I can't breathe but I still fight while I can fight.

Noah fourra ses poings dans sa veste. Maintenant qu'il avait arrêté de travailler, il s'ennuyait ferme. Au moins, au cabinet, il s'occupait, pensait à autre chose. Et maintenant, assis sur un banc à regarder la rivière, il n'avait que ça en tête. Et surtout son cerveau imaginait assez bien quelles auraient pu être les réactions familiales. Ouais, non, il valait mieux qu'il pense à autre chose. Ne servir à rien le déprimait, ce qui faisait qu'il s'ennuyait, donc qu'il repensait à une époque révolue. Et du coup, il déprimait. Cercle vicieux. Il se releva de son banc et traîna les pieds sur le chemin du retour. De toute façon, si il allait plus vite que ça, il allait finir pris d'une quinte de toux bien violente. Il arrivait au niveau de son immeuble quand il vit Eden pousser la porte, les bras chargés de sac de course. Eden était une étudiante en médecine avec qui Noah s'était vite entendu à l'hôpital. Elle, en quelque sorte, s'était attaché à lui, lui qui avait été totalement détruit le jour où il avait appris la mauvaise nouvelle. Enfin bref. Il força légèrement le pas et rentra dans le hall juste après elle ou presque. « Vous voulez de l'aide ? » Zorro était arrivé, essoufflé, à deux doigts d'éclater et de tousser à s'en arracher les poumons. Le tout avec son beau sourire sincère. Peut-être que ce fut son sourire, son insistance à être utile, qu'importe. Il montait les escaliers au côté de la jeune femme, gardant son sourire alors qu'il n'allait pas réellement bien. Mais c'était ça, Noah Edgerton. Aider les autres envers et contre tout.

[...] Edgerton posa le sac qu'il portait dans la cuisine d'Eden. Il poussa un soupir discret et prit une bouffée d'air. Oxygène, ah mon ami, oui. Il toussa rapidement. Mais éluda cette quinte par son sourire habituel. Ça lui faisait plaisir d'aider. Au moins, il servait à quelque chose. « Et voilà. » Alors que pouvait-on face à tant de gentillesse concentrée dans un seul être humain ?Bien sûr, le dit être humain avait eu une vie catastrophique et se coltinait un cancer maintenant. Allez savoir pourquoi. Maintenant qu'il s'était rendu utile, Noah allait repartir, remonter chez lui, se faire coule un bon bain chaud, et après il serait reposé et pourrait peut-être penser à faire autre chose. Noah regarda un instant Eden. « Je ne vais pas vous importuner plus longt.. » La toux qui le secoua l'avait pris par surprise. Il se plia sous le choc, se retenant au bord de la petite table d'Evans d'une main, se cachant la bouche de l'autre poing. Bonjour la discrétion et la simplicité. Il se remit droit et renifla. La douleur que cela lui provoquait lui avait fait monter les larmes aux yeux. L'inventeur du cancer allait s'en prendre une quand Edgerton serait remis. Il s'essuya le coin des yeux, gêné. « Excusez-moi.. Je vais vous laisser, ce sera mieux. » Voilà, ne pas s'enfoncer un peu plus. Parce qu'après, on allait le prendre en pitié. Et ça, c'était un peu ce qu'il ne supportait pas.

Spoiler:

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Courses. Cauchemar. Eden errait dans les rayons, du petit supermarché de Railway Place, lasse. Elle haïssait faire les courses car cela lui rappelait qu'elle devait encore se serrer la ceinture, son salaire n'étant pas assez élevé pour qu'elle puisse se permettre le moindre faux pas. Ayant hâte de rentrer chez elle, Evans se dépêcha de terminer ses achats et rentra chez elle les bras chargés de sacs remplis. Elle arriva, entra dans son immeuble avant de se faire interpeller par un voisin.

« - Vous voulez de l'aide ? »

Noah Edgerton. Patient à l'hôpital avec qui Eden s'était très bien entendue. Patient atteint d'un cancer du poumon. Et il lui arracha un sac de courses des mains sans attendre sa réponse. Eden grimaça, gênée, et commença à monter les escaliers en sa compagnie, voyant bien qu'il était en train de s'essouffler. Cependant le sourire sincère qu'il tentait de garder convaincut la jeune femme de le laisser porter ce foutu sac. Ils arrivèrent devant son appartement, elle ouvrit et laissa passer Edgerton par courtoisie avant de rentrer à son tour et de venir poser son sac de courses sur la table de la cuisine, elle même fatiguée par cette montée d'escaliers. Elle se tourna vers Noah en lui souriant.

« - C'est comme ça que vous suivez les recommandations de votre médecin ? Et désolée pour la sale odeur de nicotine. »

Elle s'en voulut quelques secondes sachant bien que cela ne pouvait pas arranger l'état du trentenaire. Après le sac, voilà qu'elle l'invitait dans une pièce aux senteurs de tabac. La brunette alla ouvrir une fenêtre rapidement puis revint dans la cuisine. Ils s'étaient rencontrés à l'hôpital, Eden était passée une ou deux fois lorsqu'il s'était fait diagnostiqué malade, et était restée, un peu. Pour le rassurer quant à la chimio, au traitement. Parce que c'était son boulot. Parce qu'elle devait le faire. Mais aussi parce qu'ils s'étaient très bien entendus, étant étrangement inconnus alors qu'ils habitaient le même immeuble. Chose qu'elle regrettait un peu car après avoir passé du temps avec lui, elle s'était rapidement rendue compte qu'il était doté d'une gentillesse sans pareille. Ce qu'elle appréciait beaucoup, mais qui l'avait aussi chagriné. Elle avait pesté contre le destin qui l'avait rendu malade. Ce qu'elle trouvait injuste. Idéaliste la jeune femme aurait préféré que son cancéreux soit un tueur en série ou... ou un violeur.
À cette pensée son coeur se serra un peu, et son sourire disparut, mais la violente toux qui s'empara de Noah la sortit rapidement de ses pensées, et elle le fit s'asseoir sur une chaise de sa cuisine, se haïssant. Stupide, elle était stupide de l'avoir laissé porter ces sacs trop lourds. La prochaine fois il pourrait le garder son sourire, elle n'en ferait rien. Il était malade. Et il devait s'en rendre compte, et s'adapter. Elle lui servit un verre d'eau, avant de venir s'asseoir à côté de lui en haussant un peu les sourcils.

« Hors de question ! Vous allez rester ici jusqu'à ce que ça aille vraiment mieux. Et pas la peine de discuter, je vous séquestre s'il le faut. »

Elle lui offrit son sourire, à nouveau, comme si de rien n'était, s'insultant pourtant encore de tous les noms imaginables et possibles, politiquement trop incorrectes pour les énumérer à haute voix.

