DR BROWN ▬ Continuez, avancez. Vous y êtes.
Elle continua son mouvement. Un pied, puis deux. Un pied puis deux. Le tout était de suivre le même rythme, de ne pas couper la ligne, de la conserver présente et vivante. Elle se déplaçait encore, reculant cette fois. Il lui fallait emprunter une nouvelle route. Un nouveau moyen d'atteindre son but car oui, elle avait un but, aussi lointain, effacé et peu fiable était-il. Sa gorge se nouait un peu plus à chacun de ses pas. Elle n'allait plus tenir encore bien longtemps. Elle le voulait pourtant mais elle savait que ce ne serait pas pour aujourd'hui. Pas maintenant. Malgré tout, elle serra les poings, fermant un peu plus les yeux, appuyant ses paupières veillant à ne laisser aucun rayon de lumière filtrer. Elle recula encore. Un pas, unique. Le tourbillon noir, le néant du passé réapparut. Elle continua son pas. Son esprit sembla alors prendre dans cet affront une force nouvelle. Elle respirait à peine, craignant que cela ne soit la fin de la chose. Elle lutta encore, quelques secondes paraissant des heures. Puis, prise de ce pénible sentiment de renoncement, encore, fit avec regret un pas de coté. De nouveau, la peur avait gagné. Les larmes de rage voulaient passer la barrière de ses yeux. Elle les refoula. Elle ne méritait pas les pleurs.
DR BROWN ▬ Tout va bien Iseult, Ouvrez les yeux.
Un main rassurante s'était posée sur son épaule. Elle parvint à retrouver son souffle mais n'osait pas ouvrir les yeux, pas encore. A contrecœur, enfin, elle obtempéra. Désorientée un instant, elle poussa un profond soupir et releva la tête.
ISEULT ▬ Rappelez-moi pourquoi l'on fait ça déjà ?
DR BROWN ▬ Parce que vous me l'avez demandé, parce que vous avez dit être prête.
ISEULT ▬ Vous m'avez sincèrement cru tout à l'heure ?
DR BROWN ▬ Je n'aurai pas du ?
ISEULT ▬ Vous répondez toujours aux questions par d'autres questions ?
DR BROWN ▬ Vous évitez le sujet.
ISEULT ▬ Je ne vois pas quoi répondre. Je me sens juste ...
DR BROWN ▬ juste quoi ?
ISEULT ▬ Oh et puis vous savez quoi, je m'en fiche. Arrêtons là ! Signez juste le papier et n'en parlons plus, que je retourne travailler !
DR BROWN ▬ Le processus est entamé, je ne peux rien arrêter.
ISEULT ▬ Foutaise ! C'est de la psychologie votre truc, il suffit de claquer des doigts et même un comateux arrêterait de sommeiller.
DR BROWN ▬ Drôle de façon de voir la profession.
ISEULT ▬ Façon réaliste … Écoutez, vous avez l'air très gentil mais ce n'est pas ainsi que je gère mes problèmes.
DR BROWN ▬ Des problèmes ? Donc vous les admettez.
ISEULT ▬ Comme tout le monde.
DR BROWN ▬ Très bien. Reprenons depuis le début, vous savez pourquoi vous êtes là ?
ISEULT ▬ Parce qu'apparemment la chaîne ne sait pas quoi faire de son budget, en a dépensé trop par chez vous et se voit obligé d'envoyer de pauvres gens ici ?
DR BROWN ▬ C'est votre façon de procéder ça ? Vous réfugier derrière des répliques sarcastiques pour ne pas avoir à répondre franchement.
ISEULT ▬ Et alors, vous allez me dire que tout cela est lié à un complexe du au fait que mon paternel se sente obligé de conseiller mon futur voire plus et que je n'assume pas mes fonctions ?
DR BROWN ▬ C'est ce que vous pensez ?
ISEULT ▬ Peu importe ce que je pense.
