Anya & Aileen

Lundi, un jour bien énervant et souvent détesté par tout citoyen. Il fallait se remettre du week-end et surtout se concentrer sur son travail de la semaine: une perspective parfois peu réjouissante! Aileen Duncan appréciait tellement son job que venir à l’école primaire en tant que professeur ne la dérangeait pas. Elle devait conduire sa fille de dix ans de toute manière donc elle avait une raison d’aimer se lever chaque matin. Lexie et Aileen possédaient une relation très fusionnelle. Duncan était mère célibataire. Elle tentait de s’en sortir au mieux surtout en matière d’éducation. Or, souvent dit-on, c’est bien plus facile de gérer avec les enfants des autres que les siens. Dernièrement, Aileen avait cédé à un caprice de son enfant comme toujours, Lexie était propriétaire d’un chien maintenant. Enfin… ce matin ce fut la course car la rouquine s’était levée en retard. Alors, il fallait petit-déjeuner en quatrième vitesse. Heureusement que Lexie avait préparé son cartable et ses vêtements en avance. Les Duncan arrivèrent avec cinq minutes de retard à l’école, rien de grave puisqu’elle était tout de même en avance sur l’heure de la sonnerie qui annoncerait l’entrée en classe des enfants. En matinée, Aileen fit des contrôles de connaissances à ses élèves. Ils étaient bons et sérieux en règle générale. La femme n’avait pas à se plaindre. Elle adorait attiser leur curiosité ce qui les rendait plus intéressé par ce qu’ils entreprenaient. Seul un spécimen ne se mêlait pas à ses camarades: Enaëlle, la fille de Eulalie Debussy et de Payton Oak. L’heure du midi arriva très rapidement, Les enfants étaient amenés à la cantine par leurs professeurs. Aileen et Anya avaient prévu de déjeuner ensemble loin de toute cette agitation, elles pouvaient se le permettre. En attendant sa collègue, dans un petit restau sympa près de l’école, la mère de famille se rappelait la première fois où elle avait aperçu Héderváry. Elle l’avait accueilli à bras ouverts pour la guider à travers l’école et lui expliquer les règles principales à respecter au sein de cette établissement assez strict. Elle avait alors trouvé Anya très jeune. C’était admirable qu’elle veuille enseigner les valeurs sociétales et les connaissances théoriques à des gamins qui représentaient l’avenir. Maintenant, la femme prenait toujours des nouvelles de sa collègue. Aujourd’hui elles avaient décidé de parler et faire le point sur leur classe respective. Si elles pouvaient s’entraider, chaque conseil était bon à prendre!

Cela avait été un weekend éprouvant pour Anya. En effet, elle qui aimait habituellement sortir, là, elle s'était rendu chez un ami... Pour l'aider dans les travaux de rénovations de sa demeure. Le dimanche soir, elle était rentrée chez elle couverte de peinture et de poussière et avait du prendre une longue douche pour s'en défaire. Mais pour Anya, ce n'était pas un weekend gâché pour autant : ses amis étaient toujours très importants pour elle, et il y avait de multiples façons de passer du temps avec eux. Certes, elle était la seule femme présente : les petites amies avaient préféré se défiler et/ou faire le tour des magasins pour leur rapporter les fournitures nécessaires. Mais cela ne l'avait pas dérangé, cela avait été son côté garçon manqué qui était ressorti.

Cela avait été tentant de rester dans son lit en ce lundi, mais elle adorait son travail, et malgré qu'elle ait un peu rechigné à se lever les cinq première minutes, elle arriva sans peine à l'heure à l'école, toute souriante. Elle aimait beaucoup les élèves de sa classe. Ils étaient presque tous très gentils et bien élevé. Il n'y en avait qu'un qui faisait parfois sa forte tête. Mais Anya savait comment s'en sortir avec lui. C'est là qu'elle se disait qu'avoir un gros côté garçon manqué pouvait être pratique...

Bref, elle n'était tout de même pas fâchée que l'heure du déjeuner arrive. D'autant plus qu'elle avait prévu de la passer avec son "mentor", Aileen Duncan. Anya se souvenait encore de son premier jour en tant que jeune institutrice, et elle se rendait compte à quel point ce jour était récent quand elle y pensait. Elle avait été bien formée, mais c'était toujours très rassurant d'avoir quelqu'un à aller voir en cas de problème ! Après avoir accompagner les enfants à la cantine, c'était un plaisir de retrouver un peu de calme, et de prendre des nouvelles. Elles pouvaient se voir aux récréations, mais pas forcément discuter tranquille : il fallait toujours garder un oeil sur les petits malins qui essayaient tout de suite de régler leurs problèmes à coups de poing.

