William avait entamé sa journée comme toutes les autres, sans se douter qu'elle lui apporterait quelques surprises. Il avait prévu de déjeuner dehors et ensuite de remonter à la boutique pour présenter Sao, sa nouvelle employée, à son fils, qui dirigeait désormais son entreprise. Il n'y avait rien de bien particulier à cela, mais Will ignorait les soupçons qui habitaient Chuck concernant sa relation avec Sao et il ne se fit donc aucun soucis particulier quant à cet entretien.

La formation de la jeune femme s'était très bien déroulé et il était convaincu qu'elle ferait du bon travail, Chuck allait l'adorer et tout allait bien se dérouler. Ou comment l'optimisme peut vous faire perdre de vue que vous avez encore des choses à cacher et que la prudence aurait du être de mise.

Il partit pour le magasin un petit quart d'heure avant l'heure qu'il s'était fixé (il détestait être en retard plus que tout au monde, à part peut-être le couple que son fils avait formé avec Serena) et marcha tranquillement le long des rues, perdu dans ses pensées. Il avait un rendez-vous avec Cécily ce soir là et il devait trouver quelque chose à porter, ses vêtements ne l'avaient jamais préoccupés mais Cécily aimait qu'il s'habille bien lorsqu'ils se voyaient. Et Will aimait lui faire plaisir (surtout qu'en général, ça payait plus tard dans la soirée).

Il arriva donc au magasin avec dix minutes d'avance et fut très surpris de constater que Chuck l'attendait devant la devanture du magasin. Depuis quand son fils était-il aussi en avance pour tout ce qui concernait l'entreprise? Mais après leur dernier déjeuner, peut-être essayait-il de faire comprendre à son père qu'il était effectivement digne de confiance. Et connaissant son paternel, Chuck avait certainement pensé (à raison) que la ponctualité allait l'aider.

“Hé bien, c'est ce que j'appelle être à l'heure! Impatient de rencontrer Sao?”

La jeune femme lui avait demandé de l'appeler comme cela pendant sa formation, et Will avait été ravi de le faire, se réjouissant d'être déjà en aussi bon terme avec elle. Il fit un signe de tête à Chuck pour lui indiquer de le suivre et entra dans le magasin.

Sao était bien évidemment déjà présente puisqu'elle y travaillait depuis ce matin et William lui lança un grand sourire avant de la rejoindre près du comptoir.

“Sao, je te présente mon fils, Chuck qui dirige l'entreprise maintenant que je suis à la retraite. Chuck, voici Sao, notre nouvelle employée. Et je compte sur vous deux pour vous entendre!” ajouta-t-il d'un ton moqueur.

Oh l'optimisme était l'instrument des inconscients.

Assis dans son fauteuil, Chuck se massa les tempes. Ce geste était devenu un peu trop habituel à son goût, il avait eu trop de choses à régler ces derniers temps, trop de mensonges qui s'étaient peu à peu empilés les uns sur les autres et trop d'émotions venant le déranger pendant qu'il essayait de régler tout ça justement. Soupirant, il décrocha le combiné du téléphone et bipa sa secrétaire. « Anna, vous pourriez me rappeler l'heure de la prochaine réunion, s'il-vous-plait? » Demanda-t-il d'un ton particulièrement las. Il vérifia l'heure sur sa montre, en théorie la réunion suivante ne devrait pas commencer avant une petite demi-heure, ça lui laissait le temps de prendre un café et d'essayer de se remotiver. « Vous m'avez demandé de ne rien prévoir pour cet après-midi à cause de votre père. » Fronçant les sourcils, Chuck se retourna et vérifia la date sur son calendrier. Le 1er Juillet, déjà? Il ne put s'empêcher de vérifier à nouveau l'heure, histoire de s'assurer qu'il n'était pas en retard. « Oui, bien sûr, désolé Anna. Je dois y aller, je repasserai ici ce soir. » Il raccrocha ensuite et attrapa son sac.

