révélait être plus forte. Pas de trêve hivernale pour les horreurs proférées chaque jours, pas de repos donc pour elle. Noble cause ou pas, peu importe, tout ce qu'elle pouvait voir là-dedans c'est le soutien et l'aide qu'elle pouvait apporter. Et pourquoi pas faire part de sa propre expérience, mais tout en restant anonyme, hors de question de se dévoiler. Voilà pourquoi être derrière un téléphone lui convenait parfaitement.

« Cette fournaise du diable n'est pas prête de s'en aller suivant la météo, pour notre plus grand malheur. Oui ,encore... je viens trois fois par semaine. C'est parfois difficile psychologiquement, mais il faut ce qu'il faut si je puis dire. Les victimes de toute sorte soient-elles doivent endurer bien pire que tout ce qu'on peut entendre, alors je me dis qu'on peut au moins faire ça pour elle, apporter un soutien et une oreille attentive. Ce n'est pas grand chose, mais c'est tout de même mieux que rien. »

A son petit niveau il n'était certes pas possible de faire grand chose de plus, mais si chaque personne sur terre pouvait en faire autant, peut-être que toutes ces horreurs pourraient être évitées. Utopie. L'histoire que lui servie Joan ne convint pas franchement à la jeune avocate. Elle en aurait presque mis sa main à couper que cette dernière mentait par omission, lui servant sur un plateau d'argent un magnifique bobard. Dans quel but ? La honte ? Peut-être, toutefois elle s'en contenta, de peur de paraître un peu trop lourde. Il faut dire aussi que la blondinette se montrait un peu trop intrusive avec cette question. Après tout la vie de la jeune femme ne la regardait en rien. Pourquoi ce besoin d'en savoir plus, toujours plus sur ses prochain ? Besoin maladif de sociabilité.

« Ça n'a pas dû être une partie de plaisir pour ton amie. J'espère qu'aujourd'hui elle a réussi à sortir de cet enfer. Pourquoi s'être engagée dans l'association ? Que répondre, un beau mensonge entouré dans un magnifique papier doré ou tout simplement la vérité bien moins belle ? Je... je me suis engagée dans l'association parce que je trouve la cause vraiment noble, pouvoir apporter un peu de réconfort à toutes ces personnes en détresse... Et puis pour tout avouer, je crois que j'ai aussi eu besoin de partager mon... expérience sur certaines violences. »

Soucieuse de ne pas trop en révéler, elle s'interrompit là. Les questions ne tarderaient certainement pas à fuser de toute part. Consciente également qu'elle pourrait difficilement faire marche arrière après avoir prononcé ce genre de phrases, elle se mordit la lèvre, l'air nerveux.

*Joan approuva les propos de sa nouvelle collègue puis recommença à fumer tout en réfléchissant brièvement. Elle ne savait toujours pas ce qui l'avait poussé à s'engager dans l'association. Sûrement pas un cas de conscience puisque cela fait des années que la jeune tueuse n'avait pas été dérangé par le remords ou la culpabilité. C'était surtout une pulsion, peut être voulait elle vraiment se mêler au reste de la communauté et pourtant elle n'avait jamais ressenti le besoin d'avoir des amis ni une famille. Elle s'était habituée à la solitude et c'était bien plus facile de cette façon puisque s'attacher, c'était perdre une partie de soi qu'on ne retrouvait jamais. C'est comme cela que Joan voyait la vie et ce n'était pas près de changer.
Quoiqu'il en soit, Joan remarqua assez rapidement qu'Hesther n'était pas convaincue par son discours. C'est vrai qu'il pouvait être tiré par les cheveux mais la rebelle n'était décidément pas prête à dévoiler son épreuve. Les images lui faisaient toujours autant ressentir cette haine et elle ne voulait pas partager cette émotion intense, pas pour le moment. L'homme avait beau être mort, Joan n'était pas prêt d'oublier, encore moins ce qu'elle était capable de faire par pure vengeance.
Contrairement à elle, Hesther lui avoua qu'elle avait vécu une expérience traumatisante sans en dire plus mais c'était déjà un bon pas vers la vérité. Joan ne savait pas vraiment comment réagir, elle n'avait jamais rencontré d'autres femmes qui avaient subi le courroux d'un homme mais elle put quand même prononcer quelques mots.*

Je suis désolé de l'apprendre Hesther. Cela ne doit pas être difficile pour toi d'entendre toutes ces femmes.. Voir toutes ces images sûrement...

