Ce fut une totale surprise. Quoique non, le mot précis serait plutôt stupéfaction.

Comme presque tous les matin, avant 6h, c'est moi qui conduit pour nous rendre, mon oncle, ma tante et moi, au Fingertips. En tournant à l'intersection, j'éprouve un certain malaise. Je ne sais pas pourquoi la vue du Fingertips au loin me donne la chaire de poule. Je sens mes cheveux se hérisser sur ma nuque. Plus nous approchons, plus mon malaise grandit et je me rend compte que c'est parce que devant la façade de notre boutique, il y a quelques personnes attroupés. Nous nous demandons bien ce qu'ils font là. Je laisse mon oncle et ma tante descendre de la voiture le temps d'aller la stationner. J'entends vaguement dire que nous nous sommes fait cambrioler. Oh, Déesse. Un cambriolage. Je me demande bien ce qu'ils ont pu prendre. Non pas que ce que nous vendons n'a aucune valeur, mais la marchandise ne sera pas si aisé à revendre illégalement. Mais bon, ça signifie que je vais devoir refaire l'inventaire de la librairie, de la boutique et du salon de thé. Du coup, ça me met en rogne beaucoup plus que la simple constatation d'avoir été cambriolée.

Je gare donc la voiture et je reviens d'un pas rapide vers la boutique. En arrivant, je constate l'ampleur des dégâts. De un, ils ont fracassé le verre de la porte. Nous avons un système d'alarme sur l'ouverture de la porte rustique, mais pas de détecteur de mouvements. Du coup, je me dis que ce serait peut-être bien d'investir dans un détecteur de mouvements. Avec les vénitiennes fermées, ils ont eu tout le loisir de se balader dans le Fingertips. Ma tante vient de déverrouiller et de désarmer le système. Ça n'a pas été très utile pour ce coup.

- Je ne crois pas que tu devrais entrer, Agatha.
- Quoi ? Pourquoi ? réplique ma tante qui, à ce que je vois, est dans tout ses états.
- Pour la police, Agatha, pour la police.
- J'ai appelé la police, annonce un habitué du Fingertips. Un anglais d'origine, très âgé, qui vient prendre un thé tous les après-midi, avec son épouse, à quatre heure tapante.
- Oh, merci Monsieur Caine.
- J'ai voulu accélérer les chose, dit-il de son accent typiquement anglais, Je me suis dit que ces choses là prennent du temps et que quatre heure sera vite arrivé.

J'adresse un regard attendrit à Monsieur Caine. Je sais qu'il a le mal du pays et que le thé que nous lui préparons tous les jours lui fait tant plaisir. Il dit que ça goûte comme quand il était jeune.
- Si nous ne pouvons pas ouvrir la boutique aujourd'hui, j'irai vous porter votre thé à 4h, monsieur Caine, pour vous remercier.

Mes grands-parents Jenkins sont des anglais typique. Surnaturels, sans doute, mais ils affectionnent le bon thé et ils le préparent à la perfection. Je suis un quart anglaise, un quart écossaise et à moitié américaine. Nous avons été élevés avec un anglais prononcé à la maison, mais évidemment, les petits enfants Jenkins ont rapidement perdu l'anglais pour l'américain.

Personne n'entre donc dans la boutique, sauf ma tante le temps de désamorcer le système d'alarme. D'ailleurs, il nous faut tout notre sens de la persuasion pour empêcher ma tante d'entrer et de faire un peu de ménage avant que la police arrive. Elle semble avoir du mal à supporter le fait que la police va voir la boutique dans cet état. Nous arrivons in extremis à la garder dehors quand la police arrive. C'est d'abors un patrouilleur qui s'approche. Il nous demande qui sont les propriétaire, qu'est-ce qui s'est passé, mais nous n'avons pas grand chose à raconter, nous n'étions pas là. Il nous pose quelques questions avant de finalement entrer. Nous entrons derrière lui, silencieusement, comme si nous étions encore inquiet. Nous restons dans le salon de thé le temps qu'il fasse une inspection sommaire des lieux. Tante Agatha est visiblement ébranlé par le capharnaüm qui règne dans la boutique. Mon oncle semble calme, quoique peiné.