Dans l'ascenseur, il commença à tripoter l'enveloppe qu'il tenait à la main. Les invitations qu'il avait reçu pour la soirée sur le bateau pour la fête nationale. Enfin plutôt la deuxième invitation. Il avait hésité à confier l'enveloppe à Anna mais il avait eu peur que son père ne fasse vérifier son courrier, alors il avait décidé d'aller la poster lui-même, en priant pour que Serena vienne bien. Après s'être acquitté de cette tâche, il héla un taxi et se rendit à la boutique de Détroit. Perdu dans ses pensées pendant tout le trajet, il essayait de se persuader que les soupçons qui lui étaient venus pendant sa dernière rencontre avec son père n'étaient rien de plus que ça, des soupçons. Il ne devait pas y avoir un fond de vérité là-dedans, même si depuis, Chuck avait remis en cause plusieurs détails qu'il n'avait jamais remarqué avant. Mis bout à bout, Chuck était incapable d'ignorer le léger changement de comportement de son père.

Il paya le chauffeur et se posta devant le magasin. Il était là avec un bon quart d'heure d'avance, son père aimait être à l'heure alors il supposa que ce dernier n'était pas encore arrivé. Il enfouit ses mains dans les poches de son pantalon et attendit son père patiemment. Il hésita à allumer une cigarette – très mauvaise habitude qu'il avait prise pendant son séjour à New-York – mais décida de ne pas le faire. A tous les coups, avec sa chance légendaire, son père allait débarquer au moment où il l'allumait. En parlant du loup, William était quasiment à sa hauteur. Il salua son père chaleureusement en lui lançant un sourire complice. « Uh... oui, très. » Répondit Chuck en fronçant légèrement les sourcils. Sao? Vraiment? Si Chuck n'avait été qu'un peu suspicieux avant, il ne pouvait pas dire que ce petit surnom affectueux l'aidait à se sentir plus confiant. Ça démarrait plutôt mal. Il suivit son père à l'intérieur sans faire de remarques pourtant.

« Enchanté... Sao. C'est le diminutif de quoi? » Demanda-t-il en lançant un petit sourire en coin à la jeune femme et en lui tendant sa main par-dessus le comptoir. Si son père surnommait la jeune femme comme ça, il n'était pas sûr de vouloir l'appeler de la même façon. Elle était à moitié cachée par le comptoir donc Chuck ne remarqua pas, dans un premier temps, que la jeune femme était enceinte. Il ne put juger que sur ce qu'il avait dans son champ de vision pour l'instant. Elle avait un joli visage et même si ça ne lui plaisait pas spécialement, il se rendit compte qu'elle aurait très bien pu être le type de son père. « Comment est-ce que vous avez eu le poste? Vous connaissiez mon père, c'est bien ça? » Demanda Chuck d'un ton poli et chaleureux, histoire que la jeune femme ne le prenne pas comme un interrogatoire ou encore une insulte. Chuck était juste curieux et il tenait à s'assurer que les deux ne se connaissaient pas avant que Sao ne soit embauchée ici. Le contraire aurait été définitivement louche aux yeux du jeune homme.

Saoirse rejoignit les vestiaires de très bonne humeur. Après la mésaventure avec son ancienne patronne, elle désespérait de trouver un nouveau travail - légalement parlant. Il faut dire que braquer sa richissime patronne avec un flingue dans sa propriété, ça fait rarement joli sur un curriculum vitae mais par chance, cette histoire avait été pour l'heure enterrée. Quand elle avait ainsi passé un entretien pour le magasin après avoir épluché les petites annonces lors de l'un des cours de ce cher professeur Oak, elle avait été plutôt bien reçue. Elle n'avait pourtant aucun diplôme officiel si l'on omettait ses thèses et sa grossesse particulièrement avancée en aurait découragé plus d'un, pas William Davis visiblement. A partir de là, Saoirse l'avait instantanément apprécié. C'était trop rare de nos jours de voir des individus de cette trempe.
Quand elle avait finalement commencé sa formation, le courant avait continué de passer au point que la jeune femme lui avait demandé de lâcher le prénom entier. Ca n'était même pas le vrai de toute façon ! Et puis elle aimait le diminutif de son prénom d'emprunt.
Elle avait réussi à faire emménager ses horaires de travail à cause de sa grossesse et possédait donc en parallèle le temps qu'elle voulait pour les cours ou encore le trafic d'armes qu'elle continuait toujours. C'était un travail bien plus lucratif et elle y excellait. Elle appréciait aussi toutefois d'avoir un travail normal et prenait donc automatiquement ses fonctions sans se poser de questions. Si elle n'était pas suffisamment hypocrite avec la clientèle, elle était par contre très douée quand il s'agissait de vendre. Selon elle, si l'on pouvait vendre des armes, on pouvait vendre n'importe quoi. Un principe qui se vérifiait assez facilement. Son franc-parler était alors compensé par son talent commercial et étrangement les choses se passaient à merveille.