DR BROWN ▬ Comment ça ?
ISEULT ▬ Bon, soyons clairs, je ne vais pas répondre à la moindre de vos interrogations, je ne suis pas un patient, je suis seulement là pour que vous me signez ce foutu papier qui permettra de retourner travailler, tout simplement.
DR BROWN ▬ Vous ne tenez plus compte de l'expérience, nous étions bien parti.
ISEULT ▬ Vous, peut-être. Moi je me sentais juste mal. Je préfère encore affronter un politique plutôt que votre machin de ligne du temps.
DR BROWN ▬ Écoutez, puisque nous sommes là, que vous êtes revenue me voir et que nous avions commencé, traitons la chose en profondeur. De toute manière, comme vous le dites si bien, j'ai un papier à signer et tant que mon stylo n'aura pas toucher la feuille, vous êtes coincée ici. Parlons.
ISEULT▬ Franchement, tout ceci n'a aucune importance. Je ne vais pas pleurer sur mon sort, j'ai d'autres choses à faire, un reportage à boucler, je n'ai pas de temps à perdre.
DR BROWN ▬ L'éternelle indisponibilité des journalistes … « pas de temps à perdre, il faut saisir toute information ».
ISEULT ▬ Agréable condescendance. C'est un perte de temps docteur. Que voulez-vous ?
DR BROWN ▬ Que l'on discute de ce qui ne va pas dans votre vie.
ISEULT ▬ Ce qui ne va pas ? Mais tout va très bien. Mon boulot est génial, je suis à la tête de la meilleure équipe du pays et possède la maison de mes rêves.
DR BROWN ▬ Et n'avez pas de passé.
ISEULT ▬ Et alors ? Ce n'est pas comme ci ça m'empêchait de vivre le présent, ça ne fait pas de moi une mauvaise journaliste.
DR BROWN ▬ Non mais votre refus de faire face à vos souvenirs, vos émotions et tout simplement votre passé pourrait vous conduire à mal appréhender le métier et rendre votre jugement plus subjectif. Ce ne serait pas bon pour la chaîne. Comprenez que le problème n'est pas de ne pas se souvenir mais plutôt de refuser de savoir ce que vous avez oublié.
ISEULT ▬ Où est l'importance, c'est du passé non ? Et on ne questionne pas le moindre amnésique sur des souvenirs qu'il n'a pas justement, on lui laisse l'occasion de les retrouver … seul.
DR BROWN ▬ Détrompez-vous.
ISEULT ▬ Bien... Que faut-il que je fasse ?
DR BROWN ▬ Recommençons à voyager.
Elle se releva, le fauteuil avait été accueillant mais il était tant de faire face à ça. Poussant un soupir à fendre l'âme, elle prit le temps de se calmer. Ce « docteur » avait tout un talent pour la mettre dans un état d'esprit peu accommodant. Elle se plaça convenablement et prit quelques instants pour visualiser la ligne au sol. Ligne représentant sa propre ligne de temps. Son futur à droit, son passé à droite, là où les réponses devraient se trouver et, devant elle, le présent, si éphémère que la ligne se trouvait partiellement effacée. Après une profonde inspiration, elle rassembla ses mains, moites d'une certaine appréhension puis avança, se plaçant sur la ligne. Elle commença à reculer, guidée par la voix sombre du thérapeute. Égrenant différents repères temporel pour l'aider à y associer des sensations, il restait calme, en toute occasion. Son trentième anniversaire … son arrivée à la tête de l'équipe … son interrogatoire … sa réapparition. Le temps semblait s'étirer. Elle se sentait approcher du point de rupture habituel. Les signaux coutumier commencèrent à se manifester : respiration saccadée, tourbillon sombre et violent. Ses mains se serrèrent un peu plus, leurs jointures perdirent de leur couleur. Cette fois, elle voulait aller jusqu'au bout enfin, elle le croyait. Elle fit encore un pas en arrière. Les mots du docteur Brown se perdirent dans les brusques souvenirs qui surgissaient.
