Hey, we're neighbors !

ft. Tia S. Otto

Nouvelle affaire, nouvelles choses à faire !

Un citoyen britannique s'était récemment fait arrêter, après son atterrissage à Newark. Pourquoi est-ce que le dossier tombait sur la table des marshals à Detroit ? C'était plus au central du département de la justice de s'en charger, à première vue, en coopération avec les affaires extérieures, parce que Londres allait vouloir le récupérer, le gugusse. Mais en fait, non, si cet homme était venu aux Etats-Unis, c'était pour une raison précise, et la vie d'une jeune citoyenne vivant à Detroit était potentiellement menacée. Le FBI avait vite fait le rapprochement entre ce type et un jeune mannequin rose bonbon, Tia Shane Otto, vivant à deux pas de chez Marlon, Railway Place, au 799.
Comme il avait été arrêté sur demande des Britanniques, il fut délicat de savoir exactement pour quoi : il fallait passer par les autres agences fédérales ; mais les charges tombèrent bien vite : coups et blessures sur son conjoint. A en croire l'agent spécial qui avait téléphoné au bureau, ce n'était pas sa première fois, et la femme soumise qu'il avait pris ces derniers temps s'était révélée plus courageuse que prévu lorsqu'elle avait décroché le téléphone dès qu'il fut parti pour l'aéroport. Il aurait eu l'intention de se venger d'une vieille offense.

Autrement dit, en plus d'avoir été sa cible, cette chère Tia Otto aurait pu être et victime, et témoin à charge. Autant dire que l'intérêt de la justice était d'aller la voir. Elle avait non seulement le droit de savoir qu'elle était passée à côté de gros problèmes, mais aussi le devoir de prendre la parole à un procès, ou du moins d'apporter son témoignage, puisque le procès en question allait se dérouler de l'autre côté de l'Atlantique de toute façon. Le député Gray considéra que la charge devait lui revenir de prendre contact en personne ; il y irait en rentrant, et partirait une heure plus tôt pour éviter de se marquer des heures sup' ; l'administration détestait payer les heures supplémentaires, ces temps-ci, et lui détestait en faire, depuis toujours.
Aussi, ce soir-là, se gara-t-il devant chez lui un peu plus tôt, et remonta la rue au lieu de rentrer. Le ciel virait au gris, ne tarderait pas à noircir lorsqu'il sonnerait. Passé un croisement, plusieurs villas se succédaient jusqu'aux bords du lac. Le 799 était une adresse plutôt cossue. Le marshal poussa le portillon, entra doucement en tendant l'oreille - pas de chien, tout va bien - , puis alla jusqu'au porche, sonnant deux fois jusqu'à entendre des pas légers s'approcher derrière la porte. On ouvrit. Il glissa sa tête dans l'embrasure et présenta sa plaque.

" Bonsoir mademoiselle Otto, député Gray, marshal des États-Unis. Navré de vous importuner à cette heure, mais j'aimerais m'entretenir de votre ex conjoint avec vous. Il a été arrêté à Newark, tôt ce matin. D'après sa compagne actuelle, il venait pour vous. Puis-je entrer ? "

Il avait donné ces quelques mots avec légèreté, mais il se voulait rester sérieux et impassible. De l'autre côté de la porte, il sentait avoir touché un point sensible. Il lui suffisait maintenant d'attendre un peu.

Ce soir, j'avais décidé, pour une fois, de ne pas sortir. A quoi bon se faire du mal en regardant celui qu'on aime en secret, rire et draguer une belle inconnue ? Surtout que, la belle inconnue en question était bien belle, si vous voyez ce que je veux dire. Je savais aussi que mon frangin n'était pas bien loin mais je n'étais pas encore sûre de vouloir le revoir, et bien que j'affectionne Gabriel et son fils, je ne voulais pas voir Sacha, pas encore. C'était trop tôt. Il avait assisté à ce qui c'était passé bien des années plus tôt, du moins il savait pertinnement ce que j'avais enduré sans lever le petit doigt. Quand ta soeur est en danger, la moindre chose à faire, quand tu es l'aîné, c'est de venir l'aider mais Sacha n'avait rien fait.

Je me suis fait quelques douceurs et j'avais préparé un plateau repas afin de ne plus bouger du canapé. Pinky dormait près de moi. Vêtue d'un vieux tee-shirt bien trop large, bien trop grand pour moi ainsi qu'une paire de grosses chaussettes en laine, j'étais posée, tranquillement sur le dit canapé quand quelqu'un frappa. Au début, je pensais que c'était une erreur et puis, l'on frappa de nouveau. Je regarde l'heure qui est tardive soit dit-en-passant.

- Qui ça peut bien être ?

Je souffle discrètement et me dirige vers la porte que j'entre-ouvre. Un homme d'un certain âge, pas qu'il soit vieux, il pourrait être mon père, je pense, me sourit et se présente.