La jeune femme s'apprêta puis saluant ses collègues avec un grand sourire s’attela au travail. La matinée se passa sans encombres et fut même plutôt bonne dans l'ensemble. Son humeur était toujours au beau fixe quand elle vît apparaitre son patron à l'entrée. Il n'était pas seul mais ça n'avait rien d'étrange en soi. Les deux hommes s'approchèrent d'elle, Monsieur Davis affichait lui un grand sourire. Elle regrettait son depart en retraite mais était toujours ravie de le voir. Il lui présenta alors l'homme qui l'accompagnait. Son nouveau patron. Physique agréable. C'était de famille semble-t-il. Son sourire en revanche était moins marqué. Question de caractère ? Peut être bien. Le père Davis était un patron assez particulier. Le fils lui tendit la main par dessus le comptoir et elle la serra fermement.

- Je le suis également, Chuck. Oh ça ! De Katherine Saoirse Philippa. Je crois que vous comprendrez pourquoi j'épargne à votre père l'intégralité de ce nom à rallonge. Mais si vous désirez m'appeler autrement, libre à vous, bien entendu !

Le jeune homme poursuivit ses questions mais elle affichait toujours un grand sourire. Plaire au patron ma fille ! Celui-là a l'air moins commode que son paternel !

- D'une manière tout à fait classique, les petites annonces. Donc non, je ne connaissais pas ce cher Will avant de passer mon entretien. Cela pose problème ?

Elle continua de sourire, affichant une mine interrogatrice. Une cliente choisit ce moment-là pour venir la voir. Elle se tourna alors vers elle puis soupira légèrement au moment de quitter son siège. Elle passa à l'avant du comptoir.

- Pour le service après-vente c'est de l'autre côté ! Ma collègue se fera un plaisir de s'occuper de vous ! Je ne pense pas qu'elle soit occupée. Avec plaisir madame !

Une main sur son ventre, elle s'appuya contre le comptoir toujours face aux deux hommes, son ancien patron et son nouveau patron.

- Vous auriez peut être d'autres questions, Chuck ?

Elle sourit amusée à William. Elle espérait ne pas avoir à le regretter.

William remarqua (assez) rapidement que son fils avait l’air un peu tendu, surement une dispute avec Hesther. Il ne s’en offusqua pas tant que Chuck était capable de rester charmant avec Sao, il ne tenait pas à la faire fuir. Elle était charmante et elle faisait du très bon travail, tout se passerait donc plus facilement si les deux s’entendaient bien. De toute façon, Will ne voyait aucune raison pour que les choses se passent mal.

Et la jeune femme ne le déçu pas, elle ne se montrait pas moins charmante qu’à son habitude et même Chuck semblait ravi de la rencontrer. Il rigola de bon cœur lorsqu’elle demanda à Chuck si les conditions de leur rencontre lui posait problème et il se hâta de répondre pour son fils.