I can't breathe but I still fight while I can fight.

« C'est comme ça que vous suivez les recommandations de votre médecin ? Et désolée pour la sale odeur de nicotine. » C'était bien ça, alors, cette odeur qui l'avait dérangé dès qu'il était entré. Il n'avait rien dit, mais l'odeur de la cigarette le dégoûtait. Quelle ironie. Il n'avait rien trouvé de plus désagréable que l'odeur du tabac en 32 années de vie, et il fallait qu'il se chope un cancer du poumon. « J'ai déjà l'impression de servir à rien, il m'a fait arrêter le boulot, alors.. » Pour ce qui était de la nicotine, il éluda par un regard du style On-ne-dira-rien-à-ce-sujet. Noah ne voulait pas s'inviter chez elle, ce n'était pas son but du tout, c'était pourquoi il lui disait qu'il allait la laisser quand la toux qui le secoua le plia sous le coup. « Hors de question ! Vous allez rester ici jusqu'à ce que ça aille vraiment mieux. Et pas la peine de discuter, je vous séquestre s'il le faut. » Elle l'avait obligé à s'asseoir et lui avait servi un verre d'eau. Il fallait croire qu'ils étaient en pleine réunion des gens serviables. Il la remercia, d'un sourire, et but une grand gorgée. C'était tout bête, mais boire lui fit un grand bien, réhydratant sa gorge asséchée par les quintes de toux. « Me séquestrer ? J'aimerais bien voir ça. » Petit sourire amusé. C'était avec ce genre de sourire qu'il avait séduit Carey, à la fin de ses études. Il passa une main sur son crâne, avec ses cheveux coupés courts. Il avait gardé les stigmates de son éducation bourgeoise. Son style de jeune premier ressortait parfois un peu. Il avait regardé ses pieds, un instant. Arriver comme un voisin serviable, se retrouver à nouveau coincé dans la peau du malade..

Edgerton but une nouvelle gorgée d'eau et reposa le verre. « Merci.. Pour l'eau. » Elle allait lui dire que c'était tout naturel. Il n'y prêterait pas attention. Parfois, penser ainsi lui donnait l'impression d'être resté dans un autre temps, mais la politesse et l'éducation étaient deux choses qui faisaient d'un homme un gentleman. Et tout ceux qui prétendaient que Dieu avait aussi à faire là-dedans, il leur aurait ri au nez, tout bonnement. Dieu, c'était un peu comme le père Noël. Et puis voilà. Noah se mordilla doucement la lèvre inférieure. Il avait l'impression qu'il allait arriver comme un intrus, encore. « Vous savez, je ne veux pas vous déranger, ne vous inquiétez pas, je vais bien.. ! » Il esquissa un sourire. Quand on arrive chez quelqu'un même avec toute la bonne volonté du monde, on ne pouvait que jeter un rapide coup d'oeil au sanctuaire qu'on pénétrait. Noah, lui, avait senti cette chose ; Eden vivait sur le fil au niveau économie.. Comme beaucoup de gens de nos jours diriez-vous. Cela peinait presque Noah de se dire que quelques mètres plus haut, il y avait un loft, son loft, avec son train de vie, celui d'un homme qui même si il ne jetait pas l'argent par les fenêtres, avait de l'aisance. Et encore, ce n'était rien à côté de l'Upper, ce quartier de gosses de riches qui avait été le sien. Il avait fait le bon choix en abandonnant ce monde. Il avait trouvé ce qu'il voulait. Des gens, des vrais. Avec d'autres problèmes que ceux d'enfants gâtés.

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

« - J'ai déjà l'impression de servir à rien, il m'a fait arrêter le boulot, alors.. »

Arrêt du boulot. Ennui. Eden savait bien ce que ressentait Noah puisque lorsqu'elle ne s'acharnait pas sur ses cours de médecine, elle s'ennuyait terriblement, seule. Alors généralement elle allumait la télé, regardait quelques séries policières en fumant tranquillement sa cigarette. Nicotine sur laquelle il n'ajouta aucune commentaire. Le teint pâle de la jeune femme se colora légèrement de rouge, et elle tourna la tête vers la fenêtre ouverte afin de se faire la plus discrète possible. Ainsi la timidité dont elle avait souvent été victime ne partirait pas en un claquement de doigts.

« - C'est pour votre bien, et vous le savez. Suivez les conseils qu'on vous donne, ils sont toujours bons à prendre, elle esquissa un petit sourire avant de regarder à nouveau Edgerton. Je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose simplement parce que vous ne faites pas attention. »

Et voilà que ses joues se teintèrent à nouveau. Idiote. Et l'idée qu'il puisse arriver quelque chose à Noah la chagrina un peu. Elle qui l'appréciait particulièrement. Elle s'imagina le fait que les choses puissent mal tourner. Que la chimio ne marche pas. Tenterait-il un nouveau traitement ? Evans n'en savait absolument rien, et cela avait le don de l'agacer. L'ignorance. Malheureusement elle ne le connaissait pas encore assez bien pour poser ces questions qui la démangeaient pourtant, ni pour être là. Elle avait toujours eu ce besoin irrépressible de sans cesse s'occuper des autres, même si avec lui c'était différent. Mais tout autant, voire même plus important. Parce qu'elle s'était beaucoup attaché à Edgerton en un laps de temps plutôt court. Quelque chose chez lui l'avait particulièrement touché. Chose qu'elle ignorait encore.

« Me séquestrer ? J'aimerais bien voir ça.
- Méfiez-vous, j'ai bien plus de force qu'on ne pourrait le croire. »

Il lui sourit. Eden fit de même. Evidemment qu'elle avait de la force. Cependant beaucoup moins que Noah, ce qui était plutôt amusant d'ailleurs. Il devait faire à peu près deux fois sa taille, et s'il le voulait pourrait la soulever très facilement.

« - Vous savez, je ne veux pas vous déranger, ne vous inquiétez pas, je vais bien.. ! »

La jeune femme vit alors Edgerton balayer son appartement du regard. Appartement vétuste, bordélique, et surtout pour le moment : appart' de dépannage. C'était la seule chose qu'elle pouvait payer le temps de ses études. Le loyer ne représentait rien pour ce secteur de la ville, pourtant il lui arrivait bien souvent d'être dans le rouge à la fin du mois. Et ainsi, lorsqu'elle se retrouvait à découvert, elle se débrouillait pour shooter plus avec Cass, ou travailler la nuit. Chaque mois le combat était le même : garder son appartement. Cependant elle n'était pas du genre à se plaindre, et même si il lui était arrivé à plusieurs reprises de payer la propriétaire de l'appart' en retard, elle s'était toujours débrouillée jusque là pour ne pas se retrouver à la rue. Si elle se faisait virer de chez elle, la petite brune se retrouvait seule, sans aucun endroit ou aller. Elle qui avait changé régulièrement de familles d'accueil n'avait jamais réellement tissé de liens avec les " parents " qui l'avaient accueillie. Même si Evans n'avait jamais douté de la bonne volonté de ces personnes, elle ne voulait certainement pas retourner dans une de ces familles. Aujourd'hui elle était indépendante, et cette indépendance, elle comptait bien la garder.
Ayant toujours ses yeux posés sur Noah, Eden lui répondit calmement.

