6 Février 2011.
366 jours,
J’ai appris par le dernier arrivant que nous étions le 6 février 2011.
366 jours. 366 jours que je suis enfermé ici. 366 jours que je n’ai pas vu la lumière du jour/ 366 jours que j’ai presque fini par oublier le sens du mot « liberté ».
J’écris en ce moment sur des bouts de papiers que j’ai eu l’opportunité de pouvoir récupérer dans ma dernière cellule. Je ne pensais pas avoir cette chance un jour. L’arrivée du nouveau a tout bouleversé. Il a fallu changer de lieu, d’environnement. Un an après, je me retrouve dans une nouvelle cellule, un nouveau lieu, mais au fond, elles se ressemblent toutes. Noire, froide, sale, nauséabonde. J’ignore exactement où nous sommes et je crois bien que même le nom ne m’aiderait pas beaucoup. On est sans doute trop loin des bases militaires de quelles qu’origines qu’elles soient.
Le nouveau m’a aussi dit être américain. Ce sont les plus courants par ici, enfin parmi ceux qui sont encore en vie. Je suis le seul anglais. Pour combien de temps encore ? Je vais sans doute mourir ici, je ne me fais aucune illusion. Un an, c’est trop long. On dit des otages dans le civil que les quarante-huit heures qui suivent sont décisives, qu’en est-il des otages de guerre au bout d’un an ? Je suis sans doute déclaré comme mort dans mon propre pays. Mort sans avoir jamais découvert la vérité. Triste façon de partir !
Vu l’état de mes dernières blessures, j’en ai encore pour quelques jours de souffrance, avant de me m’éteindre s’ils m’en laissent l’opportunité. J’ignore combien de temps un être humain peut encore supporter ce que chaque jour m’inflige. Au début, on tient grâce au mental mais quand le corps lâche. On aurait pu penser qu’ils se seraient lassés après tout ce temps. Il faut bien croire que non. Allez, encore quelques jours et cette cellule aurait sans doute un nouveau résident. Espérons que son calvaire soit moins long que le mien, qu’il meure plus vite à défaut de retrouver la liberté. S’il trouve ce que je suis en train d’écrire, il en pensera peut être ou alors il croira que je suis fou ou irréel. Irréel. Pas plus que ma vie en réalité. Une vraie tragédie de boulevard !
Je suis né dans les vieux faubourgs du port de Brighton, en Angleterre, de père inconnu. Pendant longtemps, ma mère s’est chargée de m’élever au moyen de petits boulots et puis est venu la mauvaise rencontre. L’occasion était trop belle, elle trop naïve. Elle a fini par devoir vendre ses charmes dans une maison close. La maison de mon enfance. J’ai connu les vices de l’humanité avant même d’apprendre à marcher. La plupart des femmes étaient gentilles avec moi et je croisais à vrai dire rarement les hommes. Une trop mauvaise publicité sans doute. J’ai découvert l’école bien plus tard que les autres mais je n’ai jamais eu beaucoup de retard. J’avais une chambre au grenier dont l’accès était interdit aux clients, j’y passé la majorité de mon temps. Les femmes qui n’avaient pas de clients se faisaient un plaisir de me rendre service, pour des devoirs ou autre chose. Les choses auraient pu être simples. Elles auraient pu être ainsi sans discontinuer mais je n’ai bientôt plus été seul. Un déni de grossesse et me voilà avec une sœur. Une demi-sœur d’un père aussi inconnu que le mien ! C’est elle qui a tout changé. Oh bien sûr, nous avons continué à vivre dans cet environnement mais elle a grandi. Elle est bientôt devenue belle et désirable pour les plus pervers des hommes qui se présentaient alors à la maison. Le geste de trop et un coup de couteau mal placé. Le mien. J’avais quatorze ans. C’était une nouvelle existence qui s’offrait à nous. Je sais ce que tu dois penser, que je suis cinglé. Peut être bien. Mais je ne pourrais jamais inventer une histoire pareille. Quel intérêt d’ailleurs ? A choisir, on prendrait plutôt un récit joyeux et sans encombres à faire tirer les larmes dans les chaumières. Mais ça serait mentir. Le début de ma vie aura été aussi misérable que la fin. Triste constat ! Puisses-tu ….
25 Octobre 2011.
Si j’avais su ; si j’avais imaginé que je serais vivant et encore là plus de 200 jours après. J’aurais peut-être utilisé ce qui me sert à écrire pour me tailler les veines ou la trachée.
627 jours au compteur. Mes blessures ont finalement fini par être guéri et moi d’être de retour dans la partie. De nouvelles cellules avant un retour dans cette antiquité qui ne m’avait pas manqué. Pourquoi me faire changer sans cesse, difficile à dire. Peut-être pour éviter que je ne m’y sentes confortable. Peut-être ont-ils oublié que j’ai été déjà dans celle-là auparavant ou bien les ai-je déjà toutes vues ? Qu’importe, elles sont toutes les mêmes et moi, je retrouve mes derniers papiers. Pas très joyeux, j’en conviens, bien plus que ma situation actuelle, je le crains.
