Constance Rebecca Swanson avait besoin de se rendre à l’autre bout de la ville, la jeune brunette avait reçu un appel de la part de Aileen Duncan pour aller garder sa petite fille. Ce n’était certainement pas le job que Constance adorait le plus, mais elle appréciait tout de même ce job, ce n’était pas très compliquée. Il était vrai que Swanson n’avait jamais été douée pour conserver un job, mais elle aimait bien la petite Lexie et pour le moment, ça lui convenait. Tant qu’elle avait un chèque de paie, tout était parfait. Aujourd’hui, Constance n’avait pas trouvé les fonds nécessaires pour se payer un bus, alors elle dût se débrouiller par elle même et débarqua chez les Duncan en retard. Elle reçut les commentaires de la mère de famille, mais conclut quand même le début d’avant-midi jusqu’au retour de Aileen. Constance se retrouvait dans une situation plutôt maladroite. Elle reçut quelques billets, mais ce n’était pas réellement assez. Elle paya son billet de bus et conserva le reste pour faire un arrêt à l’épicerie, elle aurait sans doute la chance de manger pour le souper et le petit déjeuner demain, ce qui était déjà ça. La brunette prit finalement place à l’intérieur du bus, totalement dépourvue par la situation. Constance se laissa tomber, posa son visage entre ses mains où elle lança un énorme soupir de découragement. La jeune femme n’en pouvait plus de cette vie merdique. Elle avait besoin de trouver un moyen de se faire d’avantage d’argent. Elle avait des dettes immenses sans parler que le mois terminait et qu’elle devait payer son loyer, ce qui était presque chose impossible pour l’instant. Constance leva les yeux et passa une main dans sa longue chevelure, repoussant ceux-ci vers l’arrière. La brunette ne savait tout simplement pas ce qu’elle ferait. Elle regardait le sol, lançant des soupirs de découragement. La belle s’ennuyait du moment où elle avait un compte en banque et pouvait faire tout ce qui l’intéressait lorsque l’envie lui prenait. Pourquoi s’était-elle lancée dans des études en médecine pour commencer, c’était absurde, elle n’était pas assez dévouée pour compléter d’aussi longue étude.

Ce n'était pas dans l'habitude de Johanna de prendre le bus. A vrai dire, elle aurait largement pu s'en passer. Elle avait largement les moyens de prendre un taxi ou de se louer une limousine privée qui l'amènerait partout. Mais elle avait besoin de sortir, de voir du monde. Aussi, c'est pourquoi ce matin là, elle se décida à prendre le bus, après que Greta, sa femme de ménage, l'ai foutu dehors. Johanna aimait bien Greta, qu'elle considérait presque comme une seconde maman, ce qui était d'ailleurs réciproque. Celle ci avait accepté d'habiter chez elle après la mort de sa mère et de déménager avec les Gilbert à Détroit, s'occupant de Johanna pendant les déplacements pour son père. Greta était originaire d'Europe du sud, plus précisément du Portugal, et elle conserve un fort accent marqué. Avec elle, Johanna se sentait tout le temps en sécurité, et également un peu moins seule. Pourtant, aujourd'hui, Greta l'avait foutu dehors, si ces termes étaient possibles, afin d'effectuer un nettoyage complet de l'appartement. Il fallait dire que Johanna n'avait rien fait pour garder beau son appartement depuis ses derniers mois, et elle laissait volontiers toutes les taches ménagères à sa gouvernante.

Ces donc sur ces pensées obscures que Johanna prit le bus, le matin. Elle se balada un peu dans Détroit, marchant dans des parcs, observant la beauté de la nature par ce doux et beau soleil de juin, sourit en voyant des enfants sautiller autour de leurs parents, réclamant trop de choses à la fois. Johanna aimait bien les enfants, mais elle ne se voyait pas en avoir, tout d'abord car elle se savait lunatique et qu'elle ne supporterait pas l'hyperactivité des enfants en bas âge, et ensuite car elle n'avait pas envie de leur imposer son actuelle déprime.