Elle arriva donc au restaurant, où l'attendait déjà sa collègue.

« Salut Aileen ! »

La belle Anya Héderváry arriva assez rapidement au lieu prévu. Duncan fut ravie de pouvoir passer un instant avec cette personne plus qu’appréciable. La jeune fille qui venait tout juste d’avoir 25 ans il y avait à peine quatre jours, semblait être une âme généreuse et pleine de bonté: toujours prête à aider son prochain. La rouquine ne lâcherait pas Anya. Dès le premier jour, elle l’avait aiguillé et elle lui avait promis d’être toujours présente en cas de besoin. Alors en cas de problème, la brunette pouvait compter sur son aînée de cinq ans. Les deux femmes discutaient de temps à autre à la récréation quand il s’agissait de surveiller les enfants qui se défoulaient en dehors de la classe. Parfois, elles se retrouvaient à manger à côté à la cantine. Or, s’occuper des gamins en même temps n’aidait pas à construire un lien. Aux fameuses réunions entre professeurs s’étaient également trop la cohue pour pouvoir se parler correctement, le cas des enfants de l’école primaire primait sur toute autre forme de discours. L’enseignement n’était pas un job facile. Il y avait parfois des enfants à la situation préoccupantes, plutôt prenante, et d’autres bien trop énervés pour écouter quoique ce soit. En dix années d’expérience, Aileen n’avait pas fait face à tout mais elle s’en sortait comme une reine car sa classe était toujours récompensée comme étant la plus motivée, la plus calme et la plus érudit. La mère de famille avait ses méthodes qui payaient très souvent. Alors des conseils, elle pouvait en donner: pas sur tous les sujets non plus, juste sur celui de la pédagogie. Présentement, elle était concentrée sur Anya:

- Bonjour, Aileen se leva pour saluer sa collègue. On s’installe en terrasse, il fait bon: ça te va? Elle marqua une légère pause en attendant la réponse de son interlocutrice. Tout sourire, elle continua: Tu as conduis tes élèves à la cantine? Comment ça se passe en classe? Tu ne rencontres aucuns soucis? Elle reprit: Ce midi, on a tout le temps de discuter. C’est agréable de pouvoir déjeuner sans bruits.

Anya fit un grand sourire à sa collègue qui l'avait saluée. Aileen avait proposé la terrasse, ce à quoi la jeune femme répondit par la positive. il était vrai qu'il faisait un temps magnifique et il aurait été dommage de rester enfermé. Elle répondit également aux autres questions, à savoir si elle avait conduit ses élèves, si tout se passait bien et si elle rencontrait des problèmes avec eux. Anya n'eut pas vraiment à réfléchir à une réponse, alors qu'elles s'installaient. La jeune institutrice s'occupait des élèves les plus jeunes de l'école, cela lui convenait très bien, et bien qu'il y avait parfois des accros sans gravité dus aux petits caractères de chacun, tout se déroulait toujours à merveille. Le moins que l'on pouvait dire, c'est qu'elle était très épanouie dans son travail.

« J'ai bien emmenés les petits et veillé à ce que tout soit en ordre ! Aujourd'hui, comme d'habitude, tout se passe bien. Il y aurait peut-être le petit Terry qui pourrait quelque fois poser quelques soucis, mais j'ai trouvé le truc avec lui. Et puis je pense que le divorce de ses parents y est pour quelque chose. »

La brunette se rendit compte avec un petit sourire coupable qu'elle ne pouvait s'empêcher de parler de ses élèves. Après tout, elle passait quand même du temps avec ces enfants, et chaque années scolaires terminées, ça lui faisait un petit quelque chose de ne plus s'en occuper. Et ce malgré le fait qu'ils restaient élèves à l'école et qu'elle obtenait de nouveaux petits "protégés". Certes, dans le cas présent, elle en parlait avec une autre institutrice, une collègue de surcroit, mais ça la prenait parfois aussi de parler de ces chères petites têtes blondes avec des amis totalement étrangers à l'école. Anya n'avait pas encore d'enfants à elle, mais elle pensa avec ironie que si un jour elle en avait, elle serait bien ce genre de parents à tout ramener à leurs gosses...

Aussi répondit-elle finalement à la remarque de sa collègue. Elles pouvaient peut-être discuter d'autre chose que le boulot, bien que cela ne dérangeait pas vraiment Anya d'en parler.