Le récit du début de mon existence pathétique. Personne ne les aura lus finalement. Peut-être est-ce mieux ainsi. Ou alors les a-t-il laissés là ? Mon lecteur invisible. A moins qu’ils n’aient été plus plusieurs. A changer sans cesse de cellules comme moi. Ils ont du se demander ce que j’ai bien pu faire après mes quatorze ans pour finir dans cette cellule poisseuse ? Rien de bien glorieux en réalité. Après cet accident comme je l’appelle bien souvent, notre nouvelle existence ressemblait plus à une cavale qu’autre chose. Nous avons terminé à Londres. J’ai refusé que ma mère ne travaille dans quels que domaine que cela soit. Sa naïveté aurait tantôt de la ramener dans les bas-fonds. A quatorze ans, je pouvais largement les faire vivre toutes les deux, elle et Léandra. Je n’ai jamais repris l’école, préférant offrir mes services pour des travaux par-ci ou là. Une existence faite de petits boulots, parfois de quelques vols, lorsque les temps étaient les plus durs. Je crois pouvoir dire qu’elles ont quand même pu se nourrir à leur faim. La mince fierté que je puisse retirer de cette histoire. En grandissant, ma sœur a voulu m’aider, faire de même mais je l’ai toujours refusé. Je préférais de loin qu’elle poursuive les études que je ne ferais jamais. Il n’était pas encore trop tard pour elle. Les années ont passé et notre vie s’est finalement rythmée à ça, pendant près de trois ans. Jusqu’à son décès. Notre mère est tombée malade sans que nous ayons pu la soigner. Elle est morte au bout de quelques semaines à peine. Ma vie aurait alors pu perdre son sens, avec Léandra qui prenait de l’âge et se détachait peu à peu de nous, de moi. Mais ma mère a finalement profité de son lit de mort pour m’avouer la vérité, celle qu’elle m’avait toujours refusé.
Mon père était bien sans nom mais pas invisible. L’histoire voulut qu’il fût marin. Un marin reparti aussitôt à la guerre et qu’elle ne revît jamais. La vérité. Celle-là même que je ne connaîtrais jamais.
Qui parlait d’une vie pathétique ? Je suppose qu’après cela on devine assez facilement la raison de mon choix. Quand on est jeune et orphelin, on espère alors rendre fier cette figure invisible et sans nom en pratiquant la même honorable profession que la sienne. Oui, c’était bien ça, la raison de mon engagement. Elle a changé depuis, évolué, est devenue mienne mais c’est elle qui m’a attiré en premier, m’a fait choisir une carrière de marin.
L’étais-tu toi aussi, mon lecteur invisible ? T’ai-je croisé ? Es-tu mort ? Ou survis-tu ailleurs dans une autre cellule semblable à celle-ci ? A moins que tu n’existes pas et que je me contente finalement d’écrire dans le vide. Ou pour moi.
21 Avril 2012.
God Save the Queen! J’ai finalement trouvé une nouvelle feuille à noircir. Je suis surpris qu’on ne les ait pas encore trouvées. A moins qu’on n’y prête aucune attention ou que l’on n’arrive pas à me lire. Qu’importe ! Que peuvent-ils bien me faire de plus ?
Vingt-cinq mois. Combien encore a supporté ? Quand bien même je réussisse un jour à retrouver la liberté, je doute pouvoir me faire à la société. Comme si cela avait un jour était le cas. Non, si ce jour venait à arriver, je me préoccuperais seulement de voir les trois personnes qui comptent encore pour moi. Ces trois même qui font que la folie ne m’a encore prise et l’espoir pas complétement quitté. Sans doute me croient-elles mortes aujourd’hui. Ça serait mieux ainsi. J’ignore encore comment je trouve la force d’écrire.
Ces trois âmes. Léandra bien sûr. Quand je l’ai quitté, elle s’apprêtait à finir ses études. J’espère que c’est le cas aujourd’hui, qu’elle pourra faire la fierté de notre pitoyable famille.
Mais il y en a aussi deux autres. Quand je pense à l’une, je ressens de la douleur pour l’autre et inversement. Le cœur partageait en deux. Entre deux mondes, deux personnes, deux vies, deux identités. Je me console en me disant qu’ils ont tous les deux refaits leurs vies depuis. C’est un des avantages à être mort. J’avoue que j’aurais tout de même aimé leur dire au revoir.