*Joan lui fit un sourire timide puisqu'elle partageait sans lui dire bon nombre de ces durs instants.*

Faire le bien autour de soi, une manière d'expier ses péchés, d'exorciser ses propres démons. A force de rabaissement, c'est ce que son ex-mari aurait pu lui faire croire, que tout était sa faute, mais il n'y a qu'un esprit malade pour renverser ainsi la tendance, vous faisant culpabiliser pour un rien. La maison des larmes lui laissait un goût amer en bouche, goût qu'elle n'était certainement pas prête d'oublier de si tôt. Joan appuya là où cela fait le plus mal. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle avait vu juste. Aider ces femmes, ces inconnues, écouter leurs histoires, tout ça la replongeait irrémédiablement dans sa propre horreur. En dehors de les aider, pourquoi s'infliger tout ça ? Pour ne pas oublier ? Pour se rappeler chaque jour que la liberté n'a pas de prix ? Sans doute.
La jeune avocate riva son regard cristallin à celui de sa collègue.

« Ce n'est pas toujours facile, c'est sûr, ça me rappelle certaines choses, parfois j'ai des flashs, des images remontent à la surface... j'avoue que certains jours, plus que d'autres j'ai du mal de m'en défaire. Je dois être un peu maso pour m'infliger ça. Ses yeux se posèrent alors au sol, du bout de sa chaussure elle poussa un petit caillou. Hésitation sur la suite. Sans vraiment prendre le temps de réfléchir à ses paroles et encore moins aux conséquences, elle dit alors : J'ai été mariée avant d'arriver à Detroit, c'était il y a plus de six ans maintenant. Pourtant j'ai l'impression que c'était hier que tout ça s'est passé. Elle releva alors la tête, n'osant toutefois pas regarder son interlocutrice dans les yeux. A l'époque, si j'avais pu contacter un centre d'appel tel que celui dans lequel nous « travaillons », je pense que j'aurais pu ouvrir les yeux plus vite sur son comportement tyrannique, je ne me serais pas laissé embarqué dans ce cercle vicieux, peut-être aussi que j'aurais trouvé le courage d'agir différemment. »

Jugeant qu'elle en avait déjà bien assez dit, elle s'interrompit là. Reculer pour mieux sauter, sans doute venait-elle d'atteindre le point de non retour. Il serait difficile de faire marche arrière, ou bien de se contenter de ces quelques révélations, autant aller jusqu'au bout à présent. Se délester de ce poids l'accablant depuis trop longtemps ne pourrait certainement pas lui faire de mal. Quoique...

Spoiler:

*Malgré le manque d’émotions dont faisait preuve Joan depuis son viol, cette fois, elle s'avouait légèrement troublée par l'histoire d'Hesther. En ce sens, elle se ressemblait. Bien évidemment, beaucoup d'éléments différaient dans leurs différents agissements. Hesther avait choisi la voie du bien, elle souhaitait aider réellement d'autres femmes dans le même besoin. Joan, elle, était plus sombre. Son incident l'avait transformé en monstre. Elle commençait seulement à réaliser que ces actions étaient hors de propos. Tuer cet homme, elle ne le regretterait jamais mais maltraiter tous ces innocents avant de mettre fin à leurs jours, cela, elle n'en était pas sûre.
Quoiqu'il en soit, elle se laissa aller devant la révélation d'Hesther. Elle ne pouvait qu'être heureuse de se sentir moins seule même si cela n'avait pas été son mari qui lui avait fait du mal. Elle avait les larmes qui perlaient dans le coin de ses yeux en imaginant tout ce qu'elle avait vécu lors de ses soirées. Ce fut une brève émotion qu'elle effaça en un rien de temps, on ne pouvait pas être faible, pas maintenant, dix ans plus tard.
Elle posa le regard sur sa collègue et lui dit:*

Je suis désolé de ce qui t'es arrivé, Hesther. J'aimerai pouvoir les tuer tous ces salauds, tu sais... Ils ne méritent pas de vivre après tout ce qu'ils nous font subir.