« Enfin bref... Tu as raison, c'est sympa de pouvoir être au calme parfois ! »

Les deux collègues étaient installées en terrasse. La serveuse arriva très rapidement pour prendre les commandes. Elle coupa donc la conversation entre Anya et Aileen. La rousse commanda un pichet d’eau et une salade composée assez légère. Ce fut au tour de la brunette de dire ce qu’elle prendrait. Duncan n’avait pas grand appétit par ce beau temps, elle se contentait d’une entrée. L’eau servait à rafraîchir et à hydrater les bonnes âmes. La mère de famille en revint à la discussion en cours. C’était plaisant de converser à l’extérieur, sous ce beau soleil, sans le bruit: les deux femmes profitaient de cet instant de répit. Le calme avant la tempête. Anya semblait si épanouie en parlant de son travail.

- C’est bien car par ce temps ils sont tous un peu énervés. Tu ne trouves pas? Ils sont foufous, leur envie d’aller en cours de récréation double et leur concentration en classe baisse. C’est pour cela que je fais classe dehors. Je leur propose aussi des jeux ludiques entre deux leçons et le tour est joué. La rouquine aimait partageait ses méthodes parfois controversées. Ses collègues disaient de ‘Leen qu’elle était une personne atypique, une professeur très originale. Terry, je l’ai vu l’autre jour. Il a frappé un enfant de ma classe qui a au moins quatre ans de plus que lui: il est terrible! Cela explique tout. Enaëlle, une de mes élèves, est aussi perturbée pour la même raison. C’est triste! Ils réagissent pas tous de la même manière face à ce fléau. Quand tu y penses, un divorce sur trois, ça fait mal! Aileen était mère célibataire donc elle connaissait les difficultés sous-jacentes à ce genre de famille: un manque d’autorité, une tendance à surprotéger et gâter sa progéniture, etc. Anya n’avait pas de gamins lui appartenant si les souvenirs de la rousse étaient encore valables. La prof embraya sur un autre sujet. Comment tu vas? Une question… un peu bête j’avoue, tu es célibataire? L’autre jour je t’ai vu te balader avec un homme, je vous ai trouvé proche. Je te voyais bien en couple avec lui après si tu n’as pas envie d’en parler… c’est à toi de me le dire. Je me demande de quoi sont constituées tes journées. Quand j'avais ton âge, ma fille avait cinq ans et j’avais pas de temps pour moi. Alors je me pose la question: c’est quoi vivre sans trop de contraintes? Pardon pour ma question très idiote. Aileen riait légèrement.

Il était midi et elle devait faire cours cet après-midi, Anya se contenta donc d'eau, même si malgré la chaleur, elle se serait bien bu une petite vodka. Pour retomber de nouveau dans le stéréotype de la russe qui ne boit que ça, bien sûr ! De plus, il était clair que si elle avait été une enfant et pas une institutrice responsable de vingt-cinq ans qui se doit d'avoir une alimentation un minimum saine, équilibrée et ordinaire, elle aurait commandé une grosse glace. Parce que la température ambiante ne lui donnait pas vraiment envie d'une pizza, bien qu'elle adorait cela... Bref, la jeune femme se contenta donc d'une salade composée un peu différente de celle de sa collègue. Et même si l'opinion d'autrui sur elle ne l'affectait guère, elle devait bien admettre qu'elle préférait passer pour quelqu'un de normal, plutôt que pour une femme bizarre.

Une fois les commandes effectuées, la conversation revint donc. Aileen lui fit remarquer que les enfants étaient plus énervés ces temps-ci, et Anya ne pu qu'acquiescer. En tous cas, elle remarquait toujours que les méthodes de sa collègues étaient un peu différente de celles des autres instituteurs, ce qui plaisait assez à Anya, en fait, il fallait bien le dire. La jeune femme glissa d'ailleurs sa propre expérience dans la conversation, ayant été élève dans l'école où elle enseignait aujourd'hui.

« Le garçon manqué que j'étais aurait sans doute adoré t'avoir en tant qu'instit' ! Qu'est-ce que j'ai pu causer du soucis à mes profs quand j'étais élèves... »

Elle rit un peu à ce souvenir. En maternelle et primaire, Anya se prenait quasiment pour un garçon, participant toujours aux bagarres et parlant d'elle au masculin...

