Le temps était des plus agréable. Ni trop chaud, ni trop frais. L'occasion idéale pour sortir. Les parents l'avaient bien compris, et en avaient profité pour aérer leurs petits monstres, qui devaient sans nul doute leur taper sur le système confinés à la maison.
Les enfants s'en donnaient à cœur joie, et c'étaient emparés des jeux en plastique colorés. Et v'la ti pas que je joue à cache cache avec toi et que tu me trouveras jamais, que je fais du toboggan, que j'imite Tarzan et que je pars à la recherche de Jeanne...
La rouquine contemplât la scène avec amusement, tranquillement installée sur la tête de la chenille en plastique. Elle sortît son inséparable calepin de la poche arrière de son short ainsi qu'un crayon à papier. Elle griffonnât un croquis sommaire de l'enfant Tarzan et ajoutât quelques remarques illisibles.
Elle ôtât un peu de terre arrivée par on ne sait quel moyen sur son T-Shirt blanc bien trop large, laissant apparaitre ses frêles épaules. Elle fouillât sous son T-Shirt et en retirât son pendentif. Ou plus précisément sa montre pendentif. Une très belle pièce d'horlogerie, n'ayant pourtant pas beaucoup de valeur monétaire. Mais pour la jeune fille, l'objet avait réellement une grande valeur sentimentale. Elle consultât la grande et fine aiguille argentée. Six heures et demi. La jeune journaliste se laisse glisser de la tête de la brave chenille et se dirige vers la sortie. Plusieurs personnes en font autant. C'est l'heure de ramener la marmaille à la niche.
Il ne reste plus que des adultes dans le parc.
Soudain quelque chose trouble la rousse, l'incite à se retourner. Elle a un curieux pressentiment. Oui, elle a vraiment une impression... étrange.
Lentement elle tourne sur elle même, et se retourne nez à nez à...
Ses yeux émeraude s'écarquillent de surprise.

- Evy ?

Evelyn en avait eu marre de rester chez elle à regarder les dealers & drogués faire leur commerce par la vitre de sa petite chambre. Il faisait beau, elle allait sortir.
Il fallait qu'elle se divertisse un peu, Eve décida d'aller au parc de Mile Road. Elle n'avait pas encore eu l’occasion d'y aller, mais elle savait que sa mère adorait cet endroit et lui en parlait souvent " le plus beau parc qu'il soit ", disait elle souvent, les rares fois où elle lui parlait. Elle se souvint de son regard vide et frissonna. La mère d'Evelyn devait être morte où entrain de faire les trottoirs à cette heure ci, elle préféra ne pas y penser et ce jura d'être meilleure.
Evelyn regardait les gens passer en étant tranquillement assise sur son petit banc. La diversité était importante, elle croisa un couple de vieux, elle se dit qu'ils ne tarderaient pas à rejoindre l'autre côté. Des enfants ne cessaient de jouer, elle aurait aimé avoir une enfance joyeuse, et elle se rappela de ses étés passés en colonie avec une bande d'amis. Liz, elle était là. Devant elle, à une cinquantaine de mètres, voilà ce qui lui avait remémoré tout cela. Liz, son amie de vacances. Non, ce n'était pas elle, il y avait bien y avoir des milliers de roux dans le monde. De plus, Lizzy vivait en France. Elle l'avait rencontrée lors de vacances, dans un groupe de voyage. Liz avait déjà une bonne bande de potes, Evelyn s'y était quelques peu "incrustée", cela ne la gênait, elles étaient bien, toutes les deux. Mais quand sa mère est partie, elle a arrêté d'y allait. Depuis, elle n'avait eu aucune nouvelles.
Elle regardait dans le vide quand elle vit la rouquine bouger. Lizzy, c'était elle. Il fallait qu'elle lui parle, depuis le temps qu'elle ne l'avait pas vu, Eve avait beaucoup changé.
Liz avait été sa meilleure amie avant June, mais elle ne lui avait pas dit. Ce n'était pas le genre de fille à se lier d'amitié avec n'importe qui.
Elle se rappela que son ex amie était là, et qu'elle allait la perdre à nouveau si elle ne se dépêchait pas d'aller la voir. Elle état accompagnée d'enfants, Eve se demanda s'ils étaient les siens, mais se dit que c'était ridicule, vu son si jeune âge.
Elle se mit à la suivre, elle n'osait pas l'interpeller, et si, finalement, ce n'était pas elle ? Eve se rapprochait de plus en plus, elle pouvait la toucher s'y elle le souhaitait. Mais elle ne fit rien de cela.
Brusquement, Lizzy, ou non, la fille se retourna.
Evy ?
Oui, c'était bien Liz, sa vieille amie, elle l'avait retrouvée, elle n'y croyait pas.
Evelyn pris Lizzy dans ses bras et la serra très fort.
Tu es là Liz, c'est incroyable, tu es là ! Lui dit elle en pleurant presque.
Elle se sentit soudain très ridicule, là, devant tout le monde en pleurant. Elle qui faisait la forte. Mais elle avait trop de choses à dire, trop d’émotions l'avaient submergés, ça devait sortir, elle n'avait pas pleuré depuis la mort de June.