« - Vous ne me dérangez pas. Je n'ai pas vraiment de programme pour la fin d'après midi. Vous pouvez rester ici, vraiment. Enfin si vous n'avez rien de prévu. »

En réalité, elle voulait qu'il reste. S'il partait elle allait sûrement se replonger dans ses cours, bossant jusque des heures tardives et abusives. Ou regarder la télé. Entre lui, les cours, ou la télé, le choix était très rapidement fait.

I can't breathe but I still fight while I can fight.

« Bon, si vous insistez pour me séquestrer.. » Noah esquissa un sourire en coin. Les autres, il avait toujours eu besoin de l'avis des autres, du regard des autres, du soutien des autres. Il s'était peut-être un peu trop replié sur lui-même avec l'annonce de son cancer. Il fallait s'ouvrir. Arrêter de faire la tête, de nier sa situation. Quand Noah avait jeté un coup d'oeil à l'appartement d'Eden, une autre chose lui avait aussi sauté aux yeux. C'était un appartement de personne seule, célibataire. Quelque chose qui pouvait être compréhensible quand on savait qu'Eden était en fac de médecine. Mais tout de même... Elle était mignonne. Avec ses grand yeux bleus. Edgerton, peut-être par politesse, parce qu'il n'allait pas rester là sans rien dire, ou tout simplement parce que ça l'intriguait, demanda : « Vous vivez seule ? C'est surprenant, vous êtes toute.. jolie. » Sourire qui se voulait gentlemen, pas du tout dragueur ou ce genre de chose. De un parce que ce n'était pas le style de Noah, de deux parce que Eden avait quasiment l'âge de sa petite soeur, de trois parce que... Ben parce que oui, Evans était toute jolie, toute mignonne. Noah se mordilla la lèvre inférieure. Il ne manquait plus qu'il ait dit une chose qu'il ne fallait pas dire sans s'en rendre compte. Il regarda le verre d'eau qu'il avait bu dans son intégralité, mais finit par relever son regard bleu-vert vers Eden.

« Ahum... Vos études de médecine se déroulent bien ? » Intérieurement, Noah poussa un soupir soulagé. Une idée de sujet qui ne risquait rien lui était venue, et il l’accueillait avec une très grande joie intérieure. Rester sur un blanc après un compliment aurait été la pire des choses qui puissent arriver. Le trentenaire gratta le haut de sa nuque, pas vraiment sûr de son coup, plus vraiment sûr de rien à vrai dire. Il esquissa un sourire en coin. Bah, il n'avait jamais réellement déclenché de drame... À part quand il était parti, quand il avait quitté l'enterrement de sa mère suite à l'horrible action de son père, et... Oui, en réalité, la liste n'était pas si courte que ça. Et à chaque fois ou presque, son père y était mêlé. Il y avait des fois, quand Noah cherchait dans le fin fond de son cerveau, il n'arrivait même plus à se souvenir de la façon d'être de son père avant qu'il ne change du tout au tout.

Spoiler:

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

« - Vous vivez seule ? C'est surprenant, vous êtes toute.. jolie. »

Elle remarqua le sourire qui accompagna cette remarque en premier lieu, mais décidément Edgerton avait le don de rendre Eden mal à l'aise. La jeune femme acceptait très difficilement les compliments sur son physique, corps qu'elle haïssait encore aujourd'hui plus que tout, souillé par le passé. Histoire qu'elle porterait jusqu'à sa mort. Histoire dont personne n'était au courant à Détroit. Elle avait préféré gardé cela pour elle, pensant que, si personne n'était là pour remuer le couteau dans la plaie, celle ci cicatriserait plus rapidement. Gênée, elle se mordit discrètement la lèvre inférieure. Comment allait elle pouvoir se justifier ? Evans ne voulait pas mentir à Noah, elle éviterait cependant de lui raconter toute la vérité. Vérité dont la plupart des hommes revendiquaient les bienfaits alors qu'en réalité c'était elle qui nous foutait en l'air. Bien que le mensonge fasse partie de l'ignorance, parfois celle-ci pouvait s'avérer être bien plus enrichissante que le savoir.
Tentant de répondre le plus calmement possible, elle reprit maladroitement.

« - Oui, euh... oui, je vis seule. Et... merci, c'est gentil. »

Elle venait probablement d'offrir à l'avocat une des réponses les plus remplies de sous entendus, cependant, elle espéra secrètement que celui-ci ne fasse pas attention au ton peu convainquant qu'elle venait d'employer. Au delà du fait que cette question fasse resurgir plusieurs souvenirs désagréables dans l'esprit de la petite brune, elle se demandait aussi pourquoi il lui avait posé la question. Peut-être que la couette sur le canapé lui avait indiqué qu'il lui arrivait parfois de s'endormir devant la télé, seule, ou bien aussi que l'inexistence de traces masculines dans l'enceinte de l'appartement lui avait mit la puce à l'oreille. Cependant pourquoi avait-il voulu savoir ? Elle se posait la question, retournant diverses hypothèses dans son esprit toutes aussi plus tordues les unes que les autres.
Cherchant un échappatoire et un moment de répit afin de se remettre les idées au clair, Eden se leva, prit un verre dans le meuble sous le lavabo et le remplit d'eau avant de lancer à l'attention du trentenaire sans pour autant se retourner.

« Vous avez encore soif ? Ou, souhaitez vous un café, ou n'importe quoi d'autre ? »

Sans attendre de réponse elle revint s'asseoir à ses côtés en posant à nouveau ses grands yeux bleus sur Edgerton. Elle but un peu d'eau, essayant à son tour de deviner ce qu'il pouvait bien cacher. Lui contrairement à Evans, devait être en couple. Sa courtoisie et son besoin maladif de s'occuper des autres avait bien du attirer plus d'une femme à son goût, bien que les rares fois où Eden était avec lui à l'hôpital il ne lui avait guère parlé de visites ou de personnes à contacter. Ce qui paraissait étrange pour la jeune femme, elle qui le trouvait si attachant. Finissant son verre d'eau tranquillement le regard toujours posé sur Noah, il reprit, tentant de briser ce lourd silence qui en disait probablement bien plus que les remerciements d'Eden quelques secondes plus tôt.