▬ FLASHBACK ▬
FEMME ▬ Vous savez où vous êtes ? … ça va aller, ne vous inquiétez pas, j'ai appelé les secours.
Tremblotante, frissonnante, elle ne comprenait rien. Elle voyait cette dame avec son manteau rouge et son bonnet qui lui cachait la moitié du front mais ne voyait que ses lèvres bouger. Aucun son ne résonnait. Elle avait l'impression de ne pas évoluer dans le même monde. Tout était flou et même la circulation qu'elle discernait derrière la femme lui apparaissait, silencieuse. Elle avait mal, elle avait froid. Elle ne savait même pas comment est-ce qu'elle avait pu atterrir ici, dans cette allée, loin de tout. Elle avait l'impression de sortir d'un cocon et d'affronter le monde au dehors. Tout lui apparaissait différemment. La femme se débarrassa de sa veste, la couvrant de celle-ci non sans parler encore, toujours silencieusement. La fumée qui sortait de sa bouche témoignait de la fraîcheur environnante, elle tenta un sourire avant de porter la main à sa tête, un douleur s'établissant sur son front. Poisseuse, sa main apparut à son regard, elle saignait un peu. Une blessure miraculeusement apparue et une ville inconnue, elle ne comprenait rien. Le noir se fit dans son esprit.
▬ ▬
Lumière aveuglante. Voix chuchotant. Bruits incessants. Tout cela résonnait encore dans son esprit endormi. Prenant tout son temps pour se réveiller lentement, elle tenta de bouger un doigt unique. Elle ne voulait pas avoir de la compagnie. Elle ne voulait pas qu'on la sache réveillée. Ne sentant aucune résistance mais surtout aucune douleur, elle serra un peu plus les paupières, soufflant discrètement avant de se relever brusquement. Son monde se mit à tourner et voulant sortir de ce lit qui n'était pas le sien, finit par chuter à terre, ses mains lui permettant de justesse d'éviter le choc entre sa tête et le sol. Des cris la percutèrent de toute part de la même manière qu'elle sentit des mains la saisir avec vigueur mais douceur. Elle fut remise au lit et ce malgré sa faible lutte ponctuée de « non ! » peu vigoureux.
FEMME ▬ Doucement mademoiselle, faites attention, cela pourrait se rouvrir.
Se rouvrir, mais quoi donc ? Observant étonnée et perdue l'aide soignante qui lui faisait face, elle se recula autant qu'elle le pouvait dans le lit. Elle avait un peu peur, toute cette vivacité chez la jeune femme faisait écho à sa propre faiblesse. Elle voulait comprendre mais n'arriva pas à sortir un mot. Sa gorge était sèche, ses lèvres semblaient s'effeuiller, sa voix s'enroua.
FEMME ▬ Ne vous inquiétez pas, le médecin ne va pas tarder à arriver. Reposez-vous en attendant.