Et puis Aileen répondit au sujet du petit Terry. Anya se mordit la lèvre. Elle avait eu vent de cette histoire. Et puis son mentor embraya sur une élève de sa propre classe, Enaëlle, qui était dans le même cas, en sans doute moins violent. Ce phénomène de divorce, c'était quand même horrible... Peut-être encore plus pour un enfant, qui comprend bien plus de chose que l'on veut bien le croire.

Aileen changea de sujet. Cela ne dérangea pas plus que ça Anya, même une question sur sa situation amoureuse... Cependant, le fait qu'elle évoque le fait de l'avoir vu avec un homme, et surtout d'avoir pu penser qu'ils formaient un couple lui parut assez étrange pour le coup... Elle réfléchit, pour savoir avec qui Aileen avait pu la voir. "L'autre jour", hm... Elle pensait bien à un homme mais... Histoire d'en avoir le cœur net, elle lui répondit.

« Hm, non, ça ne me dérange pas spécialement... C'était quel jour ? Ou alors où...? »

Elle prit conscience que ses mots faisaient un peu "je me balade avec tellement de types que ça pourrait être n'importe lequel, mais en fait, elle avait beaucoup de potes. Même si ces temps-ci, elle ne se baladait pas tant que ça avec eux en "privé".

« Enfin... Non, ça ne me dérange pas de parler de ça, c'est juste un peu inattendu ! Quant à vire sans contraintes et bien... Je dois bien avouer que je n'ai pas à me plaindre, je suis libre comme l'air, je pourrais presque affirmer que je m'amuse comme une petite lycéenne sans les inconvenants de l'âge qui vont avec... Mais parfois... Je me sens seule quand je rentre chez moi. »

Elle marqua une pause, un peu pensive.

« Et toi ? Tout va bien ? Ta fille aussi ? »

Bien qu'elle n'ai jamais vraiment eu beaucoup de contacts avec la fille d'Aileen, Anya prenait des nouvelles de Lexie quand sa collègue et elle se voyait. c'était normal après tout.

Aux dires d’Anya. Aileen tenta de se souvenir à quoi elle ressemblait à l’époque de la primaire. Les photos restaient les seuls témoins du passé. Époque lointaine. Aileen Duncan, véritablement Caitlyn O'Donnelly, naquit à Santa Monica en Californie de parents avocats. Elle vivait avec sa grande sœur Trinity, son opposé. Les deux enfants habitaient chez leur mamie tant leurs géniteurs enchainaient les affaires aux barreaux, elles les voyaient seulement le week-end. La rouquine comprit la nécessité de rester chez sa grand-mère qu’elle aimait tant. La dame âgée donna le goût de la découverte à sa petite-fille. Aileen était une enfant dynamique, un peu casse-cou, intelligente, pleine d’humour, et plutôt attachante. Présentement, la jeune femme se ressaisit pour répondre étonnée à son interlocutrice:

- Toi? Un garçon manqué? Je ne te crois pas! Sa mine surprise était visible. Elle ne mentait pas, ‘Leen avait du mal à imaginer la brunette en mode « garçonne et bagarreuse ». En tout cas, ton compliment me touche. Il me va droit au coeur. Je n’aurai fait qu’une bouchée de toi, plaisanta-t-elle. Les sujets personnels étaient décidément de mise. Comme tu veux je ne te force pas à en parler. C’était cette semaine, il était 19 heures je pense. Je me dirigeais chez une amie qui tient un bar: tu connais Maddison Wight? Elle possède le Shooter. Anya démontra tout son étonnement face au thème abordé. La rousse s’en voulait légèrement d’être trop curieuse. Parler d’autre chose que les classes pouvait être intéressant. Navrée… . Arrêtes-moi si je vais trop loin. Quand je suis partie, je suis partie. La jeune femme sourit chaleureusement. Elle espéra ne pas trop en faire. Quand certains trouvaient son caractère attachant, les autres le jugeait plutôt saoulant. Tu dois être très appréciée. Saches que profiter est un luxe, assures tant que cela dure. Waouh je fais des rimes! Ça devint dingue, plaisanta-t-elle de nouveau. Tu as de la chance de pouvoir être libre! Je regrette parfois cet aspect de ma vie, crois-moi ça remonte pourtant je n'ai pas quarante ans. Elle marqua une légère pause. Oui ça va bien. Ma fille est épuisante tant elle cherche à en connaître le plus possible sur la vie, tu la verrais: elle est extrêmement curieuse et motivée. La serveuse arriva pour déposer les commandes.

Abandonné, verrouillé & archivé.