« - Ahum... Vos études de médecine se déroulent bien ?
- Oui elles se déroulent bien. C'est très fatiguant mais... ça va. D'ailleurs j'essaie d'avoir régulièrement de vos nouvelles par... votre médecin. »

Elle baissa la tête, se sentant idiote d'avoir relancé le sujet. Cependant elle ne pouvait pas s'en empêcher. Il était là à faire comme si de rien n'était, arborant un grand sourire alors que quelques minutes plus tôt il étouffait littéralement dans la cuisine. Elle n'était pas son amie, non, ils se connaissaient trop peu. Mais après tout c'était justement ça qui l'agaçait, ne pas le connaître, et ne pas pouvoir s'aventurer sur des terrains aussi glissants. Relevant un regard hésitant vers lui, elle enchaîna.

« Excusez moi de vous reparler de ça mais... Vous savez, tout va bien se passer. Tout ira bien. Tout doit bien aller, de toute façon. »

Malgré leurs nombreuses discutions à l'hôpital elle n'avait jamais parlé avec lui de ses émotions. De ce qu'il pouvait bien ressentir. Elle s'en était toujours tenu aux bavardages amicaux et aux charabia habituel d'un médecin tentant de rassurer un patient. Maintenant elle souhaitait juste être... une personne en rassurant une autre. Sans grade, sans oeil avisé, et même sans expérience s'il le voulait. Tout ce qu'elle souhaitait, au fond, c'était qu'il la considère autrement. Qu'il ne voit plus le futur médecin.

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Eden S. Evans & Noah A. Edgerton

« Oui, euh... oui, je vis seule. Et... merci, c'est gentil. » Il avait semé le doute en elle, l'avait désorienté. Et il s'en voulait déjà. Il fallait mieux qu'il change de sujet, qu'ils oublient cet écart. Les petites remarques étaient souvent celles qui semaient le trouble. Elle lui demanda si il désirait un café, ou autre chose. « Non, non, c'est bon. » Et avec ces quelques mots, le sourire vint tout seul. Un colosse au coeur d'or et au sourire indélébile. C'est ce qu'était Noah. Mais là n'était pas la question. Pour changer de sujet, il lui demanda si ses études se déroulaient correctement. « Oui elles se déroulent bien. C'est très fatiguant mais... ça va. D'ailleurs j'essaie d'avoir régulièrement de vos nouvelles par... votre médecin. » Il se doutait bien que faire Médecine n'était pas aisé et... Et attendez une seconde. Elle prenait couramment de ses nouvelles ? Ce fût discret, mais ses joues rosirent très légèrement. Il savait qu'elle s'était attachée à lui, à son cas, à son histoire. Et lui le lui avait assez bien rendu. Mais se dire que quelqu'un qu'il ne connaissait que peu s'intéressait réellement à lui, à ce qu'il devenait, de façon complètement sincère.. Oui, ça faisait chaud, très chaud au coeur. Elle semblait hésiter. Elle devait être à peu près aussi à l'aise que lui. Elle reprit : « Excusez moi de vous reparler de ça mais... Vous savez, tout va bien se passer. Tout ira bien. Tout doit bien aller, de toute façon. » Il releva son regard bleu-vert vers elle. De toute façon, tout le monde lui disait ça. Que tout irait bien, et bla et bla et bla. Noah n'était pas stupide. Il préférait qu'on lui dise la vérité, la vraie. Qu'il avait des chances de crever, un peu beaucoup à son goût, que ce ne serait pas facile, mais qu'il y avait un espoir, une lueur au bout du tunnel qu'il allait devoir emprunter.

« Si on écoute le corps médical, c'est juste quelques vacances, et puis c'est fini, on repart comme avant. Je suis pas stupide, et je ne veux pas vous critiquer, mais il faudrait parfois arrêter de nier pour "rassurer" les patients. J'ai beaucoup de chances d'y passer. C'est tout. » Il avait fini en baissant les yeux vers le sol. Il n'avait peut-être et même sûrement pas été tendre sur ce coup-là. Et il s'en voulait déjà un peu. Mais il prenait la chose ainsi. Il fallait qu'on soit réaliste. Un cancer, ce n'était pas rien. Loin de ça. « Excusez moi. J'aurais pas dû vous parler comme ça. Mais... C'est vrai. Faut arrêter de se leurrer. »

► CAPTAIN CORNFLAKES

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

« - Si on écoute le corps médical, c'est juste quelques vacances, et puis c'est fini, on repart comme avant. Je suis pas stupide, et je ne veux pas vous critiquer, mais il faudrait parfois arrêter de nier pour "rassurer" les patients. J'ai beaucoup de chances d'y passer. C'est tout. [...] Excusez moi. J'aurais pas dû vous parler comme ça. Mais... C'est vrai. Faut arrêter de se leurrer. »

Elle ne répondit pas. Se contenta de plonger son regard dans les yeux bleus-verts de Noah, triste, et agacée. Elle se leva, toujours silencieuse et entama le rangement de ses courses. Parce qu'elle ne savait pas quoi faire. Après tout que pouvait-elle répondre face à tant de conviction ? Mais elle avait tout de même réussi, à savoir ce qu'il pensait. Bien que sa réponse s'était avérée être provocante et désagréable. " Le corps médical ". Elle allait en faire parti, et même si Eden savait bien que cette remarque ne lui était pas adressée elle ne pouvait que se vexer. C'était leur boulot. Quelque chose d'hypocrite certes, mais qui permettait bien souvent de sauver des vies. des milliers de vies. Parce que si ils éteignaient le peu d'espoir qu'il restait aux malades ils ne tenteraient pas les opérations les plus lourdes, se résignant à leur mort. Ils étaient là pour ça. Penser toujours au meilleur même si leur raison savait bien que la résignation était parfois plus sage. Se retournant pour faire à nouveau face à Edgerton, elle croisa les bras sur sa poitrine et posa à nouveau son regard animé sur lui.