A Candice d’abord. Elle a eu la malchance de me rencontrer en permission, il y a près de sept ans. Bien sûr, on s’est souvent revus par la suite. Si belle et si pure. Le rayon de soleil de mes permissions pendant mes premières années sur le champ de bataille. Si elle avait été là avant. Peut- être les choses auraient-elles été différentes. J’aime à penser qu’elle a fini par avoir la vie qu’elle souhaitait, elle aussi. Combien de temps depuis la dernière fois ? Trois, peut être quatre ans. Je prie pour que tu m’aies oublié, Candice. Que tu aies refait ta vie avec un homme présent, qui te rendrait heureuse. Que tu ne sois pas en train d’attendre un cadavre ou de le pleurer.
Et puis, il y a aussi Isaac. Oui, je sais, ce que tu penses, mon cher lecteur invisible dont j’ignore même si l’existence est réelle. Mais Ike, c’était différent. Pas vraiment voulu. Plutôt ce genre de choses qui te tombe dessus sans que tu n’aies rien demandé. L’alchimie. Instantané. Cela faisait déjà plusieurs années que j’étais en service, quand nos deux unités, issues de pays différents ont fini par travailler ensemble. Un changement incontrôlable.
J’ai toujours fait la part entre les deux. Pour être franc, j’avais même prévu de rompre avec Candice dès notre retour sur la terre ferme de nos ancêtres. Mais cela non plus, ça n’arrivera jamais. Ni la vérité, ni les adieux. Juste le silence.
Je sais que je vais mourir dans cet endroit, chaque jour qui avance m’éloigne un peu plus d’un espoir de retour au monde réel. Mourir dans le noir en plein désert. Peut-être demain. Peut-être ce soir. Peut-être encore dans quelques mois.
30 Septembre 2012.
Par où commencer ? Par le fait que je ne pensais jamais pouvoir réécrire de mon existence. Mes derniers mots à l’être anonyme qui me suivrait auraient dû être les derniers. Pourtant, aujourd’hui, je comprends que je pourrais continuer ainsi chaque jour qui me reste à vivre si je le souhaite. Le papier sur lequel j’écris maintenant n’a clairement plus la même saveur. Il n’est destiné d’ailleurs à personne en particulier. Juste à moi. Dans la continuité des autres. Juste pour le dire. Dire que l’espoir est un sentiment effroyable et merveilleux.
La liberté.
Oui, je suis libre. Qui pourrait le croire ? Trente mois après. 969 jours plus tard.
Ils ont pris le mauvais otage. L’otage trop important pour être laissé dans la nature comme nous autres. J’ignore encore les détails exacts de l’opération et je m’en soucie peu à vrai dire. Je tente plutôt de me réhabituer à la lumière du jour, à la lumière artificielle aveuglante, au son des voix, au son des bruits du monde occidental.
Après plusieurs heures d’observation, il a été déclaré que j’étais en relatif bon état de santé. Rien d’irréparable, sauf peut-être mon esprit. Je vais sans doute avoir droit à des heures de questions, à des interlocuteurs aussi diverses que variés, à des visites incessantes. L’agitation d’une vie que j’ai tantôt fait d’oublier. Il ne me tarde qu’une chose c’est qu’ils me laissent eux aussi. Je n’ai pas quitté mes geôliers du désert pour en retrouver d’autres chez moi.
A cet instant je ne pense qu’à une chose. Repartir pour les retrouver. Savoir comment ils vont. Savoir ce qu’ils sont devenus. Personne n’a pu contacter Léandra. J’ignore comment elle va. Mais les deux autres sont bien vivants, de retour dans leur pays. Franchir la frontière et l’Atlantique. Les revoir tous les deux et leur expliquer. Faire le deuil de leurs relations. Et avancer. Si je le peux. Mais par où commencer ?
Secret # Ironique # Déterminé # Sens de l’honneur # Perturbé # Insomniaque # Surdoué # Protecteur # Partagé entre plusieurs sentiments # N’est pas pudique # En quête de l’identité et de l’honneur de son père # Eprouve un profond mépris pour les hommes qui vont voir des prostitués # N’éprouve plus de respect pour les autorités, seulement pour les soldats. # Aime écrire # Aime la mer et les ports # Aime tirer # Ne supporte pas de rester plusieurs heures dans la même pièce # N’aime pas les questions # De très nombreuses cicatrices sur tout le corps # Fumeur
Deux semaines après son retour au pays, Siléas a finalement réussi à obtenir une autorisation pour partir aux Etats-Unis. Il espère en premier lieu y retrouver Candice avant peut être de revoir Isaac. Il ne désespère d’avoir enfin des nouvelles de sa sœur.
Accueil 
Ah et sûr de sûr hein, si on nous balance sous les projecteurs, il nous faut un lien tout les deux 
Heureuse que tu ais pu trouver ton bonheur grâce à la petite liste que je t'ai envoyée. Les personnages heureux il faut croire que ce n'est pas ici qu'on va les trouver ^^