Se reposer ? Elle en avait de bonnes ! Elle devait sortir d'ici. Les médecins, elle les évitait le plus possible, elle n'en avait pas besoin, elle allait très bien. L'aide soignante finit par sortir de la pièce, la laissant seule non sans lui avoir lancé un dernier regard d'avertissement. Elle s'en moquait. Elle voulait sortir d'ici. Se redressant, elle tenta de nouveau la dure entreprise de se mettre sur ses deux jambes. La robe d'hôpital n'arrangeant pas son malaise, elle parvint enfin à trouver un équilibre précaire. Logique, elle réalisa qu'ainsi habillée, elle ne pourrait aller loin. Avisant un salle attenante à la chambre, elle s'y dirigea tant bien que mal. Une petite salle d'eau était là pour les patients. Elle trouva son bonheur dans un peignoir beaucoup trop large pour elle. La ceinture serrée à fond, elle dut se résoudre à tenir les pans l'un contre l'autre avec une main. Il restait trop grand. Relevant les yeux de la ceinture inutile, elle fixa le miroir. Elle ne comprit pas. Elle ne se voyait pas dans l'image qu'on lui renvoyait. Plus vieille qu'elle, la personne qui regardait elle aussi le miroir avait des cheveux … blonds ? Elle n'avait jamais été blonde. Trop déstabilisée par son reflet, elle chuta de nouveau, un moment d'inattention avait suffit. Le médecin surgit à cet instant là. La rabrouant pour son irresponsabilité, il l'entraîna de nouveau vers le lit et lui promit une sécurité si elle ne restait pas tranquille. Elle avait besoin de repos. Repos … on lui disait ceci, encore une fois mais, pourquoi ? Que s'était-il passé ? Pas de temps pour les réponses, elle entendit plus qu'elle ne vit une masse débouler dans la chambre, bousculant presque le médecin et la prenant dans ses bras en … pleurant ?
HOMME ▬ Iseult, mon Iseult … je … j'ai eu si peur. Six mois ! Six mois Iseult, où étais-tu bon sens ? Que t'est-il arrivé ?
Bonne question … Et qui était cet homme ?
MEDECIN ▬ Je vous en prie Monsieur, elle est encore faible, vous devriez lui laisser le temps de revenir complètement à elle. Elle a vécu une épreuve difficile.
Merci doc ! Du temps, qu'on lui laisse de l'espace surtout ! Elle était complètement revenue mais restait toujours perdue, qu'étais cette histoire ? Quelle épreuve avait-elle vécu ?
ISEULT ▬ Qui êtes-vous ? Que s'est-il passé ?
Ses premiers mots. La voix rauque, elle s'était adressée à l'inconnu puis au médecin.
HOMME ▬ Iseult … C'est moi …
MEDECIN ▬ Doucement, il se peut que les derniers évènements lui ait fait perdre momentanément la mémoire. Elle a subit un gros choc.
HOMME ▬ Mais, je suis son mari docteur ! Elle … On se connaît, je veux dire, je vis avec elle depuis plus d'un an.
ISEULT ▬ Mariée …
La réalisation était dure. Aux dernières nouvelles, elle avait vingt quatre ans et vivait encore avec ses parents, continuant ses études de droit. Plus rien n'allait comme avant. Elle-même était différente.
ISEULT ▬ Où suis-je ?
MEDECIN ▬ Vous êtes à l'hôpital de Détroit mademoiselle. Je suis le docteur Elvis.
Détroit … elle était encore chez elle. C'était au moins ça. Trop occupée à réfléchir et se questionner, elle ne prêta même pas attention au nom donné par le médecin. Dans d'autres circonstances, elle aurait déjà trouvé une blague ou une réplique bien cinglante pour caractériser l'homme.
HOMME ▬ Iseult … s'il te plaît. Tu ne peux pas avoir oublié notre mariage comme ça. Notre … vie. Je t'en prie.
ISEULT ▬ Je ne vous connais pas … désolée.
Elle avait rajouté cela en apercevant le regard perdu, triste et déçu de celui qui se disait son mari.
DR ELVIS ▬ Monsieur Ainsworth, votre femme a besoin de calme et de repos. Sa mémoire reviendra progressivement, c'est encore le contre coup qui la perturbe. Laissons-là dormir.
Trop prise dans ses pensées, elle ne fit pas attention à la main du médecin. Elle ne prêta pas attention au regard de « Monsieur Ainsworth son mari » et commença à ressentir un engourdissement. Son esprit devenait flou. Elle se sentait partir. Elle réagit enfin. On lui avait administré de quoi se reposer … elle ne le voulait pas mais, elle n'avait pas le choix. Elle dormait déjà et n'entendit pas, ne vit pas son mari s'écrouler et le médecin lui rendre compte de l'état de la jeune femme. Il y avait pire, il y avait mieux. Elle avait perdu deux années de sa vie.