« - Oui c'est vrai vous avez des chances d'y rester. C'est vrai beaucoup de personnes sont décédées à cause de cette putain de maladie. Mais si vous ne croyiez pas à ce que le " corps médical " vous dit, vous vous résignerez. Si vous entamez la chimio c'est parce que, quoi que vous disiez vous y croyez. Et on est là pour ça, pour faire en sorte que les gens y croient encore. Pour qu'ils acceptent des opérations à hauts risques. Pour éviter la résignation de la mort. Qui ne tente rien n'a rien. Et puis de toute façon vous vous fixez sur quoi ? Des statistiques ? Des pourcentages ? Ca veut rien dire tout ça. Ca signifie rien. On en parle simplement pour donner une idée. Pour montrer que les chances de guérisons ne sont pas nulles. Mais y'a des personnes qui meurent tuées en regardant la télé. C'est quoi le pourcentage de survie quand on regarde la télé ? 99% ? Et pourtant ça arrive. On se leurre pas. On espère juste. Parce que c'est humain de penser au meilleur. Et parce que je sais que vous y arriverez. Parce que je crois en vous, et que j'espère. Encore. Excusez moi, mais ça me fait totalement flipper de vous entendre dire ça... Parce que j'ai peur que vous aussi vous vous résigniez. »

Voilà. Elle aussi venait de sortir ce qu'elle ressentait, ce qu'elle pensait. Et soit ce discours allait lui clouer le bec, soit au contraire la conversation deviendrait plus animée. Peut-être un peu trop. Et peut-être que cet échange se transformerait en vrai désastre. Si c'était le cas, Evans le savait, elle s'en voudrait longtemps, et tenterait tant bien que mal de se faire pardonner, arrivant probablement à l'usure, à son but. Mais elle n'avait pas pu simplement le laisser dire ça. Parce qu'il n'avait pas le droit de ne pas croire en lui, ni en la médecine. La réussite du traitement en dépendait un minimum.
Elle termina de ranger ses courses, se resservi un verre d'eau et vint se rasseoir en regardant Noah, sans rien rajouter. Tout était dit, du moins en grande partie.

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Eden S. Evans & Noah A. Edgerton

« ... On se leurre pas. On espère juste. Parce que c'est humain de penser au meilleur. Et parce que je sais que vous y arriverez. Parce que je crois en vous, et que j'espère. Encore. Excusez moi, mais ça me fait totalement flipper de vous entendre dire ça... Parce que j'ai peur que vous aussi vous vous résigniez. » L'espoir. C'était ce qui faisait vivre l'être humain. Il se battait, encore et toujours, parce qu'il gardait espoir. Il n'y avait qu'une seule chose plus forte que la peur ; L'espoir. Edgerton ne savait pas où se mettre. Il avait dit ça sous le coup de l'impulsion, de la frustration, il avait fallu que ça sorte. Il prenait sur lui depuis qu'on lui avait annoncé la mauvaise nouvelle. Il encaissait, et faisait tout pour rester droit, digne. Comme si son père pouvait le voir à chaque instant. Il n'était pas avec lui mais c'était devenu automatique. Toujours, toujours valoir le coup, être digne de ci ou de ça. Il la regarda se servir un verre d'eau et revenir s'asseoir face à lui. Il était un homme de 32 ans qui ne savait plus où il en était, essayait comme toujours de sauver les apparences mais... Mais sentait que face à tout cela, même avec ses quelques amis proches, même avec ce soutien qui arrivait dès qu'il prononçait ces mots... Il était seul. Il était seul dans ce combat, finalement. Avec des alliés, certes, mais il n'y avait que lui qui y risquait sa peau.

Il fallait croire que depuis que sa vie avait pris un tournant, l'impulsion arrivait bien plus souvent à prendre le contrôle de ce Noah guindé et respectueux des bonnes manières. Comme maintenant. C'était l'impulsion, mais tout resté si doux et mesuré avec lui... Il était dur de démêler les choses avec Noah. Il se leva de sa chaise et regarda l'espace d'une dizaine de secondes la rue par la fenêtre. Il avait fourré ses poings dans les poches de son gilet en laine, l'air un peu ailleurs. En même temps, il y avait de quoi. Enfin bref. Il reposa son regard sur Evans. Se tenant d'une main au rebord de la table, il se pencha vers elle. Et l'embrassa. Il allait se prendre une claque, c'était certain. Elle allait le traiter de pervers ou d'une autre insanité. Ou même de plusieurs noms d'oiseaux. Quand il se recula, un peu, rompant l'étreinte de leurs lèvres, il déclara, dans un souffle : « Je suis désolé, mais une amie m'a dit de faire tout ce que je voulais faire pour ne rien avoir à regretter si j'y passais. » Il esquissa un sourire. Hesther lui avait dit ça, et lui avait tout-de-suite pensé qu'il voulait juste continuer de vivre normalement. Finalement, sa collègue avait peut-être raison.

► CAPTAIN CORNFLAKES

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Elle resta là quelques instants, attendant une quelconque réaction. Réaction qui vint au bout d'une minute qui sembla une éternité. Après s'être levé et avoir hésité quelques secondes, Noah approcha son visage d'Eden et l'embrassa. Elle fronça un peu les sourcils, surprise, puis lui rendit son baiser tendrement, pressant ses lèvres contre celles d'Edgerton. Il recula légèrement son visage du sien et, déstabilisée, elle reposa ses yeux bleus sur lui, attendant une quelconque justification.

« - Je suis désolé, mais une amie m'a dit de faire tout ce que je voulais faire pour ne rien avoir à regretter si j'y passais. »

Elle pressa ses lèvres l'une contre l'autre et baissa la tête sans rien ajouter, car il n'y avait rien à dire. Étonnamment elle s'était laissée faire, et fut prise d'une furieuse envie de l'embrasser à nouveau. Evans qui depuis longtemps déjà avait toujours eu l'habitude de tout contrôler fut prise de cours, elle se leva lentement se trouvant à présent face à Noah, les yeux plongés dans les siens.

« - Vous... tu as sûrement raison. »

Elle détourna rapidement son regard et recula un peu, croisant les bras sur sa poitrine. Elle avait encore les idées embrumées cependant assez claires pour se poser des questions. Pourquoi l'avait-il embrassée ? Peut-être parce qu'il avait peur de terminer seul utilisant ainsi Evans comme substitut à une éventuelle solitude. Peut-être parce qu'il avait décidé de profiter, et qu'en réalité il n'en avait rien à faire. Elle était là à attendre une apparition divine qui peut-être lui permettrait de s'enfuir comme elle le souhaitait actuellement. Sans rien dire, les joues rouges, elle prit les deux verres encore posés sur la table et commença à les laver. Premier échappatoire, qui, elle le savait bien, ne durerait pas longtemps. Jusqu'à ce que Noah ajoute quelque chose. Jusqu'à ce que quelque chose se passe. Elle eut terminé rapidement, se retourna une nouvelle fois vers lui en s'appuyant contre l'évier.
Elle le regarda quelques secondes, puis, dans un élan d'impulsivité qu'elle même ne sut décrire elle s'approcha d'Edgerton et l'embrassa à nouveau en glissant ses deux mains sur sa nuque.
Stupide, elle était stupide. Mais pour une fois elle avait cessé de réfléchir, de penser, et s'était laissée aller à ce qu'elle voulait vraiment, même s'il lui faudrait probablement beaucoup plus de temps pour se l'avouer.