*Joan avait un regard plein de haine, celui qu'elle avait lorsqu'elle l'avait tué, lui, quelques semaines plus tôt. C'était cette part sombre en elle qui ressortait toujours lorsqu'on lui parlait de violences faites aux femmes. Elle finit par se calmer et fuma une nouvelle fois pour se détendre à cent pour cent avant de regarder Hesther, avec cette fois un regard plus triste et nostalgique de son enfance.*

Un regard qui en dit long, bien plus long que de banals mots prononcés comme ça à la va vite, sans que ceux-ci soient préalablement réfléchis, analysés, décortiqués. Ce regard là ne ment pas sur le vécu d'une personne, en l’occurrence celui d'un être meurtri au plus profond de sa chaire, marqué à vie au fer rouge, trace invisible par certains mais bien voyante par d'autres ayant connu le même enfer. Tristesse infinie, quasiment insondable mais pourtant bien présente, là juste sous la peau. Geyser près à éclater. A la manière de ceux qui ont connus l'enfermement, les femmes ayant subi des sévices infligés par la gente masculine possèdent toutes le même regard. Un voile opaque, quelque chose qui semble être mort à l'intérieur. C'est ça qu'elle pût contempler dans les iris électriques de Joan.

L'espace d'un instant, un écran façonné par les larmes certainement trop longtemps refoulées abonda au coin des yeux de la brunette. Semblant avoir un contrôle presque total sur elle-même, c'est rapidement que l'eau salée disparue. Vraiment impressionnant. Peut-être que Hesther devrait en prendre un peu de la graine, elle l'émotive parfois un peu trop emportée et passionnée. Les paroles de Joan la glacèrent quelque peu. Ce ton froid qui venait de transpercer la voix de cette dernière lui fit peur. Une détermination presque sans appel. Hesther se demanda si c'était là un tour que lui jouait son cerveau.

« Je suis aussi désolée pour ton amie. Ils ne méritent pas de vivre c'est certain, mais ils méritent encore moins que l'on se rabaissent à leur piètre niveau. La violence ne résout rien si ce n'est montrer ses propres faiblesses. Elle marqua une légère pause avant de reprendre. La violence tout comme la fuite... »

Cette simple évocation fît remonter tout un tas de souvenirs à la surface, elle sentît ses yeux se brouiller de larmes.

*Joan réalisa que ses émotions l'avaient trahi devant Hesther. Sa jeune amie avait eu, pendant quelques secondes, un regard effrayé. Kellers se rendit donc vite compte que son visage devait trahir tout ce qu'elle avait pu vivre et ce n'était pas beau à voir. Malgré les années qui passaient, elle avait toujours cette haine en elle qu'elle n'arrivait pas à dépasser. La gente masculine restait l'objet de son courroux même si elle ne le montrait jamais. Andy avait donc pour la première fois, montré une once d'émotions et Hesther avait été cet unique témoin. Joan posa donc un regard un peu angoissé à la suite de cet aveu sur Hesther mais celle-ci avait repris une contenance également.
Il y eut quand même un moment gêné où Joan se contenta de se gratter le crâne d'une manière peu féminine, souvenir de ses années de tueuse encore une fois puis elle reprit une position vraiment neutre. Hesther, pourtant, prononça des paroles qui prouva qu'elle avait été touché par la réaction excessive de Kellers. La violence ne résolvait rien... C'était le seul exutoire que Joan avait trouvé ces dernières années et elle était ravie du résultat obtenu malgré, aujourd'hui, l'amoncellement des victimes derrière son nom.
Hesther lui donna un autre signe de sa douleur, Joan comprit facilement que la jeune femme avait fui son harceleur elle aussi, elle avait agi différemment, plus lâchement certes mais Andy se doutait qu'elle aurait plutôt dû adopté la méthode d'Hesther...
Joan s'approcha de la jeune femme et contre toute attente la serra dans ses bras. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, mais elle agissait tout bonnement sur l'intensité du moment. Puis elle prit le soin de lui parler avec une certaine dureté.*

Tu sais, la violence peut être une force.. La peur est une émotion éprouvée par la gente masculine, et certainement plus intensément qu'une femme qui fait face au danger... J'espère que l'homme dont tu parles ne te retrouvera jamais, Hesther.. Pour ton bien et le sien!