Elle failli louper son bus du retour et courut à perdre haleine pour l'attraper. Le bus était vide, excepté une fille, assez jolie, brune, qui était assise au fond du bus, la tête baissée. Elle semblait totalement désespérée, telle était le mot. D'ordinaire peu bavarde, Johanna s'en fut pourtant s'assoir à côté d'elle. Elle ressentait de l'attirance pour cette fille comme si lui parler allait pouvoir la soulager et lui ôter ses problèmes personnels.

- Bonjour, dit elle simplement en s'asseyant sur le siège à côté de celle de la jeune brune. Son ton était amical et elle espérait que sa mine fatiguée, surtout après une course pour attraper ce foutu bus, ne rebuterait pas l'inconnue.

Constance venait d’entrer dans ce bus en direction de sa résidence. La jeune brunette avait reçu un appel dans la matinée pour lui demander si elle était libre pour garder la jeune Duncan. Évidemment, de se réveiller à cette heure-là, n’était certainement pas ce que Constance préférait, surtout qu’elle avait travaillé jusqu’à trois heures au Shooter la veille. Le point positif, c’est qu’elle aurait un peu plus de blé pour passer la semaine, sachant que son loyer devait être prochainement dût. La belle brune décourageait plus que jamais, elle se trouvait présentement si stupide. Habituellement, Swanson avait une facilité étrange à prendre la situation à la légère et à accepter son statut, mais en ce moment, elle ne se sentait pas trop bien face à tous ses problèmes qu’elle avait sur les épaules. Le plus drôle dans cette histoire, c’était que ses amis et sa famille de Spring Harrow ne connaissaient pas du tout son terrible secret. Même Jessica, sa meilleure copine croyait qu’elle étudiait toujours à l’université et qu’elle vivait aisément dans un bel appartement de Detroit, faux, elle avait tout lâcher et la menteuse ne pouvait pas s’attendrir et tout révéler aux autres. Elle avait créé une très mauvaise impression chez sa famille avant de déménager et elle ne souhaitait pas paraître encore plus idiote qu’elle ne l’était déjà.

Enfin, Constance était assise dans ce bus, à se demander péniblement si la vie serait meilleure dans un avenir proche lorsqu’une autre femme entra à l’arrêt suivant. Swanson était prise dans son angoisse, mais dès que la jeunette l’interpella de manière sympathique, Constance ne put la laisser de côté. Elle leva la tête d’un coup, passa une main dans sa chevelure et afficha un grand sourire qui ne cachait tout de même pas les problèmes de sa vie. « Bonjour ! Vous allez bien ? Désolée de paraître dépressive, voilà, Hop Hop, j’ai le sourire ! » Dit-elle de manière amusée en pointant son sourire grandissant. Elle avait toujours eu une personnalité débordante de joie, elle ne pouvait pas paraître ainsi devant les autres, mais on voyait bien qu’il y avait un malaise dans sa vie malgré son sourire débordant d’enthousiasme.

Il y a deux types de personnes dans la vie. Ceux qui refusent d'accepter la douleur, qui l'enterre, qui la cache, qui essayent d'aller de l'avant. Qui vont de l'avant. Qui refusent de se laisser abattre par la souffrance. Et puis il y a les autres. Ceux qui laissent la douleur les envahir, qui ne cherchent pas en eux la force de la comprendre et de l'annihiler, ceux qui sont faibles. Jusqu'à présent, Johanna s'était toujours placée du côté des personnes fortes. Elle méprisait les personnes qui étaient dépressifs, qui se laissaient aller à leurs malheurs, qui noyaient leurs chagrin dans l'alcool, les drogues ou tout autre addiction. Malgré les difficultés de sa vie, elle avait toujours retrouvé un nouveau souffle, un espoir, une force. Mais en ce moment,elle était tout sauf forte. Elle se laissait aller, elle ne prenait pas soin d'elle, elle avait même abandonné la fac de droit dans laquelle elle était. Son père l'aurait sans doute morigéné mais justement ! Il n'était plus là et Johanna se sentait abandonnée. Et par dessus le marché, elle passait des jours atroces dans son appartement, à cause de son horrible voisin Braeden qui faisait tout pour lui pourrir la vie.