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Eden S. Evans & Noah A. Edgerton

« Vous... tu as sûrement raison. » Elle était passée du vouvoiement au tutoiement. En même temps, c'était assez compréhensible vu l'acte que venait de commettre Noah. Eden essayait de penser à autre chose, ça se voyait à cette façon un peu impulsive de vouloir rincer les verres. Et Noah ne savait plus vraiment où se mettre, maintenant. Il aurait fallu qu'il justifie ce geste, sans laisser de doute, pour évincer ce malaise grandissant. Mais Noah lui-même ne savait pas exactement ce qui l'avait poussé à faire ça. Impulsion. C'était venu du fond de son être, comme un appel à l'aide ou presque. Il allait peut-être se justifier, enfin, ou du moins essayer de briser ce silence pesant quand elle s'approcha de lui, passa ses deux mains derrière sa nuque et l'embrassa à son tour. Edgerton posa une main sur sa taille, lui rendant ce baiser. Quand leur étreinte se finit, leurs deux corps restèrent proches, et Noah chercha encore une fois ses lèvres. Un baise volé, rien qu'un. « On pourrait me prendre pour un homme qui se cherche une compagnie pour se rassurer sur ses qualités, mais c'est pas mon genre - Petit sourire. - V.. Tu sais... Je sais même pas réellement pourquoi j'ai fait ça. Mais je suis pas le genre d'abruti qui joue avec les filles avant de les jeter dans le caniveau. Je.. »

Noah perdait rarement ses mots. Jouer avec, les manier pour toucher au but, c'était son travail après tout. Mais là, il ne savait plus; Où il en était, qu'est-ce qu'il était en train de faire, pourquoi... Il ne savait pas, plus. Il chercha dans les grands yeux bleus et clairs d'Eden une réponse à ses propres interrogations, comme si elle savait, elle. Le fait est qu'ils étaient deux êtres à la dérive, perdus en pleine mer sur une misérable barque. Et maintenant qu'ils s'étaient croisés, l'instinct leur disait d'unir leurs forces. Noah se recula un peu à l'instant même où il sentit la quinte de toux venir. Il se tint à la table d'une main, l'autre fermée en poing devant les lèvres, et essaya de faire passer la toux qui lui déchirait les poumons. Mais quand la gêne passa, il resta dans la même position, un instant, comme si il réfléchissait, alors que son cerveau, son esprit ressemblait à la fois à un vide-grenier et une pièce vide. Tout et son contraire s'entrechoquaient dans les méandres de son crâne. Il se reposa son regard sur Evans, mais baissa un peu les yeux, presque comme un petit garçon. Que faire, que dire ? Il n'arrivait plus à suivre, à se suivre.

► CAPTAIN CORNFLAKES

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Et il l'embrassa, une nouvelle fois, avant de rompre la douce étreinte qu'elle regretta aussitôt. Etreinte qu'elle avait provoqué sans pour autant savoir pourquoi, question qui tourbillonnait dans son esprit, la déstabilisant d'autant plus. Eden retira lentement ses mains dans la nuque de Noah en effleurant son cou d'un doigt puis croisa à nouveau les bras, restant cependant proche d'Edgerton. Parce qu'elle n'osait plus bouger, comme paralysée par l'atmosphère pesante qui prenait peu à peu place. Elle redressa un peu la tête, pour voir sa réaction. Pour savoir, elle qui était à présent totalement perdue entre sa raison et sa volonté. L'esprit embrumé, elle tenta malgré tout de comprendre ce que Noah ajouta à mi-voix.

« - On pourrait me prendre pour un homme qui se cherche une compagnie pour se rassurer sur ses qualités, mais c'est pas mon genre. V.. Tu sais... Je sais même pas réellement pourquoi j'ai fait ça. Mais je suis pas le genre d'abruti qui joue avec les filles avant de les jeter dans le caniveau. Je.. »

Elle fronça un peu les sourcils, totalement déstabilisée, et tenta tant bien que mal de ne rien laisser paraître. Des années qu'elle fuyait, qu'elle se terrait, ignorait, et évitait ça. Ca. Un contact, n'importe quelle trace d'attachement, ça. Tout à la fois mais pourtant rien de démonstratif, de descriptible. Des années qu'elle s'oubliait, qu'elle restait dans sa ridicule petite carapace afin de se protéger. Détruit en un instant de sincérité, par quelque chose d'inconnu. Eden n'ajouta rien, ne sachant quoi dire, et redressa brusquement la tête en entendant Noah tousser. Elle se dirigea vers l'évier, lui resservit un verre d'eau et attendit que sa toux se calme avant de venir contre lui et d'enrouler ses bras autour de son cou, le serrant contre elle. Elle glissa son visage dans le creux de son cou, se tenant tout juste sur la pointe des pieds, les larmes aux yeux. Elle empêcha cependant celles-ci de couler souhaitant toujours tout contrôler. Edgerton sans le savoir venait de bouleverser la plupart de ses certitudes, et elle était terrifiée. Morte de trouille, car elle se savait sincère. D'autant plus apeurée par l'état de Noah qui l'inquiétait beaucoup plus qu'elle ne l'avait laissé paraître jusque là.
Elle resta là, dans ses bras, plusieurs minutes. Parce qu'elle s'y sentait bien. Parce que cela lui permettait de ne pas craquer. Parce que, son visage étant caché, elle pensait pouvoir échapper au périple d'avoir à confier ses émotions et sentiments auprès de lui.

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Eden S. Evans & Noah A. Edgerton

Ils étaient aussi perturbés l'un que l'autre. Plus vraiment sûrs de rien. Noah n'ajouta rien à ses propos. Il n'aurait même pas su quoi dire, de toute façon. Eden semblait réagir à chacun de ses mouvements, et quand la toux le prit, il se retrouva rapidement avec un verre d'eau pour se désaltérer. Tout ça le mettait mal à l'aise. Il lui fit un merci silencieux. Toutes ces histoires... Pourquoi diable avait-il fait ça ? C'était la question qu'il se posait alors qu'Evans vint enrouler ses bras autour de son cou et le serrer contre lui. Il pouvait sentir son souffle chaud dans son cou. Il ferma les yeux et baissa un peu la tête. « Je.. » Il avait tenté d'articuler quelques mots. En vain. Aucun son n'était passé, et il s'était résigné. Il se recula un tout petit peu de l'étreinte d'Eden. Il ne savait plus exactement si ce qu'il faisait été réel ou juste dans sa tête. Tout ça... L'avait encore chamboulé de l'intérieur, le rendant totalement incertain. Il plongea son regard bleu-vert dans les deux lacs glacés qu'étaient les yeux d'Eden. « Je devrais peut-être pas être là.. Il faudrait mieux que je m'en aille. » Et il était difficile de savoir si ses propres mots arrivaient à le convaincre lui-même.