La violence, une force... Hesther n'était pas bien sûre de comprendre. Ton dur employé par son interlocutrice. Pour elle, la violence appelait uniquement la violence, rien de plus. Celle-ci étant un véritable fléau qui ne résout rien dans le fond. Qu'entendait Joan par là ? Voulait-elle dire qu'elle avait dû user de tels actes par le passé pour son « amie » ou plutôt pour elle-même ? Se défendre contre autrui afin de s'assurer que le bourreau ne puisse plus nuire à personne. Qu'avait-elle pu faire exactement pour que cette même personne puisse ressentir la peur face au danger ? Quel danger d'ailleurs ? Tourbillon de questions dans la tête bien trop pleine de la jeune femme. Conversation quelque peu étrange. La native de la Nouvelle Orléans ne s'attendait pas du tout à ce que cette dernière prenne ce genre de direction. Regard embué, c'est avec une grande surprise qu'elle se laissa aller au contact que pu lui offrir Joan. Se sentir soutenue, se dire que l'on est pas la seule à avoir vécu des atrocités ; rassurant en un sens, bien que cela ne change absolument rien et ne risque pas d'effacer les souvenirs. Gorge serrée, yeux légèrement rougis, l'avocate se recula légèrement, rompant ainsi tout contact physique avec Joan.

« Qu'entends-tu par cela peut-être une force ? Qu'est-ce qui te fais dire ça ? Angoisse à l'idée que Mark puisse un jour la retrouver. Pauvre hochement de tête. Je l'espère aussi, bien qu'il y ait peu de chances pour que cela se produise... Je... pour lui... enfin... Comment dire les choses ? Elle souffla un bon coup avant de se lancer, sans vraiment prendre le temps de réfléchir ni de peser ses mots. Pour lui, je suis officiellement morte. »

En sondant le regard électrique de sa « collègue », elle chercha au fond de ses yeux un peu de réconfort. Jamais depuis plus de six années, elle n'avait été aussi en avant dans des révélations concernant son passé. Pourquoi maintenant ? Et surtout, pourquoi avoir choisi Joan pour le faire ? Une intuition sans doute, qui lui disait qu'elle devait être la plus à même de comprendre la situation et qu'elle ne le jugerait en aucun cas. Besoin aussi - sans doute - de se décharger d'un poids. Pouvoir dormir sur ses deux oreilles, alléger sa conscience.

Joan ne s'était pas laissée aller à la douleur depuis plusieurs mois. Elle n'avait d'ailleurs pas encore subi le contrecoup du meurtre de son violeur, elle n'arrivait pas à mesurer que dix ans de sa vie était arrivé à leur fin. Aujourd'hui, Joan était libre de tout engagement, elle n'était plus officiellement une tueuse même si à tout moment, l'organisation pouvait la retrouver et la tuer pour son désistement mais elle s'en fichait. Elle avait réalisé sa mission, s'était libérée et c'était tout ce qui comptait pour elle.
Hesther finit par se détacher lentement des bras de Joan, un peu gênée de ce moment inédit. Joan était elle même surprise de ce qu'elle avait osé faire. Elle n'avait touché personne depuis de nombreuses années de manière sincère. Elle avait seulement joué un jeu avec tous les gens qu'elle avait dû fréquenter au cours de ses missions et bien sûr avec ses collègues qu'elle avait envie de tuer intérieurement sans jamais vraiment oser. Sa jeune amie semblait également troublée des propos durs de Kellers, elle n'avait pas pu les retenir, cette haine en elle n'était pas partie, les hommes qu'elle avait côtoyé étaient tous des individus à abattre et cela se lisait encore sur le visage d'Andy. Elle répondit avec un air bien plus froid qu'auparavant.

Disons que parfois, il n'y a qu'un seul moyen pour une femme de se faire entendre, les menaces... Les mener à exécution n'est qu'un plus!

Hesther précisa qu'elle était morte pour son mari. Joan n'était pas bien sûr de saisir le sens de ses paroles. Elle fit un regard surpris à son amie. Elle avait dû fuir de manière non conventionnelle, se faisant passer pour morte. Kellers n'acceptait pas qu'une femme soit réduit à agir ainsi parce que les hommes avaient d'énormes problèmes d'égo. Elle regarda la jeune Hesther dans les yeux avec un regard plus attendri.

Je ne sais pas ce que tu as fait mais la véritable question est plutôt: est ce que cela t'apporte la paix, Hesther?

