Rencontre au port
Milo Trent ϟ Seven L. Jandrik

Quand Phil commençait à dire qu'il jurait sur tous les saints que ça valait le coup, il y avait deux possibilités : c'était soit une occasion vraiment intéressante, soit un piège à nigaud. Quand on lui avait sorti qu'une pointure de Vegas l'avait réclamé pour lui apprendre cette ville, ses astuces et ses dangers, l'assassin avait posé le téléphone une minute et fini de charger le magasin de son Glock avec la lenteur caractéristique de l'homme qui réfléchit intensément. Il avait l'habitude de laisser de côté le combiné et de reprendre son occupation au ralenti quand il avait une chose sur laquelle il devait potasser assez vite.
Finalement, une fois son arme chargée, il avait repris le combiné et accepté, donnant un rendez-vous pour le soir même, avec l'adresse d'un hangar du port. Cela pouvait paraître parodique, mais tous les gens qui avaient besoin de discrétion savaient que les grands ports marchands étaient l'endroit idéal pour cela. Il termina sa journée de travail en travaillant sur la Shelby qu'il avait récemment dégotté.

Le soir venu, un Milo armé et sur ses gardes se rendit au hangar ; mais il resta à bonne distance, sur un conteneur à bonne distance et dans le noir. il avait équipé son fusil de son viseur nocturne, et il s'installa et attendit patiemment. Lorsque la personne finit par arriver, il fut d'abord surpris de voir une femme ; fine, cheveux noirs, jolie. On lui avait parlé d'un il au téléphone, mais c'était peut-être une méprise ? A moins que ...
L'ancien Seal mit le doigt sur la gâchette et suivit la demoiselle pendant qu'elle se rendait discrètement au rendez-vous. De là où elle était, elle n'aurait probablement pu le voir, mais lui aurait vu une veine sur sa tempe. Il y eut un moment de flottement, pendant lequel le tireur observa la jeune femme et chercha s'il avait la moindre raison de tirer. Il l'observa ainsi jusqu'à ce qu'elle arrive à l'endroit. Elle avait l'air de savoir se battre, mais elle n'avait pas l'air ici pour se battre, finalement. Alors Milo coupa sa lunette, remit les caches et descendit promptement du conteneur, l'arme désormais sanglée dans son dos. Le pistolet restait cependant à portée de main, juste au cas où ; mais il pensait être en sécurité maintenant.
Il marcha jusqu'au hangar. Elle put le voir bien avant qu'il arrive. Elle put voir son fusil, rangé dans son dos et donc relativement inoffensif, et elle put aussi voir son pistolet, peut-être, elle qui avait l’œil. Pourtant, elle put aussi bien voir qu'il n'avait pas d'intention hostile à cet instant. Il se contenta de se planter à quelques mètres d'elle, et de laisser flotter un silence relatif, troublé par les sons des vagues s'écrasant partout autour sur le quais, par les sons étouffés de la ville de Detroit, et par les divers sons qu'on entendait dans un port de nuit.
Finalement, il se racla la gorge.

Milo ‒ On m'avait parlé d'un homme ... Je suis Trent, juste Trent. Bienvenue à Detroit.

Tic tac. Plus que quelques minutes avant d’aller à la rencontre de celui qui, elle l’espérait, allait lui apprendre toutes les combines et tout les pièges de cette nouvelle ville dans laquelle la jeune Seven résidait à présent. Oui elle s’était renseignée, mais rien ne valait mieux que quelqu’un qui connaissait réellement le terrain, si elle devait rencontrer des problèmes, elle préférait s’y préparer, surtout qu’elle comptait rester un bon bout de temps à Detroit. Elle le savait très bien, si la tueuse retrouvait Joan, elle la tuerait, seulement il faudrait maquiller sa mort, quelque chose d’assez plausible pour être avalé par police. Mais à nouveau, encore fallait-il qu’elle la trouve. Pour l’instant, son but était de connaitre tous ses ennemis potentiels, et les endroits qu’il vaudrait mieux éviter. Non, Seven n’avait pas peur, elle était juste prudente.

Un rendez-vous au port, c’est-ce qui avait été convenu, mais la jeune fille restait toujours méfiante, dans ce milieu là on ne pouvait faire confiance à personne, jamais. C’est donc son Armalite à l’intérieur de sa veste en cuir que Seven se rendit au point de rendez-vous. Personne à première vue, mais ne jamais se fier aux apparences, il y avait quelqu’un, elle le sentait. Seulement Seven resta tranquille, ne pas paniquer était le maitre mot dans ce genre de situation. Le port était désert, une précaution de plus. C’est en regardant autour d’elle que soudain la personne en question apparue. Il ne fallut pas plus de deux secondes à Jandrik pour sortir son arme de sa veste, un « accident » était vite arrivé. Cependant, elle l’abaissa en distinguant plus précisément la personne en question. Arme dans le dos, pistolet à portée de main, il n’avait pourtant pas l’air agressif, mais la jeune fille garda tout de même son arme à la main. Elle le dévisagea en silence, il avait l’air fort, assez sur de lui, elle voulait toujours jauger le type de personne à qui elle avait affaire. Après un haussement de sourcil prononcé, Seven s’avança un peu, « Désolé de décevoir. Seven. Il me semble avoir déjà entendu parler d’un Trent.», dit-elle d’un ton froid. « Enfin on n’est pas là pour papoter, est-ce que l’on t’as dit ce que j’attendais de toi ? », reprit-elle. Il fallait montrer qu’elle était forte, il fallait qu’il ai déjà entendu parler d’elle ou alors de son frère. Le réseau de Los Angeles était important et dans le milieu on se faisait vite un nom, comme c’était le cas pour elle ou encore pour ce Trent.