« Pas du tout, voyons ! » s’exclama-t-il en donnant une grand claque dans le dos de Chuck. « Pas vrai, fiston ? »

C’est à ce moment là qu’une cliente approcha le comptoir pour demander un renseignement. Will surveilla Sao de près pour être sur qu’elle fasse bien son travail et lui lança même un clin d’œil encourageant lorsqu’elle fit le tour du comptoir pour montrer à la jeune femme le rayon demandé.

William remarqua alors que le regard de Chuck avait bougé pour s’attarder sur le ventre arrondi de leur nouvelle employée. Il leva les yeux au ciel, il n’avait tout de même pas élevé son fils pour qu’il se permette de fixer les gens d’une telle manière. Vraiment, Chuck était irrécupérable.

Will se pencha vers son fils, un grand sourire aux lèvres. « J’oubliais que tu ne savais pas que Sao était enceinte, mais ça ne devrait pas poser problème, n’est-ce pas ? » insista-t-il avant de donner un coup de coude à son fils.

De toute façon, que cela gêne Chuck ou non ne changerait rien. William appréciait déjà énormément Sao et comprenait à quel point il devait être dur pour elle de trouver un emploi stable. Il ne changerait donc pas d’avis sur sa position dans leur magasin.

« D’ailleurs je dois dire que la grossesse vous va à ravir. » déclara-t-il avec un grand sourire pour la jeune femme avant de se tourner de nouveau vers son fils. « Ne trouves-tu pas ? »

William lança un regard insistant à Chuck, essayant de lui faire passer le message. Il aimait énormément Hesther et tant que son fils était heureux, il pouvait faire comme bon lui semblait mais tout de même, Will ne rajeunissait pas et il aurait bien aimé avoir des petits-enfants tant qu’il pouvait encore marcher tout seul. Peut-être que voir à quel point la grossesse allait bien à une femme le ferait un peu accélerer les choses.

Chuck ne put s'empêcher de rigoler en entendant le nom entier de Sao. Maintenant il comprenait l'utilité du surnom, et quelque part, ça le rassurait. Son père avait une excuse pour être aussi familier avec la jeune femme et Chuck était prêt à prendre tous les indices pouvant le rassurer sur la fidélité de son père. « Non, non, je pense que Sao fera très bien l'affaire, effectivement. » Nouveau sourire en coin en direction de la jeune femme. Il ne tenait pas à ce qu'elle le trouve désagréable, il était méfiant mais il n'aimait pas que les gens ne l'apprécient pas, quelles que soient les circonstances. Il croisa les bras sur sa poitrine, légèrement rassuré en entendant que Sao ne connaissait pas son père avant d'avoir le job. Elle pouvait toujours mentir, c'était même ce qu'elle ferait si elle avait bel et bien une aventure avec son père, mais il n'avait pas eu la sensation qu'elle était en train de mentir. Il allait répondre quand son père se chargea de le faire à sa place, lui donnant une bonne tape dans le dos. « Euh, non, non pas du tout, c'était de la simple curiosité. » Il lança un sourire rassurant à Sao avant de se tourner vers son père en fronçant les sourcils. Il pouvait encore répondre aux questions qu'on lui posait tout seul, merci bien.

Chuck faillit s'évanouir quand Sao passa devant le comptoir. Enceinte. Elle était enceinte. Ok, il fallait qu'il se calme. Il n'avait aucune preuve que son père avait une aventure, encore moins avec cette femme là et certainement pas qu'il était le père de l'enfant qu'elle portait. Après tout, elle lui avait bien dit qu'elle ne le connaissait pas avant d'obtenir ce boulot, non? Chuck laissa échapper une petite exclamation de surprise quand son père lui donna un coup de coude en pleine côte. Mais qu'est-ce qu'il avait à vouloir à tout prix qu'il fasse bonne impression? En tout cas, ce n'était pas fait pour rassurer le jeune homme. Il était un peu trop insistant et un peu trop impliqué au goût de Chuck. « Non, ça ne me pose de problème. Pourquoi ça me poserait un problème? » Lança-t-il avant de laisser échapper un petit rire nerveux. Il ne pouvait pas s'empêcher de se demander si son père lui avait fait un petit frère ou une petite soeur. Il n'y tenait pas, à 28 ans ce n'était pas tellement le genre de petites surprises auxquelles on s'attendait et dont on raffolait. Il lança un nouveau regard appuyé à son père. Mais de quoi est-ce qu'il parlait? Ayant totalement oublié qu'il était censé sortir avec Hesther, il n'avait pas compris la subtile remarque de son paternel. Il l'ignora donc avant de reporter son attention vers Sao. Après tout, c'était pour elle qu'il était là.