▬ FLASHBACK ▬
Elle avait encore raté le tout. L'expérience ne l'avait fait revenir qu'à la limite de cette barrière, de cet instant où tout avait recommencé, après cette vie qui lui était inconnue aujourd'hui encore. Lâchant prise, elle se retrouva, les bras ballants, la respiration sifflante et les yeux fermés au milieu de la pièce. Elle n'entendait même plus cette voix qui lui disait quoi faire. Ses souvenirs revenaient comme si son voyage avait eu lieu, elle s'y revoyait. Elle revoyait le médecin et lui … elle avait refusé ses visites, avait même refusé de répondre au téléphone. Il avait cessé d'appeler, il ne continuait qu'à lui envoyer les mêmes courriers, chaque semaine. Il ne voulait pas qu'elle l'oublie … c'était trop tard, elle n'avait toujours aucun rappel, rien et ne voulait pas entendre parler d'un mariage qui ne semblait pas la concerner personnellement ! Elle était étrangère à son propre mariage.
DR BROWN ▬ Iseult, ouvrez-les yeux.
Elle s'exécuta, laissant la ligne disparaître petit à petit. Elle laissait de nouveau son passé s'évaporer.
DR BROWN ▬ Je crois que nous avons suffisamment travaillé pour aujourd'hui. Pourquoi ne pas discuter ?
ISEULT ▬ Encore ? Je pensais que tout avait été dit …
DR BROWN ▬ Que ressentez-vous ?
ISEULT ▬ De la frustration. Je ne peux rien atteindre … j'ai l'impression de ne plus rien contrôler mais, vous voulez continuer … quelle perte de temps.
DR BROWN ▬ Rien n'est perdu tant que vous ne vous en persuadez pas.
ISEULT▬ Je me sens si …
Elle détourna son regard vers la fenêtre. Un main passa nerveusement dans ses cheveux. Elle poussa un soupir et se retourna de nouveau vers le thérapeute. Elle dut s'y reprendre à deux fois avant de sortir le mot. Lui, attendait patiemment qu'elle parle.
ISEULT ▬ ... Lâche.
Articulé avec difficulté, le mot avait à haute voix plus de signification encore que dans sa tête. Les larmes montèrent, avant qu'elle ne les refoulent discrètement.
DR BROWN ▬ Le courage n'est pas d'être sans peur. Il est dans le combat perpétuel, celui de tous les jours contre ses peurs.
ISEULT ▬ Je sais.
Elle fixa le médecin. Malgré ces mots, elle restait désespérée. Le temps était ressenti différemment en soi, considérablement différent de l'un à l'autre. Il fallait parfois un certain moment avant d'être capable d'appréhender soi-même que qui était pourtant évident intellectuellement. Le médecin sembla la sauver de son désarroi :
DR BROWN ▬ Votre passé quel qu'il soit et quoiqu'on en dise est le vôtre et seulement le vôtre. Personne ne peut décider à votre place cette régression que nous entreprenons. Vous avez paru d'accord avec cela plus tôt. Vous aviez pris votre décision. Il se peut tout de même que cela prenne du temps. Vos souvenirs se sont barricadés profondément. Laissez leur le temps de ressurgir à la surface.
ISEULT ▬ Je voudrais que tout ça ne soit jamais arrivé. Je voudrais être restée à cet instant où je rentrais chez moi comme tous les jours sans ce trou de vingt six mois entre l'université et ma bonne maison.
Elle se sentait tellement inutile et dépendante de ses souvenirs ou, dans son cas, de son manque de souvenirs. Compréhensif, elle observa le thérapeute qui hochait la tête.
ISEULT ▬ Parfois je me demande à quoi ressemblerait ma vie sans cela. Si … si j'aurai fini par me nommer Ainsworth et si … si j'aurai eu la même carrière.