- Bonsoir mademoiselle Otto, député Gray, marshal des États-Unis. Navré de vous importuner à cette heure, mais j'aimerais m'entretenir de votre ex conjoint avec vous. Il a été arrêté à Newark, tôt ce matin. D'après sa compagne actuelle, il venait pour vous. Puis-je entrer ?

A ses mots, mon sang se glace brutalement. Il voulait finir son travail si c'est bien ce que j'ai compris ? Je me mets à trembler fortement et ma gorge s'assèche très vite. Cependant, malgré ma réticence, et après avoir dégluttis une bonne dizaine de fois, difficilement, je consens à ouvrir la porte.

- Je... oui bien sûr...

code by biscotte

La damoiselle aux cheveux roses était resté un bref instant figée. A priori, elle savait très bien de qui et de quoi il parlait, et avait une bonne idée de la raison pour laquelle l'homme était venu jusqu'aux États-Unis. En considérant qu'il ait pris le train jusqu'à Detroit, à l'heure qu'il est, ce serait lui, devant sa porte ; elle ne devait sa survie qu'au courage de celle qui lui avait succédé sous les coups de son ancien compagnon. Elle ne s'en rendait peut-être pas complètement compte. S'il était à sa place, Marlon non plus ne réaliserait probablement pas tout à fait. Même malgré son âge, il y avait toujours une différence entre ce qui ne vous atteignait pas et ce qui vous concernait. Elle avait fini par le laisser entrer en balbutiant, tirant la porte pour lui laisser une place. Marlon se faufila, la remerciant d'un signe de tête. Dehors, la bise du soir se renforçait. Il faisait bien meilleur à l'intérieur. En la croisant, il constata son air bouleversé, et marqua un temps d'arrêt pour la fixer, lui posant quelques secondes une main sur l'épaule en murmurant :

" Ne vous inquiétez pas, le pire a été évité. Désormais, vous n'aurez vraiment plus rien à craindre de lui. "

Il la relâcha et pénétra dans le séjour. Il se sépara de son stetson et de sa veste, qu'il accrocha à un porte-manteaux dans l'entrée, et s'était assez bien essuyé les semelles pour ne rien laisser à terre. En silence, il repéra une table, et s'assit à une chaise. Avec un sourire compatissant - ne pas prendre les gens en pitié ne l'empêchait pas de témoigner du respect à leurs états d'âme -, il invita la jolie jeune femme, encore sous le choc, à s'installer à une chaise à proximité. Il ne comptait pas élever la voix. Il faudrait rester doux et délicat, ce soir. Il était évident que le retour de cet olibrius dans son existence était loin de la rassurer, de la ramener aux bonnes choses de la vie. C'était parfois terrible de constater le mal que certains faisaient autour d'eux. Certaines religions leur promettaient l'Enfer, d'autres un retour de karma violent dans leur prochaine vie. Dans tous les cas, les bourreaux devenaient victime, et le marshal considérait que, si un pouvoir divin existait, il avait certainement mieux en tête qu'une vengeance éternelle contre les vilains petits canards.
Quoi qu'il en soit, souvent, se dire qu'ils le paieraient, tôt ou tard, rassurait, maintenant un semblant d'ordre, et poussait les victimes d'aujourd'hui à continuer à vivre sans se détruire. C'était bien.
Lorsque Tia se fut assise, Marlon croisa ses doigts, joignit ses mains, et laissa flotter un peu de silence, avant de se lancer, avec une voix assez douce pour la laisser émerger sans soucis, et ne pas lui paraître comme un vecteur de mauvaises nouvelles.

" Il sera évacué vers la Grande-Bretagne dès demain. C'est là-bas qu'il sera jugé, puisque celle qui a porté plainte pour coups et blessures est là-bas. Autant dire qu'il y aura un océan entre vous, en plus des murs et barreaux de sa maison d'arrêt. "

Un nouveau silence. Cette fois, il reprit un peu plus normalement :

" La plaignante vous a probablement épargné un séjour en soins intensifs, voire la vie, en osant se dresser contre lui. Nous n'avons pas le droit de vous forcer, mais, je suis là pour vous enjoindre à apporter un témoignage pouvant assurer sa condamnation. Si la partie civile est capable de prouver qu'il était aux États-Unis pour retrouver son ancienne petite amie et la battre à mort, son profil de brute épaisse ne sera même plus mis en doute. Vous n'êtes pas obligée d'y aller de vous-même, un entretien sur le sol américain sera suffisant. Est-ce que vous vous sentiriez prête à ça ? "

Ça faisait sans doute beaucoup à digérer d'un coup. Marlon regrettait de ne pouvoir guère prendre de pincettes. On exigeait de lui qu'il évite autant que possible de copiner avec les témoins protégés, et les personnes devant éventuellement en faire partie sous peu. D'après le député-chef, ça n'aidait ni les témoins, ni soi-même, de créer des liens. Alors il s'efforçait de ne pas paraître assez gentil pour ça.