« Vous êtes mariée alors? » Pitié qu'elle réponde oui. Et surtout qu'elle ne regarde pas son père. Il était prêt à ignorer quelques signes du moment qu'ils n'étaient pas trop évidents. Certes, le fait qu'elle soit mariée ne prouverait rien, après tout, William était bien marié et ça n'empêchait pas son fils de le soupçonner de tromper sa femme. Mais ça le rassurerait déjà un peu plus si elle l'était, disons que la romance qu'il s'était imaginé entre Sao et William paraitrait déjà un peu moins probable et c'était plus qu'il n'osait espérer vu la tournure des évènements. Il ne pouvait pas s'empêcher de poser son regard sur le ventre déjà bien rond de la jeune femme. Il ne voulait pas se montrer impoli, mais c'était plus fort que lui. Déglutissant avec difficulté il commença à partir dans ses délires et dans ses « et si ». Et si son père était bel et bien le père de l'enfant? Et s'il trompait vraiment Mary? Et s'il voulait divorcer pour épouser Sao? Chuck n'était plus tellement sûr de vouloir en savoir plus, il était venu jusqu'ici pour essayer d'avoir des réponses à ses questions mais il avait oublié qu'il y avait certaines questions qu'il ne valait mieux pas poser.

Enfin, quand il remarqua que Sao lui lançait un regard surpris, il se rendit compte qu'il avait fixé son ventre rond peut-être un peu plus longtemps que nécessaire. « Je me demandais juste si vous attendiez un garçon ou une fille. » Expliqua-t-il un peu maladroitement pour justifier la curiosité qu'il manifestait à l'égard de la jeune femme.

Saoirse continuait d'observer les deux hommes. Elle avait l'impression de louper quelque chose concernant ces deux-là, sans pour autant parvenir à mettre le doigt dessus. Elle espérait que cela ne la concerne pas. Auquel cas, sa grossesse fut elle bientôt remarqué. C'était prévisible. On ne voyait que ça ! Cinq mois de grossesse, pas le genre à passer inaperçu encore moins sous un uniforme de travail. Elle fut d'ailleurs soulagée que cela ne paraisse pas poser de problème au nouveaux patron malgré son regard insistant. Elle sourit au compliment de William. Il n'arrêtait donc jamais celui-ci.

- Je vous remercie Will !

En dépit de la situation, elle était toujours d'aussi bonne humeur. Même si elle se posait des questions sur Chuck, elle n'avait pas encore eu matière à s’inquiéter pour le moment. Ce dernier continua toutefois ses questions et elle continua d'être aussi honnête que possible.

- J'ai failli mais non, je ne suis pas mariée.

Elle sourit à William. Elle lui avait raconté en épargnant les détails les plus étranges, sa fuite au moment d'arriver à l'autel, inventant alors un faux prétexte à celle-ci. Sur le ton de l'humour, l'anecdote venue dans la conversation était alors très bien passée. Pour l'heure, elle trouvait la question plutôt personnelle mais préféra ne rien ajouter. Tant que ça n'allait pas plus loin, elle n'avait rien à ajouter.

- Une petite fille. On verra pour le prénom bien sur, on a encore le temps !

Il fallait dire que ça n'était pas elle qui choisissait mais le couple à qui elle avait décidé de le confier, ce que son patron ne devait pas savoir bien sur. Ce type de grossesse était illégal dans le coin alors elle faisait bien souvent comme s'il y avait un père imaginaire avec qui elle aurait voulu ce bébé. Ce jour-là n'était pourtant pas prêt d'arriver ! Tout en attendant la suite, elle prit la peine en s'excusant d'aller répondre au téléphone, elle revint aussi vite, un peu essoufflée.