La rouquine n'en croyait pas ses yeux. Elle, ici... C'était si surprenant de la revoir !
Avant de pouvoir comprendre elle se retrouva tout contre à son amie, le souffle presque coupé. Mais elle ne se défit pas de l'étreinte. Elle ne bougeât pas. Tellement de souvenirs refirent surface. Comment tous les étés, le groupe se réunissait dans cette colonie de vacance bas de gamme quelque part au bord de l' Atlantique. C'était tranquille. Tous les ans ils restaient seulement ensemble, soudés les uns aux autres. Ils faisaient ce qu'ils voulaient sans que les dirigeants du centre ne s'en soucient. Après tous, ils s'en foutaient pas mal. Tant que les parents payaient, qu'importe les gosses...
Les autres pensionnaires ne les approchaient pas. Un peu comme s'il craignaient ce drôle de lien que partageaient les "autres". Et pendant un mois, le groupe se retrouvait isolé, comme dans une bulle, coupés du reste du monde dans leur coin perdu. Pendant un mois ils oubliaient tous, se laissaient aller comme si rien ne comptait. Pendant un mois ils devenaient différents, plus légers, plus libres. En osmose totale...
Le retour à la civilisation était toujours une épreuve douloureuse. Crever la bulle n'était pas chose aisée...
Et puis un jour, une des pensionnaires les avaient abordé, assurant vouloir faire partie des "autres". On l'avait tout d'abord rejetée. Les nouvelles recrues ne partageant pas leur quotidien le reste de l'année, on en voulait pas. D'ailleurs la plupart du temps, on ne voulait juste pas de nouvelles recrues tout court.
Cela aurait risqué de "court-circuiter" le groupe.
Mais cette fameuse pensionnaire, ce n'était pas n'importe qui, ça non... C'était Evelyn, et elle semblait bien décidée à s’accrocher. Chaque jour elle restait collée au groupe comme un chewing-gum à une chaussure. Ça en énervait plus d'un, aussi la plupart du temps était elle chassée plus ou moins violemment, priée de déguerpir très loin si elle ne voulait pas d'ennuis. Lizzy faisait partie des plus vénéneux à son égard. Hors de question que cette fille s'incruste.
Mais Evelyn avait persévéré, ne lâchant toujours pas prise. Cela fût long et éprouvant, mais la brune finit pas être tolérée, puis petit à petit, acceptée par le groupe. La rousse faisait partie des derniers sceptiques qui refusaient de garder Evelyn parmi eux. Mais force leur fût bien à tous de constater que la nouvelle c'était bien adaptée, et qu'elle faisait à présent parti à part entière des "autres". D'ailleurs les pensionnaires ne l'approchaient plus. La rouquine apprit à tisser des liens avec elle, se lier d'une certaine affection pour elle. Mais ça, elle ne lui dit pas et encore aujourd'hui ne lui en dira rien. L'amitié est une chose qui se mérite. Pourtant, en Evelyn elle ressent encore le lien si surprenant qui unissait le groupe jadis.
Mais elle semble avoir tant changer... Lizzy aussi n'est plus pareille. Même si au fond d'elle elle est toujours cette pauvre gamine paumée qui tente de ne pas tomber dans un précipice.
La rouquine sent la brune trembler contre elle. Et elle... pleure...
La rousse en est déboussolée. C'est bien la première fois qu'elle voit Evelyn montrer ses sentiments de la sorte...
Dans un élan maternel, la jeune journaliste passe à son tour ses bras autour du corps frêle de la jeune fille.

- Oui, tu as raison. C'est si... inattendu... susurre t-elle d'une voix troublée

Lentement, la rousse finit par se décoller de la brune. Mais les deux sont toujours liées par le contact chaud de leurs mains.
Lizzy esquisse un sourire. Finalement ça lui fait plaisir, de retrouver Evelyn.
C'est comme, dépoussiérer une partie enfouie de son être...