Noah se mordit la lèvre inférieure, détournant le regard vers un autre point que les yeux d'Eden. Elle avait.. 21, 22 ans ? Il en avait 32. Dix ans, me diriez vous, ce n'était rien. Mais la référence habituelle lui revint en mémoire. Abby avait 19 ans, maintenant. Et il ne se serait jamais vu fréquenter une de ses copines. 19, 20, 21, 22.. Il n'y avait rien encore entre ces âges. Il faisait peut-être une connerie. Sûrement même. Doucement, il dégagea les mains d'Eden de son cou. Et puis se détourna et s'appuya contre le mur le plus proche d'une main, massant ses paupières de celle qui lui restait libre. Il se mordit l'intérieur de la lèvre. De toute façon, depuis qu'il avait appris la mauvaise nouvelle, il avait l'impression qu'il ne contrôlait plus vraiment ses émotions. J'fais plus rien comme avant. T'façon j'peux plus rien faire comme avant. Mon corps, mes réactions ne m'obéissent plus forcément. Dans deux mois et quelques je commence la chimio... Je vais me retrouver chauve, encore plus exténué, incapable de quoi que ce soit. « ... C'est pas le cancer, c'est moi qui me tue à petit feu. » Noah ne s'était pas forcément rendu compte qu'il avait prononcé la fin de sa réflexion à voix basse. C'était lui, à nier et vouloir garder chaque parcelle de son autonomie, qui se détruisait. Il ne coopérait pas. Ce n'était pas qu'il ne s'avouait pas vaincu, après tout beaucoup de malade ne s'avouaient pas vaincus... Non, il ne s'avouait pas réellement en détresse, avec un besoin d'aide.

► CAPTAIN CORNFLAKES

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Ils restèrent là, quelques instants. Incapable de quoi que ce soit. Incapable de bouger, ne serait-ce que de parler. D'expliquer. Et surtout, oui, de comprendre. Tout du moins d'essayer. Parce qu'elle ne comprenait pas. Pourquoi. Comment. Dans quel but. Rien, au fond, elle ne savait rien, et ses grandes théories et toute les connaissances qu'elle avait acquises jusque là ne lui étaient d'aucune utilité. Pas dans ce domaine là. Les règles n'étaient pas les mêmes, et la seule qui était réellement instaurée, au fond, c'était que rien n'était réglementé. Evans qui depuis son enfance avait été bercée par l'ordre et le soin se retrouvait totalement perdue, sans un seul point de repère, si ce n'était Noah. Noah qui l'avait embrassée, et qui essayait d'articuler une phrase, peut être même un simple mot. En vain. Et le simple fait de sentir le souffle chaud d'Edgerton dans son oreille valut à Eden un long frisson, parcourant son corps entier. Il recula, un peu seulement, et retira les mains de la petite brune afin d'achever l'étreinte qui jusque là leur servait de sécurité. Qui jusque là lui avait permis de se taire, laissant ses gestes parler à sa place. Au fond, eux en disaient bien plus, et mettre des mots sur ce qu'il venait de se passer était une tâche délicate pour elle. La tête baissée, elle se mordit la lèvre, croisant à nouveau les bras. Tant qu'elle ne croisait pas son regard, tout irait bien. Parce qu'au fond, c'était ses yeux qui la perturbaient. Bien plus que ses mots, bien plus que ses baisers.

« - Je devrais peut-être pas être là.. Il faudrait mieux que je m'en aille. »

La fuite. Peut-être était-ce la meilleure solution mais Eden ne pouvait s'y résoudre. Elle s'était sentie bien quelques minutes auparavant. Bien, et en sécurité. Sentiment qui l'avait abandonné depuis longtemps déjà, et qu'elle avait hâte de retrouver. Inconsciemment c'était lui qu'elle voulait. Lui et tout ce que cela impliquait, lui et ses trente-deux ans. Mais ça, même son côté le plus fou n'y pensait pas. Il ne s'en rendait pas compte, parce qu'elle était toujours sur ses gardes, se refusant perpétuellement d'apprécier, d'adorer, ou même d'aimer. Son coeur voulait qu'il reste. Son esprit voulait qu'il parte. Et cela faisait déjà quelque temps que celui-ci avait priorité sur ses sentiments.

« - Tu... tu peux partir si tu veux. »

Six petits mots. Assez pour répondre. Assez pour que sans le savoir à ce moment précis, elle se détruise elle-même. Une fois de plus. Et surtout, volontairement. Masochiste. Voilà ce qu'elle était. Une masochiste qui restait bloquée depuis des années sur les parties sombres de sa vie. Au fond, c'était pour cela. Elle ne s'était jamais autorisé à oublier, à tourner la page, à accéder à un semblant de bonheur. Si aujourd'hui elle se retrouvait incapable de retenir les gens qu'elle aimait, c'était de sa faute. Elle avait choisi de se faire poursuivre par ces fameux " démons du passé " que chacun possédait. Tout était de sa faute. Elle n'était pas la victime, loin de là. Eden Suzanne Evans était son propre bourreau. Et elle venait littéralement de se briser le coeur, sans pourtant s'en rendre compte, celui-ci étant déjà à moitié endolori.
Elle vit Edgerton, s'appuyer contre le mur en brique face à elle, pensif. Qui ne pouvait pas l'être à ce moment là ? Peut-être était-ce une preuve de sincérité que de le voir ainsi se torturer l'esprit. Car après tout, si cela ne comptait pas pour lui, il ne s'attarderait sûrement pas sur une gamine âgée de sept ans de moins. Voilà ce qu'elle devait être à ses yeux. Une gamine. Rien de plus, rien de moins. Mais certainement pas le genre de femme qu'il embrassait. Tout du moins pas jusque là. Après quelques secondes de réflexion, la voix à peine audible de l'avocat sortit Eden de ses pensées.

« ... C'est pas le cancer, c'est moi qui me tue à petit feu. »

Elle redressa la tête, regardant cependant cette fois-ci Noah dans les yeux, sans un battement de cils. Sans vaciller ne serait-ce qu'une seule fois. Evans ne connaissait pas son histoire, et visiblement celle-ci le faisait encore souffrir. Peut-être qu'au fond la plus grande crainte de l'homme imposant qu'il était n'était pas celle à laquelle on s'attendait. Le cancer pour lui était peut-être moindre, bien qu'il ne puisse l'ignorer. Elle voulut s'approcher de lui, et fit un pas, laissant encore un bon mètre entre eux. Il en était mieux ainsi, après tout. Et elle le regardait toujours. Le genre de regard, qui questionnait. Mais aussi était là pour rassurer. Parce qu'elle l'avait vu, il lui avait montré, qu'il avait la trouille. Même si la fierté l'empêchait de se livrer intégralement. Alors elle resta là quelques secondes à le regarder.