Pour ma part, je suis furieuse. Furieuse qu'un intrus ait osé pénétrer dans un endroit qui ne lui appartient pas et d'y avoir mis un tel fouillis. les vitrines sont fracassées, les tables et les chaises sont renversées. Il y a des livres sur le sol, partout. À regarder tout ça, je me dis que ça m,étonnerait qu'il y ait eu vol. Ou alors e sera des bagatelles. Je ressens de mauvaises vibrations. Le vol n'est pas la mobile de ce désordre. Quelqu'un, ou des gens sont venu ici pour vandaliser. De la destruction pure et réduite à sa plus simple expression. Briser, détériorer, démolir et détruire pour le plaisir. Aussitôt, j'imagine des gamins, mais en y réfléchissant deux secondes, je doute que ce soit des gamins. Ce sont de jeunes adultes, j'en suis certaine.

Durant plusieurs minutes, nous restons plantés dans le milieu de la salle, à observer le désastre, tout en retenant ma tante. Elle aurait voulut tout nettoyer tout de suite. Il fat attendre, au cas où il y aurait des indices.

- Tout doux, Agatha, dis-je en lui prenant les mains. Regarde-moi, et respire, que je lui ordonne d'un ton doux n voyant la panique et l'énervement la gagner.

À nous deux, nous prenons une grande respiration. Je me concentre pour lui donner de l'énergie bénéfique. Elle ferme les yeux, c'est bon signe. Je ferme les yeux à mon tour et je visualise mon énergie qui passe de moi à elle. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir que mon oncle s'est joint à nous, sans doute en posant les mains sur les épaules de sa soeur. Je sens son énergie filtrer en nous.

Quand j'ouvre les yeux, c'est parce que j'entends qu'on marche sur les débris de verre. Une femme vient d'entrer. Ma tante est beaucoup plus calme, elle lui sourit.

- N'es-tu pas une petite Wellington, toi ?

Je souris à mon tour. Oui, je la connais. Ses parents habitaient notre quartier quand j'étais jeune. Elle était de l'âge de ma cousine.

Jane Julia Wellington remplissait des papiers au poste de police. Pour tout dire, la belle lieutenante de police à la criminelle préférait un peu de calme en ce moment. Habituellement, la virtuelle lesbienne adorait danser et boire jusqu’aux petites heures du matin, matraquer les brigands et s’amuser, mais depuis qu’elle avait appris le cancer au cerveau de sa petite amie, c’était une toute autre chose. Le silence et les papiers lui plaisaient beaucoup plus, cela lui permettait de se détendre et de réfléchir, mais bon, ce n’était pas le calme total qui gagnerait le reste de sa journée sachant qu’un appel fit passer au poste. Jane répondit et quitta aussitôt le département de police vers une petite boutique de Woodward Avenue – à quelques pas de la pâtisserie de Leslee, sa copine – à bord de son camion noir. JJ roula une bonne dizaine de minute, sachant que le trafic ne s’arrêtait en pleine matinée. Elle était habituée, après tout, la belle brunette vivait à Detroit depuis toujours, elle adorait la grande ville et jamais elle n’irait s’enfermer dans un bled pourris. La délieuse lieutenante – bien que plutôt vulgaire – se stationna devant la boutique et y verrouilla sa camionnette. Elle avait sur un dos un complet peu féminin noir et bleu marin et avait choisis de laisser ses cheveux lousses tombant sur ses épaules. Un badge de lieutenant était attaché à sa ceinture ainsi qu’une arme à feu. Elle jeta un coup d’œil aux dégâts et serra les dents jusqu’à ce qu’elle vit les Orchard, un couple qu’elle connaissait depuis un moment ainsi que toute leur famille. JJ sourit et ajouta. « Ouaip, je suis bien une Wellington ! Je me souviens bien de vous ! » Elle sourit de pleine dent, malgré la délicatesse de la situation. « Ils n’y ont pas été de main froide ces enfoirées ! » Elle continua à sourire, mais serra les dents en même temps, démontrant un certain malaise face à la phrase qu’elle venait de balancer. Elle vit aussitôt Norah et s’approcha. « Norah ! » Elle lui fit un petit hochement de tête et lui tendit la main. « Bon, dites-moi ce qui s’est passé ! »

C'est fou à quel point certains désastre peuvent amener de bonnes choses. L'inspecteur qui vient enquêter sur notre vol n'est nulle autre que Jane. Je croise souvent Jane, un peu partout en ville, mais nous n'avons pas le temps de bavarder. Je la connais depuis qu'elle est en âge de venir jouer à la maison. Enfin, je la connaissais d'avantage quand nous étions enfants. Maintenant, nous nous croisons, nous nous disons bonjour, nous échangeons quelques mots, mais sans plus. Et il faut des événements comme ça pour nous faire se rencontrer. Encore une fois, nous n'aurons peut-être pas le temps de bavarder, de refaire connaissance. Mais la vie est comme ça. Je suis bien contente que ce soit elle qui ait été envoyée ici.