Flashs lancinants d'une époque révolue. Tout un tas d'images remontant du plus profond de son inconscient. Calvaire sans nom, qu'elle avait vécu, sans jamais oser dire quoi que ce soit à ses ami(e)s de l'époque. Pourquoi n'avait-elle rien dit, pourquoi s'était-elle laisser embarquer dans cet ignoble engrenage ? Par amour ? Quelle connerie franchement. Comme le disait si bien Joan, dans ces cas-là, il n'y aurait eu qu'une façon de se faire entendre et ce n'était pas la fuite - cette lâcheté indicible - mais bien l'action, quoique cette dernière puisse engendrer ou bien encore signifier. Les pièces du puzzle semblaient s'imbriquer d'elles-mêmes au fur et à mesure que la conversation avançait. Hesther pouvait entrevoir quelque chose de bien noir chez sa collègue, quelque chose d'insoupçonnable ; partie bien sombre de son âme. Qui ne possède pas une telle noirceur après tout ? L'humain n'est qu'un misérable petit tas de secrets après tout.

« Je ne sais pas si je comprend bien et je ne vais pas chercher à en savoir plus... mais si jamais un jour tu ressens le besoin de parler de ça pour vider ton sac, tu peux compter sur moi ! »

La paix, l'absolution ou bien encore la rédemption, elle n'avait rien de tout ça. Tout ce qu'elle avait, c'était l'angoisse permanente que quelqu'un la reconnaisse, ou bien encore de tomber sur ce timbré de Mark, au détour d'une ruelle sombre. Quelque chose lui disait qu'il n'avait pas laissé tomber pour autant, après que la voiture de l'avocate ait été repêchée dans la rivière. Pas de corps retrouvé... peut-être y avait-il eu des témoins de la fuite de la jeune femme, quelqu'un l'aurait alors averti... Elle était persuadée qu'il n'avait pas cru un seul instant à cet accident. La voiture quittant la route, tombant dans le fossé pour finir sa folle course dans cette rivière gelée. En un mot, Hesther était sûre que depuis toutes ces années, il était à sa recherche. Bien entendu, elle espérait fortement se tromper. En signe de négation - refoulant toujours tant bien que mal et plutôt mal que bien ses larmes - elle secoua la tête.

« Non... je ne suis pas en paix, ni avec moi-même ni... tout court en fin de compte. J'ai la trouille, depuis presque 6 ans maintenant. Peur qu'il me retrouve et que... l'enfer continue encore et encore. Elle baissa le regard, pour river ses yeux à ses chaussures. Pourquoi les hommes ont ce besoin de contrôle sur nous, ce besoin de violence ? »

Une larme roula le long de sa joue, alors qu'elle relevait lentement la tête.

Joan savait qu'elle était allée trop loin, qu'elle en avait trop dit. Quand on arrivait sur des sujets aussi sensibles ou qui se rapprochaient dangereusement de son viol, elle devenait irascible, incontrôlable et un peu folle. Elle n'avait jamais pu regretter tout ce qu'elle avait fait subir à ses hommes. La plupart n'était que des escrocs qui, d'ailleurs, martyrisaient leur femme de la même manière que que le mari d'Hesther sûrement. C'était sûrement une des raisons pour lesquelles elle n'arrivait pas à regretter. Elle n'arriverait certainement jamais à subir sa culpabilité, elle était bien trop détraquée pour cela. Personne ne pourrait la secouer de nouveau. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait ni ri ni pleuré. Elle était seulement vide et rien ni personne ne pourrait changer cela.
Quand elle voyait Hesther, elle imaginait sa souffrance, c'est tout ce qu'elle pouvait faire. Elle appréciait beaucoup son amie, elle avait un caractère plaisant et une force psychologique dont elle ne se doutait pas. En y pensant, Hesther aurait certainement pu assumer aussi bien qu'elle son ancien métier.
D'ailleurs, elle avait décelé le malaise de Joan. Cette part d'ombre de plus en plus importante en elle qui ne demandait qu'à tuer de nouveau, éradiquer la planète Terre de tous ces hommes qui se pensaient bien meilleurs qu'elles. Joan tenta de reprendre un air plus humain. Il ne fallait pas s'enfermer dans sa colère et se concentrer sur Hesther.

On fait tous des choses dont on est peu fiers Hesther... Mais contrairement aux autres, je le suis. C'est tout ce qu'il te faut savoir.

Joan ne faisait que dire la vérité, elle se libérait d'une certaine manière. Elle vivat avec le fardeau de cacher son identité et relâcher ce type de bombes ne pouvait que lui permettre de se décontracter un peu.
Hesther semblait plongée dans des souvenirs bien sombres. Elle finit par lui poser la question fatidique, celle que Joan souhaitait voir répondu un jour. Pourquoi? Pourquoi elles souffraient par leur excès de violence? Quel était leur but? Kellers n'y avait jamais rien compris...