Ce fut sans doute pourquoi Johanna fut agréablement surprise lorsque la fille releva la tête, sourit – tristement certes mais sourit tout de même – et lui parla de manière amicale. Elle n'avait pas hésité à laisser sa tristesse de côté. A contrario, Johanna devait paraître négligée, elle qui avait des vêtements passés de mode et qui n'était pas maquillée. Cependant, Johanna sentait la tristesse qui émanait de la fille assise à côté d'elle et qu'elle tentait vainement de cacher. Elle avait d'ailleurs toujours eu ce don, précieux, de sentir les sentiments des autres, qu'ils les cachent ou pas. Elle avait alors le choix : se concentrer sur la tristesse de l'autre fille ou alors, aller de l'avant, et s'engouffrer dans la brèche qu'elle lui tendait. Le choix ne lui prit pas deux secondes.

Eh bien, effectivement tu as bien le sourire. Dit elle gentiment en souriant. Enchantée de faire ta connaissance, moi c'est Johanna. Ajouta-t-elle en tendant sa main.

Elle n'avait pas précisé son nom de famille pour une raison simple : tout le monde a Détroit connaissait son père, et l'empire que les Gilbert avait construit. Si la fille ne l'avait pas reconnu au premier abord, c'était soit qu'elle ne lisait pas beaucoup la presse, soit que Johanna était vraiment dans un état lamentable. Et quoi qu'il en soit, valait mieux paraître être une inconnue comme les autres.

Lorsqu’on était au fond du gouffre, lorsque les dettes prenaient le dessus et qu’on ne pouvait plus du tout s’en sortir et vivre normalement comme on l’avait toujours fait, ça devenait malsain et lassant. Pour Constance, ce cercle vicieux ne semblait pas vouloir se resserrer et laisser la place à quelque chose de meilleur pour l’instant. Elle se sentait faiblir face à toute cette pression. Il lui arrivait souvent de ne pas manger par manque de fond. Elle ne souhaitait pas aller dans des soupes pour clochard, mais si cela continuait ainsi, elle allait devoir se rendre jusque-là. Swanson n’arrivait tout simplement pas à croire qu’elle avait plongé aussi bas et jamais elle ne s’en sortirait sans aide. Si elle le souhaiterait, à Spring Harrow, elle avait beaucoup d’amis et de la famille, mais elle ne voulait pas demander de l’aide à qui que ce soit de là-bas, déjà qu’elle ne parlait plus à son paternel depuis son remariage et la honte qu’elle s’était prise lors de la cérémonie, mais en plus de cela, elle cachait ses problèmes à tout le monde. Elle appréhendait le moment où l’un d’eux débarquerait en ville sans prévenir pour la voir. Rebecca espérait seulement que ça n’arrive pas. Si elle recevait un appel de ce genre, elle pourrait s’arranger avec une amie pour créer une fausse impression de belle vie dans un appartement potable et un compte en banque régulier d’étudiant, mais en ce moment, c’était la galère et elle décourageait beaucoup, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Constance avait toujours le sourire aux lèvres et une joie de vivre éminente, profitant de chaque détail de la vie pour être heureuse. Lorsqu’elle se fit aborder par l’inconnue, Constance lui fit un grand sourire, ce qui sembla amuser la blondinette.

« Enchantée Johanna, ça fait plaisir de rencontrer quelqu’un de sympa… vous allez dans quel secteur ? » Demanda la brunette pour amener un peu la conversation. Elle ne l’a connaissait pas, sachant que Swanson n’avait pas les fonds pour s’acheter le journal ou avoir le câble. La dernière fois qu’Elle avait trouvé un exemplaire de journal, elle l’avait utilisé pour camoufler le trou qu’elle avait fait par erreur dans la porte de sa salle de bain. Enfin, elle continua à sourire à Johanna et ajouta. « Désolé de poser ces questions emmerdantes, je suis pas trop top en ce moment, mais j’essaie de sourire malgré tout ! » Elle se tapa la tête, mais reprit le sourire aussitôt.

Abandonné, verrouillé & archivé.