Qui n'avait pas rêvé un jour que sa vie soit différente de celle de tous les jours ? C'était humain. Elle devait toutefois pas garder en tête ses considérations utopiques qui ne l'aidait pas dans son entreprise.
DR BROWN ▬ Personne ne peut répondre à cela. Mais, vous n'avez qu'une vie Iseult … et c'est celle-ci. Vous pouvez décider de votre futur rien n'est déjà défini, vous pouvez encore faire votre vie. … Bien. Que se passe-t-il exactement au moment où vous quitter l'expérience ?
ISEULT ▬ Je ne sais pas. Je revois toujours la même chose et, je sais. Je sais que j'ai envie de continuer mais c'est comme si mon propre corps me trahissait. Même mes souvenirs conscients se perdent, mon ventre se sert. Je n'arrive plus à respirer.
DR BROWN ▬ C'est encourageant … dans la mesure où nous cherchons justement à produire une réaction inconsciente.
ISEULT ▬ Oui enfin là … c'est tellement inconscient que je ne contrôle plus rien.
DR BROWN ▬ Il y a peut-être un autre moyen.
ISEULT ▬ Hors de question. Nous en avons déjà discuté, l'hypnose ne me tente pas.
DR BROWN ▬ Ce serait pourtant un bon moyen de contourner cette barrière en vous et d'entre en liaison avec votre inconscient …
ISEULT ▬ Écoutez docteur, je ne veux pas en entendre parler. Je veux être là, je veux être consciente lorsque tout ressurgira. Je veux pouvoir … me contrôler.
Elle lui lança un regard perçant. Pourquoi insistait-il ? Elle avait déjà été suffisamment clair.
DR BROWN ▬ C'est votre manière de procéder n'est-ce pas ? Vous repoussez ce qui est hors de votre champ de contrôle.
ISEULT ▬ Et alors, je ne me sens pas seule dans ce cas. Qui aime tant que cela l'imprévu et l'inconnu. Le contrôle nous donne ce pouvoir de décision. C'est que l'on appelle encore, aux dernières nouvelles, le libre arbitre. Vous connaissez je pense, non ?!
DR BROWN ▬ Et qu'est-ce qui vous donne ce besoin impérieux de tout contrôler comme cela ?
ISEULT ▬ Tout contrôler ? Je ne demande rien … mais il faut croire que je n'accepte plus que l'on me dise quoi faire.
DR BROWN ▬ L'implication de votre père dans votre poste.
ISEULT ▬ Ce n'est en rien une première fois, mon père aime à intervenir sans avoir mon autorisation … c'est une vieille habitude.
▬ FLASHBACK ▬
La vingtaine, tout juste, elle rentrait tôt. La porte claqua sur son passage, son visage reflétait la colère et la contrariété. Ses affaires jetées sans ménagement dans la pièce, elle envoya balader ses chaussures et se laissa tomber sur le lit. Sans doute l'avait-on entendu, sans doute nierait-elle s'être emportée ainsi plus tard. Pour l'instant, son esprit était trop embrumé par la colère pour faire face à ces considérations-ci. Elle ressortit de la chambre, le visage fermé. Son père apparut, sortant de son bureau, le visage sévère.
MR CROSSMAN ▬ Tu devrais faire encore plus de bruit en rentrant, Ise' !
ISEULT ▬ Non mais, de quoi te mêles-tu encore ! Tu n'en fais jamais assez !
MR CROSSMAN ▬ Je suppose que tu as appris pour ton admission à Yale.
ISEULT ▬ Mais papa, qu'est ce qu'il t'a pris ?! Je n'ai pas besoin que tu fasses jouer tes super relations pour sois-disant me faciliter la vie. Ça s'apprend vite ce genre de chose. Le professeur d'économie a été très heureux de l'apprendre, je suis à peine cataloguer ! Iseult Crossman, la fille à papa pistonner pour obtenir sa place à Yale … C'est ça que tu veux, vraiment ? Que l'on pense que j'ai monté les échelons que j'ai réussi dans la vie que parce que je suis la petite fille de Mr Crossman ? J'aurai réussi le concours d'entrée sans ton aide … si je l'avais voulu.