« - Tu sais Noah, j'peux être là. J'demande que ça même... c'est pas un jeu. Et... Et j'crois que j'suis prête à être là. Alors s'il y a quoi que ce soit, tu peux me le dire. N'importe quoi. »

Dire, un peu de sa propre pensée. De ce qu'elle voulait. Peut-être qu'il comprendrait que dans son doute se cachait autre chose. Peut-être qu'il comprendrait qu'elle disait bien souvent l'inverse de ce qu'elle souhaitait. Et surtout, que la part sombre qu'elle entretenait avait pour but de la protéger. Eden prenait simplement soin d'elle. Qu'importe les conséquences, tout ce qu'elle voulait, c'était continuer à vivre, sans risquer de sombrer une nouvelle fois. Elle avait cependant une certitude. Jamais elle n'entraînerait Noah dans sa chute.

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

Eden S. Evans & Noah A. Edgerton

Un gros mètre les séparait. Un fossé qui s'enfonçait jusqu'au plus profond des entrailles de la Terre. La barrière du silence, de l'amertume, des regrets, des responsabilités et des souvenirs. « Tu sais Noah, j'peux être là. J'demande que ça même... c'est pas un jeu. Et... Et j'crois que j'suis prête à être là. Alors s'il y a quoi que ce soit, tu peux me le dire. N'importe quoi. » N'importe quoi. Et déballer, tout déballer, sur cette vie qu'il avait abandonnée ? Edgerton lâcha le mur et releva enfin les yeux vers Eden. Quand il avait déclaré qu'il aurait peut-être dû s'en aller, elle ne l'avait pas contredit. Peut-être sous l'effet d'un esprit brouillé par beaucoup trop de choses, certes. Mais il aurait mieux fallu qu'il parte, et arrête de lui faire du mal avec ses états d'âmes et... ces baisers impromptus. Qu'il rentre chez lui, s'écroule contre un mur, se recroqueville sur lui et se vide, entièrement. De ses sentiments, de ses souvenirs, des litres de liquide lacrymale qui n'attendaient que ça, pouvoir se déverser et inonder une grande carcasse, sa vie, son monde. C'était peut-être un peu tout ce qu'il méritait, de toute façon. Le fils à papa qui avait toujours échoué à ses yeux, le lâche qui a abandonné une vie pour se reconstruire, celui qui ne fait pas attention à lui car aider les autres est sa grande priorité... Et Noah, Noah tout court, ce type qui avait un cancer et ne faisait plus que du mal, maintenant, avec ses réactions qui lui échappaient parfois un peu et ces mots trop durs à prononcer et à entendre.

« Excuse-moi, pour tout ça. » Enfin, quelques mots avaient réussi à passer la barrière de sa gorge serrée. Il avait baissé les yeux en disant cela. Il jeta un dernier regard à Eden. Il se faisait du mal, il lui faisait du mal. Il fourra les poings dans les poches de son pull en laine et se détourna. Rentrer à la maison. Et arrêter, oh bon sang, arrêter de détruire les gens en partant d'une bonne intention. Il traversa l'appartement jusqu'à la porte. Ne pas se retourner. Il se briserait le coeur, si il se retournait et cherchait à se faire pardonner de toutes ces choses. Il posa la main sur la poignée. Se mordit la lèvre inférieure alors qu'il fermait les yeux. Il prit une inspiration, ouvrit la porte et sortit de l'appartement. Il grimpa les escaliers quatre à quatre, presque en apnée. Atteindre son loft, et laisser aller tout ce qu'il essayait de contenir. Il poussa sa porte de l'épaule, secoué d'une violente toux. Monter des escaliers en se pressant, c'était pas mieux qu'un marathon. Il réussit à atteindre sa salle bains, et se tint au lavabo alors qu'il s'arrachait les poumons. Cracher du sang. Encore. Il fit couler un peu d'eau et se pencha pour tremper ses lèvres au filet qui coulait du robinet. Et puis il se laissa glisser contre le mur jusqu'à se retrouver assis par terre. Il cala la tête en arrière, et ferma les yeux. Il ne faisait plus que des conneries, depuis qu'on lui avait appris qu'il était malade...

► CAPTAIN CORNFLAKES

Spoiler:

featuring. Noah A. Edgerton

« I can't breathe but I still fight while I can fight. »

« Excuse-moi, pour tout ça. »

Il se contredisait. Quelques minutes auparavant se justifiait afin d'expliquer le pourquoi du comment, et enfin avait décidé de s'excuser. Comme si c'était de sa faute. Elle leva les yeux vers lui, un peu énervée, mais resta muette cependant. Le silence cette fois-ci en dirait bien plus que les mots. Il prenait la fuite, et, au fond, c'était la meilleure des solutions. Rien de tout cela n'aurait du arriver. Qu'allait-il se passer maintenant ? Ils allaient tranquillement reprendre leurs vies respectives et faire comme si rien ne s'était passé ? Probablement. Eden n'aurait jamais le courage de revenir vers lui. Et elle savait pertinemment que le simple fait de le croiser dans la cage d'escalier de l'immeuble, à la superette du coin, ou encore à l'hôpital créerait un malaise entre eux deux. La personne avec qui elle se sentait le plus à l'aise dernièrement deviendrait alors " la personne à éviter ". Puéril. Pourtant c'était bien ce qui allait se passer. Elle fuirait à son tour, résignée. Comme bien des fois, elle éviterait encore les complications. Les troubles, la perte d'un pseudo-équilibre qu'elle pensait avoir trouvé. Equilibre basé sur l'oubli. Equilibre instable. Equilibre qui vacillerait au premier coup de vent. Coup de vent qui venait de se produire.
Edgerton la regarda une dernière fois. Elle resta de marbre, soutenant le regard jusqu'à ce qu'il se retourne et se dirige vers la porte. Silencieux, et sans même se retourner. Eden s'appuya contre la table de la cuisine et prit une grande inspiration. Ne rien faire. Laisser aller. Tout irait bien. Tout serait terminé. Elle ferma les yeux. Quand elle les rouvrirait, il serait parti. Evans entendit la porte se fermer mais garda cependant les yeux clos, comme pour se protéger de la réalité. Elle inspira une seconde fois, et avala sa salive. Salive qui avait un goût étrangement amer.
Elle rouvrit les yeux quelques dizaines de secondes plus tard et se dirigea vers la salle de bain. Une douche bien froide,voilà ce qui lui permettrait de remettre ses idées au clair.

Terminé & à verrouiller