- Oh, bonjour Jane ! C'est un plaisir de te revoir. Dommage que ce soit dans te telles circonstances.

Et je serre la main de Jane, assez vigoureusement, parce que je déteste les poignées de mains molles et sans convictions. Par habitude, parce que souvent, lorsque je serre des mains, c'est surtout pour les réconforter, je lui prend la main avec les deux miennes. Je sais que certaines personnes n'aiment pas cette manière de faire. Certaines personnes ont l'impression que je les capture. D'autres, plus tourmentées sans doute, prétendent que je leur ai jeté un sort et que je viens de le sceller. Évidemment, ils ont tous faux. Ce n'est rien de plus qu'un peu de réconfort, un peu d'empathie. Quoique pour le moment, on pourrait croire que c'est moi qui aurait besoin de réconfort. Mais je vais bien. Ce n'est que du matériel. Ni moi, ni mon oncle, ni ma tante n'ont été blessés, pas plus que nos clients. Déesse, c'est la seule chose qui importe.

- Je dois t'avouer, Jane, que je n'en sais rien.

Je jette un coup d'oeil à ma tante, qui tord sa chemise presque honteuse de laisser voir le Fingertips dans cet état. Mon oncle, lui, du regard semble faire l'inventaire du matériel abîmé. Ni l'un ni l'autre ne me sont d'un grand secours pour répondre aux questions. Je répondrai donc moi-même.

- Nous sommes arrivés ici il y a à peine 30 minutes et tout était déjà dans cet état. Un voisin et client avait déjà appelé la police quand nous sommes arrivés et il y avait un petit attroupement, dont Monsieur Caine, devant la vitrine. Et je désigne la vitrine d'un vague geste de la main. Je suppose qu'ils sont entrés en fracassant la vitre de la porte. J'hoche la tête. Nous avons un système d'alarme sur l'ouverture de la porte, mais pas de détecteur de mouvements à l'intérieur. Pas de caméra non plus.

Ils ont du s'en donner à coeur joie pour fracasser la vitre de la porte. Celle-ci est tout de même renforcée avec un fin treillis métallique. Je suppose que ce n'était pas assez décourageant pour les empêcher d'entrer. Je jette un regard circulaire à la pièce. Je ne suis plus aussi furieuse, mais je suis très contrariée. Comment ont-ils osé faire tant de dégâts !

- Nous sommes entrés seulement lorsque le premier patrouilleur est arrivé. Je ne peux pas t'en dire plus que ça pour le moment.

Je secoue tristement la tête.

Jane J. Wellington faisait son boulot du mieux qu'elle ne le pouvait. Déjà que l'enquête des meurtres en série lui prennait beaucoup de temps libre, la belle se devait d'agir comme flic également à travers la ville. Peut-être bien que ce crime avait un lien avec certains des meurtres, on ne pouvait jamais savoir. Habituellement, elle était appelée surtout lors des meurtres, mais les vols pouvaient faire partie de son département lorsqu'elle était en service libre. JJ connaissait très bien les Orchard, ce qui lui faisait plaisir de pouvoir parler avec Norah et sa famille. Elle s'entendait bien avec la jeune depuis toujours même si elles n'avaient pas réellement la chance de se cotoyer souvent depuis un temps. Elles avaient une vie de leur côté et Jane ne vivait plus dans le secteur. Elle avait un appartement depuis plusieurs années sur Woodward Avenue, proche de la pâtisserie et l'appartement de sa petite-amie. « Oui, c'est dommage, votre boutique est dans une sale état... » La lieutenante marcha tranquillement observant autour d'elle tout ce qui avait été détruit. « Vous voyez des objets spéciaux et de valeurs manquantes ? » Demanda la policière pour en apprendre un peu plus. Sinon, son amie lui parla un peu de ce qu'elle avait vue en arrivant pour l'aider à avancer dans son enquête. « C'est pas bien grave Norah, je suis certaine que mon équipe trouvera quelque chose d'intéressant pour retrouver le voleur, en espérant qu'il n'aille pas déjà tout revendu... sinon, qu'elle est la vitrine brisée ? » Dit-elle pour en savoir plus, elle gribouillait quelques détails sur un bout de papier qu'elle venait de sortir de sa poche. Elle avait besoin d'obtenir le plus d'information possible sur tout ça.

ABANDONNÉE