Il avait un charisme qui forçait le respect mais, il restait un homme de loi et j'avoue qu'il m'intime énormément. Certes, il ne parait pas être un mauvais bougre, je dirais même qu'il me semble tout à fait sociable et sympatique, seulement, je ne voulais créer aucun lien de quelque sorte que ce soit avec lui. Sa main sur mon épaule, me mis mal à l'aise car, je n'aimais pas que l'on me touche sans ma permission, et encore moins si c'était un homme. Le seul qui arrivait à le faire sans que je ne réagisse violemment était Alexander. Cependant, je ne fis rien.

- Ne vous inquiétez pas, le pire a été évité. Désormais, vous n'aurez vraiment plus rien à craindre de lui.
- D'accord..

Ma voix tremble fortement mais j'essaye de me reprendre. Chose difficile quand votre passé, aussi douloureux soit-il, vous revient en pleine face. Je m'y attendais mais pas aussi tôt. Je referme la porte derrière lui, prenant bien soin de la verrouiller puis le rejoins dans le séjour. Je m'installe sur une chaise en face de lui, Pinky, sentant sûrement que ça ne va pas, vient me rejoindre, quémandant un câlin réconfortant. Je ne vais pas lui refuser car sans lui, il serait fort probable que j'en aurais fini définitivement.

- Il sera évacué vers la Grande-Bretagne dès demain. C'est là-bas qu'il sera jugé, puisque celle qui a porté plainte pour coups et blessures est là-bas. Autant dire qu'il y aura un océan entre vous, en plus des murs et barreaux de sa maison d'arrêt.

J'avoue que ses mots me détendent un peu mais je n'oserais pas sortir temps que l'affaire ne sera pas terminée. Je n'ai pas beaucoup d'amis ici, car malgré que cela fasse pratiquement deux ans, à part mes élèves et Alexander, je ne parle pas beaucoup aux autres.

- La plaignante vous a probablement épargné un séjour en soins intensifs, voire la vie, en osant se dresser contre lui. Nous n'avons pas le droit de vous forcer, mais, je suis là pour vous enjoindre à apporter un témoignage pouvant assurer sa condamnation. Si la partie civile est capable de prouver qu'il était aux États-Unis pour retrouver son ancienne petite amie et la battre à mort, son profil de brute épaisse ne sera même plus mis en doute. Vous n'êtes pas obligée d'y aller de vous-même, un entretien sur le sol américain sera suffisant. Est-ce que vous vous sentiriez prête à ça ?

- Je... Oui je pense en être capable, ne serait-ce que pour soutenir la jeune femme qui a subi les mêmes sévices que moi mais, je ne veux pas le revoir... Comprenez bien que rien que l'apercevoir me fera replonger dans le cercle vicieux de la dépression alors que j'en sors à peine.. Je veux avancer dans la vie et je sais que m'apitoyer sur mon sort ne fera qu'empirer la situation. Donc, comme je vous l'ai dit, je témoignerais mais je ne veux pas le voir ni même l'entendre. C'est tout.

Je caresse Pinky distraitement, essayant de tout encaisser.

code by biscotte

Observant la jeune femme, le marshal hochait la tête avec intérêt, notant son courage et sa force de caractère. On lui avait souvent signifié à quel point les victimes, lorsqu'elles étaient retrouvées tard dans le cadre d'une affaire ne les impliquant pas à l'origine, pouvaient se montrer réfractaires, et parfois violentes. Ça se comprenait : quand on passait un temps considérable à se reconstruire à la suite d'une expérience traumatisante, on n'avait pas vraiment envie de s'y faire ramener, surtout si subitement. Tia Otto était de ces personnes qui donnaient à certaines un aperçu de ce que pouvait être l'héroïsme commun.

Son courage l'impressionnait tant qu'il se dit qu'il était prêt à faire des heures sup' s'il fallait, d'aventure, se battre pour lui éviter tout contact avec son ex compagnon. Il comprenait son aversion, encore que sa nature à lui l'aurait plutôt poussé vers une grande confrontation finale, autodestructrice et tapageuse ; mais il devait être simplement moins sage que cette demoiselle. Il acquiesça d'un signe appuyé à ses paroles, et s'occupa de se munir d'un petit pad pour y mettre à jour l'entrée la concernant. Le bureau saurait immédiatement qu'elle était prête à coopérer, et qu'elle ne voulait aucun contact avec le type ; il appuya suffisamment sur le dernier point pour que ça soit vu et assimilé, une vieille habitude de l'armée.

Ce fut rapide. Une fois fini, il remit son pad en poche et expira profondément, adressant un sourire de gratitude sincère à Tia.

