Aiden & Nathaniel

Je parlais je parlais, tentant de captiver mon public par l’œuvre de Victor Hugo, mais après trois heures de cours la plupart de mes élèves commençaient à décrocher et à laisser divaguer leurs esprits. J'en voyais même un qui avait carrément rejoins le pays des songes ! Je continuais quand même mon discours, écouté par quelques irréductibles. J'avouais volontiers que les cours de trois heures n'étaient pas mes préférés, surtout en matinée. Commencer la journée par trois heures d'affilée, sachant qu'après la pause la plupart de la classe n'écoutait plus, c'en était presque décourageant... Mais il suffisait que je jette un coup d’œil dans sa direction, la voir m'écouter, prendre des notes avec attention pour me donner du courage de continuer et pas dire à tout le monde que le cours était terminé ! Un coup d’œil à ma montre, il restait encore bien un quart d'heure avant la fin. Bon c'est bien joli de récupérer sa nuit sur les bancs de la fac mais j'en avais assez. J'appelais l'élève endormi, qui n'eut pour seule réaction de ronfler encore plus fort alors que tout le reste de l'assemblée tourna son attention vers le jeune homme. Sa camarade à coté de lui lui mit un coup de coude dans les côtes ce qui le fit se réveiller d'un bond, encore à moitié endormi. Certains gloussèrent mais je ne perdis pas mon sérieux. Je m'appuya sur le bureau, les bras croisés sur ma poitrine et lui posa une question en rapport avec ce que je venais de dire. Il lui fallu quelques secondes pour se réveiller complètement et il bégaya une réponse à laquelle je ne compris pas grand chose... La prochaine fois évitez de vous endormir en cours. Ça passe pour cette fois mais pas la prochaine ! Et je repris mes dires. Faire le prof salaud qui vire les gens à la moindre contrariété n'était pas vraiment mon truc. Du moment que je pouvais faire mon cours, que ceux qui le voulait pouvaient écouter ça allait. Cinq minutes avant l'heure de fin, la salle se mit à frémir. Ils avaient faim, et moi aussi, et voyaient l'heure de la libération approchée. Autant dire que continuer à parler n'allait aider personne... Je ferma donc mes livres et leur demanda de réfléchir au cours pour la prochaine fois. Le brouhaha envahi la salle en moins de temps qu'il en faut pour dire ouf et les plus pressés sortirent en trombe. Je rangeais mes affaires quand une personne entra dans la pièce au lieu d'en sortir. Une blonde que je connaissais bien maintenant. Hey ! Mais qu'est ce que tu fais la ? On avait prévu de se voir ? lui demandais-je un peu perdu. Je ne me rappelais pas qu'on ait prévu un déjeuner ensemble...

Ça pour une surprise!

Les bruits sourds dans les couloirs, les bips stridents des machines de réanimation, une lumière intense et étincelante, une atmosphère monotone à laquelle Aiden était perpétuellement confrontée. Le vert bleuté de ses yeux atténués par le chagrin d’autrui, son regard tourné en direction d’une personne, avide de vie, mais qui néanmoins, mourrait à petit feu sur le billard. A l’étage supérieur, alors que cette personne décédait de ses blessures, un être immaculé, rose pâle, naissait pour le plus grand bonheur de ses parents. Une mort pour une vie, tel était le dicton – la nature réservait de très belle surprise ; le rythme de la vie, en somme. Elle observait le monde de ses yeux candides, se sentant impuissante face aux catastrophes auxquels était confronté leur pays. Des centaines, voire des milliers de personnes décédaient entre les mains des chirurgiens, ébranlant leur moral au quotidien. Assise dans la salle d’observation qui donnait sur le bloc opératoire, le temps semblait s’être arrêté pour la belle blonde, elle observait encore et toujours cette salle, qui à présent était vide, démunie de vie. Tournant machinalement son café à l’aide de sa cuillère depuis un bon bout de temps, ses membres c’étaient atrophiés, incapable de quitter cette pièce morne. Elle songeait. Aiden songeait à son existence sur cette planète, mettant en doute ses moindres faits et gestes qui l’ont amené à être présente, ici. Son histoire avec cet homme qui ne mènerait sans doute nulle part, ormi tout droit dans un mur. Le choc sera probablement rude, lui ôtant le peu d’espoir qui sommeillait en elle, ou pas. Le drame qui c’était immiscé dans sa vie ne l’aidait guère, au contraire, il avait tendance à la rebuter. Cet homme au regard vicieux qui n’avait pas cesser de la contacter, de lui écrire des lettres de menaces, mais le plus effroyable, son altercation avec cette ordure qui n’avait pas hésitée à poser ses sales mains sur sa peau, son bras. Aiden n’arrivait point à poser des mots sur ce qu’il lui était arrivé, comme si sa parole était anesthésiée. A l’idée d’une éventuelle confrontation à sa sortie de prison lui donnait la nausée, secrètement elle rêvait de l’abattre de sang froid, au risque de perdre sa liberté.

Cette vilaine pensée la fit revenir à la réalité. Dans un élan enthousiaste, la jeune femme se redressa et quitta cette salle après avoir baisser le rideau. Elle s’empressa d’aller jeter son café infâme dans la poubelle et regagna les vestiaires. Devant le majestueux miroir, elle peina à reconnaître le reflet que lui renvoyait ce fameux miroir. D’un geste, elle recouvra sa tenue de ville, quittant ainsi les images souillés qui, rythmaient son travail. Son semblant de monde n’était plus celui des Bisounours. La vie n’était plus un long fleuve tranquille, non, elle semblait être remplie d’embuches qui saccadaient son existence. Son avocate, Taylor, partageait la même souffrance que cette dernière, différente, mais qui les rapprochait néanmoins. Elle menait toute les deux un combat, et les deux femmes s’entraidaient. Puis, il y avait Nathaniel, un homme qu’elle avait rencontré au détour d’une rue, lui aimait une autre femme et, elle s’accrochait à un idéal. Un certain fossé c’était instauré entre eux, son amour interdit pour une élève, son choix par défaut provoquait une certaine amertume chez Aiden. Même si elle ne lui avouait pas qu’elle était au courant de cette sordide histoire, elle lui en était tout de même reconnaissante de ce qu’il avait fait pour elle. Elle regagna son véhicule pour une certaine surprise, une visite à l’improviste, pour déstabiliser Nathaniel. Les vitres ouvertes, elle s’empara de son paquet de cigarettes qui était constamment présent auprès d’elle, elle en était comme dépendante. Ses poumons pris une grosse bouffé de nicotine, alors qu’elle aspirait une profonde tafe. Elle appréciait cette sensation, celle qui détend vos muscles, uns par uns, pour arriver à un état apaisant. Une main crispée au volant, la tête légèrement appuyée sur l’appuie tête, elle voguait en direction de l’université de ce dernier. Son regard ne quittait guère le bitume, les paysages défilèrent à une vitesse grand V, mettant sa propre vie en danger. Arrivée à destination, elle sillonna les couloirs, ses talons résonnèrent dans tous les couloirs, comme un écho. Elle se faufila entre tous ses élèves pour arriver à la hauteur de Nathaniel, avec un sourire badin, la jeune femme lui rétorqua : - « Hum, j’ai l’impression que ma visite n’est pas de bonne augure, je me trompe ? ». Dans un profond soupir, elle ajouta : - « Je pensais simplement que ça allait te faire plaisir, mais visiblement j’étais bien conne de penser cela. » Dans un ultime élan, elle rebroussa chemin dans l’espoir qu’il l’interpelle, qu’il lui dise le contraire de ce qu’elle pensait.

CODE TOXIC GLAM