Rencontre au port
Milo Trent ϟ Seven L. Jandrik

La damoiselle avait fini par répondre après un instant de froide considération. Elle avait arqué un sourcil avant de parler avec un ton glacial. Sur le moment, Milo hésita entre le rire et l'admiration. Tandis qu'elle parlait, il vérifiait si elle n'avait pas d'armes planquées - juste au cas où - et pouvait du coup réaliser qu'elle était vraiment très belle. Avec un caractère aussi tranchant que le sien et son regard acier, elle avait sans doute massacré bien des cœurs comme elle avait dû en flinguer d'autres. Sur le coup, pourtant, tout ce que se disait l'ancien Seal, c'était qu'elle était mignonne avec son air autoritaire, sur un quai tranquille au beau milieu de la nuit. Elle voulait montrer qu'elle avait des cojones pour être chef ? C'était libre à elle. Dans l'armée, on apprenait que la guerre se faisait avec un fusil, et pas avec des couilles, mais elle n'avait probablement jamais eu l'occasion de réaliser à quel point l'efficacité pouvait compenser de belles lignes féminines et l'absence d'attributs mâles. Ce n'était pas Milo qui allait lui expliquer la vie, ni même lui expliquer qu'elle n'avait pas besoin d'utiliser un tel ton avec lui.
D'ailleurs, à se première réplique, il ne fit que hausser les épaules et répliquer sur un ton neutre. Ça pourrait la mettre en colère, mais au moins elle comprendrait qu'il n'était pas spécialement là pour se casser le cul et faire des courbettes.

Milo ‒ C'est pas pour me décevoir, ma'am. Je sais pas si je dois être flatté ou inquiet que mon nom circule aussi loin que le Nevada et la Californie ...

Il n'allait pas en dire beaucoup plus. Elle ne comptait pas perdre de temps. C'était un bon point, mais elle devrait aussi apprendre à se sortir le balai du cul et à se relaxer de temps en temps. A ce rythme, elle serait toute sèche et contractée avant cinquante ans. Elle avait l'air d'une vraie boule de nerfs, et ça allait commencer à poser des soucis avec l'âge. C'est là qu'elle se ferait flinguer.

Milo ‒ On m'a dit que tu débarquais fraîchement de Vegas, et que tu voulais avoir des infos sur notre belle ville. Soit t'as envie de te cultiver, soit tu vas trucider quelqu'un. Comme je penche pour la seconde option, j'aimerais d'abord que tu me donnes ta parole d'honneur que tu viens pas foutre la merde ici.

Il allait s'arrêter là lorsqu'il émit un petit soupir au milieu d'une inspiration, et se lança dans un petit supplément.

Milo ‒ Oh, et si on doit se côtoyer pendant quelques temps, tu peux oublier les airs de petit chef. Tu as mon respect, et tout ce que t'as à faire, c'est le garder. Deal ?

La jeune tueuse regardait son interlocuteur d’un œil sombre. Si elle n’avait pas eut besoin de lui en ce moment précis elle lui aurait probablement iré une balle dans la tête sur place. Pour quoi se prenait-il ? Certes il avait une réputation, mais cela ne lui donnait pas le droit de jouer aux têtes brulées. Alors oui, Seven faisait toujours en sorte d’être très froide avec les inconnus, parce que ne voulait surtout pas qu’on la sous estime, personne ne devait se rendre compte qu’elle commençait à être fatiguée de vivre dans l’ombre et l’obscurité en permanence. C’était ce à quoi elle réfléchissait depuis un certain temps, que faire après avoir tué Joan ? Retourner à Vegas et continuer cette misérable vie faite de crime et de sang, à revendre des armes dans la pauvre usine désaffectée de ce quartier malfamé à Vegas ? Cela avait tout d’un cliché que l’on pouvait se faire quand l’on songeait aux tueurs, mais après tout, les clichés ne viennent pas de nulle part, des faits les ont fondés. Le visage de Seven se détendit, très légèrement, « Je suis pas assez idiote pour me faire remarquer. Et puis, si tu as peur pour ta peau, aucun risque. De toute façon ca me regarde. » La brune n’avait toujours pas relevé la remarque de ce Trent sur « ses airs de petit chef », elle s’était contenté de faire quelques pas le fixant à nouveau de haut en bas.

« Si j’avais voulu jouer au chef avec toi, crois-moi que je m’y serais prise d’une autre façon. Deal.», dit-elle en serrant ses mains sur ses gants en cuir. Dans la rue les passants, auraient pu la qualifier de gothique ou de punk ou un truc dans le genre. Mais ce n’était pas ça, c’était son identité, elle se confondait dans le noir, on ne la remarquait pas ou plutôt on ne la voyait pas arriver. « Bon alors dit moi, combien tu veux pour tout ça ? » Ils devaient fixer un prix, elle le paierait à la fin par rapport à son efficacité également. Elle n’avait pas l’intention de se faire rouler, cela faisait sept ans qu’elle était plongée en plein cœur du « métier ». Pas beaucoup d’adolescente tuent un être humain de sang froid dix-sept ans, y repenser donnait des frissons à Seven, elle avait tellement pleuré au début que dorénavant elle n'avait plus de larmes.

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