Il ne te retrouvera pas. S'il le fait, il n'osera pas revenir dans ta vie. Et si un jour, quelqu'un trouve la réponse à cette interrogation, je l'écouterais avec plaisir...

Un peu plus, encore un peu plus; s'approcher toujours plus près, plus en avant, jusqu'à pouvoir toucher du doigt ces confidences faites comme cela, au détour de la conversation. L'avocate ne chercha pas à en savoir plus sur le passé de Joan, ce qu'elle avait pu faire auparavant ne la regardait en rien après tout, aussi se contenta-t-elle juste de hocher la tête, tout en l'écoutant attentivement. Que pouvait-elle faire de plus après tout ? Rien sans doute. Elle n'avait de toute façon pas le droit de se montrer curieuse. Le passé de son amie n'appartenait qu'à elle et elle seule. Chacun a le droit à son jardin secret, sa part d'ombre. Hesther possédait bien la sienne, il devait en être de même pour Joan.

La brunette avança une parole tout à fait censée. La fierté. Ne jamais regretter ses actes, être toujours fier de ses choix, quels qu'ils puissent être. Hesther rejoignait totalement ce point de vue. Malgré la peur qu'elle éprouvait à chaque nouveau levé de soleil, elle se sentait fière. Avoir pu échapper à sa misérable vie, mais surtout à l'emprise de ce taré de Mark, cela n'avait pas de prix. Absolution parfaite. Si on lui avait dit quelques années en arrière, qu'elle serait capable de trouver en elle cette force intérieure pour mettre en scène sa propre mort, et ainsi pouvoir s'échapper vers un nouveau destin, jamais elle ne l'aurait cru. Elle se pensait si fragile à l'époque et aussi tellement redevable envers son mari. Quel tas d'idioties. A présent, la jeune femme se demandait pourquoi elle n'avait pas pris le taureau par les cornes bien plus tôt. Mystère irrésolu. Plus jamais elle ne se conduirait de la sorte ; plus jamais elle n'accepterait cela. Sans vraiment prendre le temps de la réflexion, elle lâcha de but en blanc : « Je t'admires Joan. Tu dégages une telle force, on a cette impression en te regardant, que jamais rien ne pourra t'atteindre. J'aimerais pouvoir devenir comme toi. En ce qui concerne la fierté, tu as tout à fait raison, il y a forcément des choses dont on a honte... C'est sans doute cela qui nous construit et nous forge, comme notre passé. Peut-être qu'on ne devrait pas avoir honte de nos actes, quoi qu'on ait pu faire... »

Si elle savait, peut-être que la blondinette se serait abstenue de tout commentaire. Mais elle ne pouvait pas savoir, alors elle se contentait d'admirer cette image lui faisant face. Phénix impétueux qui lui renvoyait l'image de sa propre faiblesse. Pourquoi ne pas faire comme Joan, et devenir à son tour ce reflet de courage ? Tout simplement, parce qu'elle n'en était pas capable. Ne plus avoir peur, douce utopie. Le regard toujours humide, Hesther aurait voulu croire aux paroles de son interlocutrice, mais elle n'y arrivait pas. Elle restait persuadée, qu'un beau jour, il se tiendrait devant la porte de son appartement, prêt à la « punir ».

« J'aimerais te croire, mais je ne sais pas, j'ai cette intuition malgré tout, qu'un beau jour je serai de nouveau confrontée à lui. Crois-moi, il n'a pas dû laisser tomber aussi facilement. Le connaissant, il se sentira presque obligé de revenir dans ma vie. Il est tellement... malade, sa colère n'est certainement pas retombée aussi facilement, s'il découvre la vérité, il n'en sera que plus enragé et violent. »

Le regard de la jeune avocate se perdît dans le vide, en proie à ses propres démons, se laissant porter par les méandres scabreux de ses souvenirs.