- J'ai l'impression de replonger dans une autre époque. Ça a tellement changé depuis la colonie et le groupe. A présent tous semble diffèrent...

Evelyn regardait son amie, elles se tenaient, main dans la main.
Oui, tu as raison. Que fais tu ici ? Je ne savais pas que tu avais rejoint l'Amérique! Ce que tu es belle, Liz. J'ai tellement de choses à te dire ! Tu vis où ? Et les autres, ils sont avec toi, vous vous êtes séparés ?
Elle n'avait pas eu le temps de reprendre son souffle qu'elle continua à la harceler de questions.
Evelyn avait eu beaucoup de mal à s'intégrer dans ce groupe formé avant ses premiers voyages en Europe. Ils ne "recrutaient" pas de nouvelles personnes, ils étaient soudés, se connaissaient et ne voulaient pas se faire détruire par un inconnu. Elle avait malgré tout insisté et s'était fait admettre au sein du groupe.
Evelyn détestait les autres. Elle les trouvait trop banaux, ils entraient dans le moule de ses jeunes enfants qui avaient tout ce qu'ils voulaient, qui parlaient que du dernier film sorti, qui portaient QUE des marques ou ils étaient jugés, qui ne comptaient que sur les apparences, ce genre de personnes qui ne s'assumaient pas, qu'Evelyn haïssait du plus haut point.
Bref, elle avait été admise au groupe qui était devenu sa deuxième famille, elle attendait toujours ce moment, lors des vacances pour les retrouver, surtout Lizzy, celle avec laquelle avait eu le plus de mal à lier une amitié, mais qui était devenue sincère et très soudée, bien qu'elles ne le reconnaisse jamais. C'était elle qui avait refusé en première l'admission d'Eve. Celle ci essayait tout pour la convaincre, elle regrettait quelques fois de coller autant le groupe, mais s'en félicita plus tard.
Evie essuya les quelques larmes qui lui coulaient, ne laissa pas le temps à Liz de répondre qu'elle l'invita à prendre un verre. Il était mieux de se poser pour discuter. Lizzy accepta et elles se mirent à marcher tout en parlant à toute vitesse. Elles avaient tant de choses à se raconter.
Allons au Starbuck, j'y travaille, se sera gratuit, dit elle en faisant un grand sourire.
La rouquine fit oui de la tête et elle continuèrent leurs bavardages.

Evelyn dite "Evy" semblait excitée comme une puce. La rousse se vit assaillie de questions diverses et variés. Sur elle, la groupe, son arrivée en Amérique. La rousse n'osât pas interrompre son amie pour répondre à l'une de ses questions. De toute manière ça aurait été en vain. Jamais elle n'avait vue la brune dans un tel état. Cela lui arrachât même un sourire en coin. Evy semblait être bien dans sa peau. En tous cas en apparence.
L'autre jeune femme lui proposât d'aller boire un café au Starbuck, chaine réputée pour ses produits de haute gamme souvent aux prix démesurés. Elle y avait été une seule fois avec des collègues. Ayant perdu un paris stupide elle devrait payer la tournée. Son porte-monnaie avait pris cher ce jour là, le pauvre s'en rappelle encore... Et puis Lizzy était plus amatrice de marshmallow à tremper dans du chocolat chaud (un vrai délice). Mais si c'était gratuit, alors elle ne crachait pas sur un petit café mousseux. Les deux filles marchèrent vers leur destination, parlant du temps très agréable après cette assommante canicule. Elles convinrent que la chaleur ne faisait du bien qu'à petite dose, comme pour le froid d'ailleurs. Enfin du moins, étais-ce l'avis de Lizzy. Le bois de ses sandalettes à bas talons martèle le sol. Elle n'en à cure.
Tout en marchant, la rouquine tentât de se remémorer les question de la brune et réussit à en retrouver les premières, et plus importantes du lot.
Ainsi elle expliquât avoir rejoint l'Amérique après avoir été rejetée des grandes écoles et travailler maintenant à la BTV Tower comme journaliste. Elle dit vivre maintenant dans un petit (très petit) appartement en centre vile, à Alley District. Presque un loft en fait. Elle confit également s'être séparée du groupe, mais garder quelques contacts avec certains en France.

- Et toi alors ? A part ton boulot quoi d'nouveau ?

Alors qu'elle pose cette question les deux jeunes femmes arrivent devant l'enseigne géante du Starbuck.

Abandonné & verrouillé