MR CROSSMAN ▬ Tu aurais pu réussir, bien sûr. Mais seuls quelque uns peuvent avoir la chance de suivre ta formation. Rien ne garantissait que tu sois parmi eux. Alors peut-être qu'un « merci » ne serait pas de trop non ?!
ISEULT ▬ Oh, merci papa. Merci de me rendre la vie si simple. Merci de croire que je ne suis qu'une incapable qui ne peut se débrouiller sans l'appui de Mr le directeur des médias de la région ! Merci de penser que j'allais rater ce maudit concours. Merci ! C'est bon, tu es satisfait ?
Sans laisser le temps à son père de répondre à ses paroles, elle avait tourné les talons et s'était enfermée dans sa chambre claquant une nouvelle fois la porte. Ces traitements de faveur, ces courbettes devant la fille de Mr Crossman, elle n'en pouvait plus. Tout cela lui était imposé. Son père croyait l'aider, c'était tout le contraire qui se faisait. Les professeurs allaient tous la voir comme une incompétente privilégiée qui avait pris la place de quelqu'un de plus méritant. Elle détestait ces privilégiés, elle ne voulait pas admettre qu'elle en était une … elle se détestait d'autant plus.
▬ FLASHBACK ▬
DR BROWN ▬ Cela doit être frustrant de voir que vous deviez votre admission à votre père, non ?
ISEULT ▬ Bien sûr que oui, j'ai d'ailleurs fini à l'université de Détroit pour conjurer la chose … Non mais, vous ne savez que parler de ça ? Dire des banalités d'une évidence même ? C'est bien ce que je pensais … Les psy ne servent à rien, juste à enfoncer ce qui est déjà ouvert.
DR BROWN ▬ Vous savez, c'est un autre de vos problèmes …
ISEULT ▬ Et bien !
DR BROWN ▬ Vous méprisez ce qui ne va pas dans votre sens.
ISEULT ▬ Vraiment navrée d'avoir heurtée votre susceptibilité … Un câlin peut-être ? Non mais, plus sérieusement … Moi, je suis sur le terrain, je cherche à informer les gens à leur révéler la face cachée des choses et à leur donner de l'espoir lorsque je le peux … Et vous ? Vous vous asseyez dans ce fauteuil gris et passez votre journée à écouter les gens pleurer sur eux. Il y a une légère différence, avouez-le.
DR BROWN ▬ Charmante vision des choses.
ISEULT ▬ Seule la vérité blesse.
DR BROWN ▬ Et si nous reprenions plutôt sur votre père ?
ISEULT ▬ J'ai dit tout ce que je voulais dire.
DR BROWN ▬ Je ne suis pas d'accord. Vous avez juste raconté une dispute … je pense que vos liens ne se limitent pas à cela seulement …
ISEULT ▬ Et en plus vous êtes un mauvais psy ! Vous êtes diplômé au moins ? … Bien sûr que si, ils se limitent à ça. J'adore mon père, j'ai beaucoup de respect pour lui et pour ce qu'il a fait en général mais la plupart de nos conversations réelles ne sont que des disputes. Il veut diriger ma vie à ma place et ce n'est pas de mon goût ! Comme cette … promotion. J'aurai cru qu'avec ça … avec ce qui était arrivé, il aurait changé … il est juste devenu plus détaché et me bride à distance. S'il croit que je ne le vois pas. Dès mon admission à l'hôpital, j'étais seule. J'avais ma chambre, mon médecin. Je me sentais à part. Je n'aimais pas ça. Et … il n'est pas venu une seule fois. Un homme dont je ne connais rien est venu mais … pas lui. Toutes ces choses qu'il fait encore pour moi, il dit faire cela pour m'aider et faire avancer ma carrière comme il le peut mais je suis certaine que cela cache autre chose. Il est loin de ne voir qu'une seule chose à la fois. Il ne fait jamais rien pour rien. Il doit y avoir un autre raisonnement plus dur … derrière tout ça.