Au jour d'aujourd'hui, Joan n'avait plus aucune raison de vivre. Sa quête de vengeance avait enfin abouti et elle n'avait plus rien qui lui tenait à coeur. Du jour au lendemain, elle s'était retrouvée vidée de tout ce qui avait compté pour elle. Cela faisait une décennie qu'elle n'avait plus de famille: ses frères étaient loin, sa mère décédée et son père l'avait certainement oublié. C'était mieux ainsi, elle était loin la jeune femme innocente prête à plonger dans les affres de l'amour avec un certain Ethan lors d'une soirée arrosée quelconque.
Aujourd'hui, Joan Kellers était une vraie tigresse, prête à tuer n'importe quelle homme s'approchant de trop près. peu importe leurs intentions, les hommes étaient décérébrés pour elle et elle voulait également convaincre sa jeune amie que plus rien ne lui arriverait tant qu'elle serait dans les environs. Plus aucune femme ne devrait être battue ou violée à Detroit tant que Joan serait ici. C'était son unique promesse, elle n’avait plus rien d'autre à faire dans ce monde désormais. En écoutant les paroles bouleversées d'Hesther, elle ne put qu'approuver sa promesse à elle même. Cette jeune femme l'admirait, si seulement elle savait tout ce qu'elle avait pu faire pour devenir aussi insensible aujourd'hui...

Tu n'as aucune raison de m'admirer, tu sais! Tu es la personne qui devrait être sur un piédestal entre nous deux. Tu es celle qui a survécu à ton mari et ce n'est pas rien!

Joan avait seulement eu affaire à étranger. Quel mal pouvait-il lui faire? Beaucoup moins que ce qu'Hesther avait dû endurer. Aujourd'hui, elle pouvait regretter ses débordements, tous ces meurtres qui ne l'avaient vraiment pas aider à devenir respectable.
Son amie précisa qu'elle sentait que la présence de son mari s'approchait chaque jour. Il reviendrait et finirait le travail. C'était sans compter sur Joan Kellers, rien ne se passerait de la sorte.

Il n'aura pas le temps de te faire du mal, tu peux me croire... Me résister, c'est risquer gros!

Le temps défilait à une allure vive sur Alley District. Hesther n'avait pas vu le temps passer, complètement absorbée par la conversation en cours avec sa jeune collègue. Elle pût alors s'en rendre compte, au moment où elle jeta un œil à l'horloge de son téléphone portable. Abréger ce moment, si elle ne voulait pas se mettre en retard et se faire taper sur les doigts. Avec attention, elle écouta la fin de la phrase de Joan. Durant cette brève entrevue, des points communs avaient pu ressortir, la vérité sur le passé de l'avocate avait éclaté au grand jour, tel une bulle de savon. De plus, elle savait maintenant que même Joan avait quelque chose à cacher. Quelque chose d’apparemment très noir et très sombre. Tournant et retournant la question qui lui traversait l'esprit, Hesther en vint à se demander ce qui pouvait bien manifester ce genre de réaction violente chez son interlocutrice. Un jour, peut-être... peut-être qu'un jour, elles seraient suffisamment proches pour que la brunette lui parle de ce qui motivait cette rage. Quant au fait que c'est elle-même et non Joan qui mériterait d'être sur un piédestal, l'avocate n'était pas d'accord. Hormis prendre la fuite, elle n'avait rien fait d'autre, ce n'était en rien un acte courageux. De la survie, pure et dure sans doute, rien de plus. D'ailleurs, elle ne trouva rien à ajouter à la suite des paroles de son amie. Elle se contenta d'attendre que Joan reprît la parole, se perdant légèrement dans ses pensées au passage.

Le ton, à nouveau implacable et la dureté de la voix de Joan la tirèrent bien vite de ses songes. Étrangement, elle avait tendance à la croire et surtout à penser qu'elle n'était pas du genre à ne pas aller au bout de ses paroles. Hesther sentait que cela n'était pas uniquement du vent, et qu'elle n'hésiterait certainement pas à mettre cela à exécution. « Je... bizarrement... je te crois, je ne sais pas pourquoi. Un peu gênée, elle regarda à nouveau l'écran de son téléphone. Je vais devoir te laisser, je suis désolée, mais l'heure a tournée bien plus que je ne le pensais. ». Avant de quitter Joan, elle la serra dans ses bras, de manière amicale, puis elle lâcha un : « Merci... merci d'avoir accepté de venir et puis merci de m'avoir écouté. Je... je sais qu'on ne se connaît pas beaucoup, mais si tu as besoin de quoi que ce soit et ce à n'importe quelle heure, n'hésite pas à m'appeler. ». Après un dernier signe de la main, Hesther se hâta de regagner le centre d'appel, pour aller aider les personnes en détresse. Sauver le monde, à sa manière. Le cœur presque léger d'avoir pu vider une partie de son sac, elle entra dans le bâtiment.

THE END