" Je comprends et je respecte votre désir. Les marshals feront tout pour vous éviter ce désagrément, soyez-en sure ; je m'en assurerai personnellement. Sachez que vous nous ôtez une sacrée pression des épaules, et que vous rendez un immense service à la Justice. La difficulté de la décision ne rend votre choix que plus beau encore.
" A présent, si vous le permettez, Melle Otto, je vais me retirer, et vous laisser ... accuser le coup avec vous-même. En cas de besoin - quelle que soit l'heure ... "

Il avait sorti sa carte et la lui tendit, attendant qu'elle l'ait prise pour jeter un coup d’œil à son animal de compagnie, qui l'avait rejointe depuis qu'il était là. Elle avait beau vivre seule, elle n'était pas toute seule pour autant. Cela réconfortait le marshal, lui laissait penser qu'elle saurait s'en tirer ; elle avait beaucoup plus de force que les apparences pouvaient le laisser penser.

- Je comprends et je respecte votre désir. Les marshals feront tout pour vous éviter ce désagrément, soyez-en sure ; je m'en assurerai personnellement. Sachez que vous nous ôtez une sacrée pression des épaules, et que vous rendez un immense service à la Justice. La difficulté de la décision ne rend votre choix que plus beau encore.
- Je suis ravie de pouvoir aider avec les quelques moyens que je possède. J'espère qu'il sera bien puni pour ce qu'il a fait... Certes, j'aurais pu faire les démarches en première mais... mais j'avais peur. Je vous remercie Monsieur.

Je trouve cet homme plutôt surprenant. Il a quelque chose qui me mets à l'aise. Je ne sais pas si c'est son grade ou bien sa voix mais, mes appréhensions se sont dissipées en quelques secondes. C'est comme ci tout le poids de mon passé s'était envolé en un claquement de doigts. Je lui souris, un peu plus sûre de moi.

- A présent, si vous le permettez, Melle Otto, je vais me retirer, et vous laisser ... accuser le coup avec vous-même. En cas de besoin - quelle que soit l'heure ...

Je me lève en même temps que lui, gardant Pinky dans mes bras. Je récupère sa carte et la garde précieusement. J'espère que je n'aurais pas à le déranger prochainement.

- Je vous remercie, je conserve votre numéro précieusement.

Je le raccompagne jusqu'à la porte.

- Merci encore. Bonne fin de soirée et, je me tiens également à votre disposition, cela va de soit.

code by biscotte

Il aurait fallu plus de clients comme elle. La pression de la journée s'était évanouie, après cette dernière intervention qui sortait carrément de l'ordinaire. On pouvait penser que les marshals avaient la belle vie, eux qui n'étaient pas tenus de répondre à toutes les batailles de poivrots et les scènes de ménage des environs. Leurs journées restaient faites de fugitifs, parfois armés, parfois désaxés, parfois organisés en bandes, et parfois tout ça à la fois. Lorsque les marshals se déplaçaient pour voir la famille de ces fugitifs, ils découvraient généralement un milieu bel et bien propice aux dérapages et à l'absence de valeurs morales, et pouvaient parfois être agressés. Moins souvent, mais régulièrement aussi, les victimes ne se montraient pas plus exemplaires. Les citoyens exemplaires représentaient une minorité des fugitifs comme des victimes - encore que cette minorité restât plus importante qu'on eut pu le penser. Garder une distance émotionnelle par rapport aux populations les plus représentatives, ne pas tomber dans la discrimination, voire le racisme, était probablement un des dilemmes les plus difficiles des représentants de la loi ; aux États-Unis, comme ailleurs.

Se faisant raccompagner à la porte, Marlon récupéra son stetson et le reposa sur sa tête, le réajustant d'un geste machinal gravé par l'habitude. Tandis qu'elle le saluait, il sortit sur le perron, puis se retourna vers elle, hochant la tête silencieusement, laissant les bruits de la ville habiller le moment l'espace de quelques secondes, puis il rajouta quelque chose qui allait carrément contre ses prérogatives et ses droits ; mais il croyait que Miss Otto saurait en faire bon usage, et ne pas en abuser.

" Si jamais vous deviez vraiment être dans la panade, ou avoir besoin de sortir de chez vous, j'habite au 788. Vous sélectionnez Phelps dans la liste - ils n'ont pas encore remplacé le nom sur le panneau électronique. Si je ne suis pas là, un coup de fil, et j'arrive. Bonne soirée miss. "

Sur ces mots, il lui fit un signe et s'en retourna dans la rue, passant le portail, et prenant à droite, direction son immeuble, et son appartement tranquille. Une bonne chose avait été faite, ce soir ; et le quadragénaire avait trouvé une autre raison de se lever le matin : faire en sorte que Tia Otto puisse un jour dormir sur ses deux oreilles.