DR BROWN ▬ Comme quoi ?
ISEULT ▬ Je n'en sais rien. Il ne fait, encore aujourd'hui que me dire de ne pas brusquer les choses et que si je ne veux pas voir mon mari, il n'y a aucune raison pour qu'il continue à m'adresser la parole. Cela peut paraître digne d'un bon père mais dans son ton … je dirais qu'il ne l'aime pas. Et, ce qui est étrange … personne ne me dit rien. C'est comme si personne n'était là pour me dire ce qui s'est passé durant ces deux années. Même mon père. J'ai l'impression de louper quelque chose d'important, que l'on me cacher quelque chose … et ne dites pas que je deviens paranoïaque en plus du reste !
DR BROWN ▬ Qu'en disent les policiers ?
ISEULT ▬ Dans la mesure où ils n'ont rien, aucune piste sur ma disparition et qu'ils n'ont jamais réussi à communiquer avec mon mari … l'enquête a été mise de coté, classée sans suite. Laissée pour compte. C'est mon histoire, ma vie. On me refuse ce savoir.
DR BROWN ▬ C'est pour cela que vous êtes encore dans mon cabinet.
ISEULT ▬ Je suis juste là parce que je n'ai pas le choix.
DR BROWN ▬ Que comptez-vous faire maintenant ?
ISEULT ▬ Continuer à travailler, monter les échelons sans l'aide de mon paternel. Garder mes distances avec ses décisions personnelles me concernant tout en restant en bons termes professionnellement. Et, aussi, reprendre contacte avec mon mari. Je ne sais pas comment mais je le contacterai. Je veux découvrir ce que j'ai fait de mes années, savoir pourquoi ces changements durant ma disparition. Je veux continuer à travailler pour savoir ce qui est oublié.
DR BROWN ▬ Très bonne et sage décision.
ISEULT ▬ Donc on est d'accord ? Je suis une bonne journaliste. Vous pouvez signer mon papier maintenant.
DR BROWN ▬ Aucun problème.
Le bout de papier en main, il le lui tendit après signature et tamponnement. Elle se leva et se dirigea vers la porte. Elle n'était pas sûre de retourner le voir. Le voir lui en tout cas. Il lui faudrait percer la barrière mais ce psychologue en savait bien trop à son goût. Par politesse, elle lui serrait la main qu'il lui tendait et avant de pouvoir sortir de la pièce, il précisa :
DR BROWN ▬ Si vous voulez parlez, un jour, n'hésitez pas à prendre un rendez-vous. Je me libèrerai.
Elle laissa échapper un rire pour le moins sarcastique. Tournant les talons, elle ne prit pas la peine de répondre à l'absurdité de tels propos.
franche ϟ directe ϟ un peu froide ϟ bornée ϟ jalouse ϟ professionnelle ϟ fonceuse ϟ acharnée ϟ douée ϟ déterminée ϟ vexante ϟ cassante ϟ droite ϟ souriante ϟ sarcastique ϟ meneuse ϟ obsédée du contrôle ϟ donneuse d'ordres.
en conflit avec son père ϟ mariée à un inconnu ϟ deux années et deux mois sans souvenirs, sa 26 et 27ème année ϟ chaleureuse avec ses amis ϟ chef d'équipe ϟ amatrice de lecture en tout genre ϟ bonne comédienne ϟ phobique des serpents ϟ pratique différents sports de défense ϟ aime à avoir sur elle un foulard offert pour ses 16 ans ϟ diplômée de l'université de droit ϟ aime le froid ϟ parle 5 langues : français, italien, finnois, allemand et anglais.