- Pardonnez-moi ! Mais vous savez ce qu'on dit, le client avant tout ! Ou en étions-nous ?

Voilà bien un principe auquel elle croyait dur comme fer même si c'était pas tout à fait dans ce type de commerce.

William fronça les sourcils en entendant son fils lancer un rire nerveux. Non mais vraiment, quel était son problème ? Il remarqua alors que son fils fixait un peu trop intensément le ventre arrondi de la jeune femme et lança un regard désapprobateur à son fils, se retenant à peine de le taper derrière la tête. On avait pas idée de fixer les gens ainsi ! Il avait presque honte du comportement de son fils, Sao avait été charmante depuis qu’ils étaient entrés dans le magasin et Chuck se comportait comme si elle avait un bras qui lui poussait derrière la tête.

Et voilà qu’il en rajoutait ! Will lança un regard qu’il voulait rassurant à Sao, essayant de lui faire comprendre qu’elle n’était pas obligée de répondre. Il savait qu’elle n’était pas mariée car elle avait bien voulu lui raconter l’histoire mais il trouvait tout de même la question bien personnelle pour un rendez vous d’affaire. Certes, leur discussion était déjà plutôt détendue mais ce n’était pas le genre de question qu’on posait à une jolie jeune femme qu’on ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Will aurait pu poser ce genre de question à Hesther mais c’était simplement parce qu’il s’agissait de la petite-amie de son fils.

Mais apparemment la question ne sembla pas déranger Sao plus que cela, charmante comme elle était ça ne choqua pas William outre mesure. Il lui rendit son sourire avec plaisir, heureux de voir qu’elle au moins se comportait parfaitement bien. Non pas qu’il en ai douté.

Chuck finit par enfin se rendre compte qu’il fixait le ventre de leur nouvelle vendeuse avec un peu trop d’insistance et expliqua son comportement. Pourtant William n’était pas persuadé que la question était vraiment ce qui lui était passé par la tête, peut-être que Chuck était simplement distrait. Mais tout de même, ça n’expliquait pas tout ! Justement, le téléphone venait de sonner et Sao s’excusa avant de filer répondre, laissant l’opportunité à Will de chercher à comprendre le comportement de son fils.

« Mais enfin, ce n’est pas bientôt fini avec toutes tes questions ? » demanda-t-il en se tournant vers Chuck. Il n’était pas en colère mais la manière dont son fils avait accueillit la jeune femme laissait vraiment à désirer. « Sao est une jeune femme charmante et on dirait que tu lui fais passer un interrogatoire. Tache de ne pas la mettre mal à l’aise, je ne veux pas la perdre ! » souffla-t-il rapidement alors que leur nouvelle vendeuse revenait vers eux.

« Oh vous n’avez rien raté de bien important, » répondit-il en souriant. « Je repensais au nom de la petite. Que pensez-vous d’Emma ? » William se tourna vers Sao, cherchant à voir si le prénom lui plaisait aussi. « Si Chuck avait été une fille c’est comme ça que je l’aurais appelé. »

Il fit alors face à son fils, un grand sourire aux lèvres. « Qu’en penses-tu toi ? L’idée te plaît ? »

Spoiler:

Chuck fronça légèrement les sourcils en entendant la réponse de Sao. Comment ça, elle avait failli mais non ? Il était trop curieux et la situation lui tenait trop à cœur pour qu’il ne commence pas à se poser milles questions, et surtout, à s’inventer les réponses tout seul. Il avait un cerveau beaucoup trop imaginatif et il avait toujours tendance à créer une montagne d’un tout petit rien. Enfin, il fallait bien avouer que William et Sao ne l’aidaient pas spécialement à se faire une raison, pire, ils en rajoutaient sans même le savoir. « Ah d’acord. » Répondit Chuck avec un sourire alors qu’il commençait à paniquer encore un peu plus intérieurement. Comment ça on verra ? Elle s’était tournée vers son père en disant ça ou bien c’était juste lui qui l’avait imaginé ? Il essaya de se calmer, c’était peut-être juste une façon de parler. Mais il avait beau essayer de se raisonner, de se rappeler à quel point il n’avait aucun fondement pour tous ses soupçons, il ne réussissait pas à se les sortir de la tête. C’était une véritable malédiction. Il lança un sourire poli à la jeune femme quand elle alla répondre au téléphone et se tourna brusquement vers son père quand celui-ci recommença les reproches.

« Je croyais que j’étais là pour ça, non ? Je ne tenais pas à la rencontrer pour lui dire bonjour et m’en aller. » Répondit-il de manière relativement insolente. Il leva les yeux au ciel et lança aussitôt un sourire d’excuses à son père. Il savait qu’il avait tort de lui répondre comme ça, mais vraiment, son père le rappelant à l’ordre constamment avait le don de l’horripiler au plus haut point. « Comment ça la perdre ? » Lâcha-t-il doucement malgré lui, car Sao revenait justement à ce moment là ? Il n’était même pas sûr que son père l’ait entendu pour le coup. La bouche entrouverte, il garda son regard fixé sur son père, comme s’il attendait malgré tout une réponse, avant de refermer la bouche et de se tourner vers Sao. Il ne savait plus trop quoi dire, et le cours que prenait la discussion n’était pas fait pour le mettre plus à l’aise. Il lui donnait des idées de prénoms pour le bébé. C’était comme ça qu’il se serait appelé s’il avait été une fille. Chuck était sur le point de s’évanouir. Son père, lui, gérait la situation totalement normalement, apparemment inconscient de l’état de nerf dans lequel il mettait son fils unique. Enfin, unique, pour l’instant, Chuck commençait vraiment à croire que son père lui avait fait une petite sœur dans le dos.

« Je… » Il était en train de faire une crise cardiaque là, ce n’était pas possible autrement, mais aucun autre son ne semblait vouloir accepter de sortir de sa bouche. Il ferma les yeux quelques secondes, le temps de se calmer et de reprendre un peu ses esprits avant de réussir finalement à compléter sa phrase. « Uh, oui, oui, Emma, c’est un très joli prénom mais je suis sûre que vous voudrez le choisir avec le père de l’enfant plutôt. » Il se força à sourire du mieux qu’il put à Sao pour essayer de faire passer le malaise qu’il avait du installer. Il se tourna vers son père, comme s’il s’attendait soudainement à ce que celui-ci réponde d’un ton amusé mais c’est ce qu’elle est en train de faire fiston, voyons, tu n’avais pas encore compris ?. La situation était en tout cas en train de tourner au cauchemar pour Chuck, lui qui était venu ici avec l’espoir de dissiper ses doutes et ses inquiétudes, tout ce que William et Sao avaient dit n’avait en fait fait que les confirmer. Il avait besoin de savoir, d’être sûr, mais ce n’était pas comme s’il pouvait véritablement demander ça alors que son père était juste à côté. William avait toujours été trop intimidant aux yeux de Chuck pour qu’il ose le défier à d’autres moments que ceux où ils se hurlaient dessus.

Souriant à nouveau poliment, il se tourna vers la jeune femme. « Enfin, je vois que vous vous en sortez déjà très bien ici, bravo. En même temps j’ai bien vu que mon père avait vraiment mis tout son coeur dans votre formation. » Il se mordilla la lèvre inférieure, le compliment était légèrement forcé, William comme Sao avaient bien du le sentir, mais il n’était pas capable de mieux. Se tournant vers son père, il ajouta doucement : « Le courant a du bien passer entre vous deux. » Il détourna son regard pour le poser finalement sur Sao avant d’ajouter d’une voix peut-être un peu trop enthousiaste : « Tant mieux en tout cas ! » Sao allait probablement le prendre pour un fou, et Chuck ne pouvait même pas lui en vouloir.

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