Jordan Ҩ Payton

Contact du sable chaud sous ses pieds, caresse du soleil sur sa peau alors qu'il courait sur la plage bordant Railway Place. Toute cette chaleur ne serait certainement pas suffisante pour réchauffer son cœur mort depuis belle lurette. Vivant en apparence, mais mort à l'intérieur. Pour sentir le muscle présent à l'intérieur de sa cage thoracique battre, il était prêt à toutes les fantaisies. Plaisirs artificiels qu'il aimait un peu trop à consommer, tout comme il se plaisait à vivre dangereusement. Traverser une route sans regarder à droite, ni à gauche. La mort en personne n'avait pas voulu de lui une première fois de toute façon, pourquoi voudrait-elle de lui une seconde fois ? C'est ce que Payton était en train de se demander alors qu'il faisait son footing matinal, son casque de musique sur les oreilles. Stairway to heaven accompagnant la moindre de ses foulées. Quotidiennement, il venait sur la plage afin de courir et de faire le vide. Vide abyssal qui peuplait maintenant son esprit, tout comme sa vie. Depuis qu'il avait quitté en catastrophe l'académie du FBI en Virginie, suite à un attentat dont il avait été la cible première, la vie de Payton avait pris un bien drôle de tournant. Déjà assez fragile psychologiquement, ayant toujours eu un terrain dépressif de type génétique, les évènements survécus lors de l'année 2009 n'avaient pas contribués à le rendre plus fort, bien au contraire. Peu à peu, sa carapace s'était fissurée, jusqu'à imploser littéralement. Succession d'horreurs après ce fameux jour, où il avait cru perdre la vie en sautant gaiement sur la bombe déposée presque à ses pieds, par ce fumier de kamikaze.

Des gouttes de sueur perlaient à la surface de son front alors qu'il allongeait la foulée. A cette heure-ci, il n'y avait pas grand monde sur la plage. Parfait, l'ancien analyste avouait sans vergogne avoir un peu de mal avec la foule ou bien même les gens en général, et ce à quelques détails près. Hormis quelques ami(e)s, qu'il pouvait clairement compter sur les doigts d'une seule et même main, et des membres de sa famille, les autres êtres humains lui causaient souvent une importante poussée d'urticaire. Foutues phobies, foutus tocs, putain de terroriste qui avait emporté sa joie de vivre mais aussi une bonne partie de ce qu'il était à l'époque. Carcasse ambulante qui tentait malgré tout de continuer à avancer, coute que coute à présent. Sa seule raison de vivre se situait encore en sa fille, Enaëlle. Fille à laquelle il n'avait même pas pensé, alors qu'il jouait à tarzan au bout de sa corde, sur la mezzanine de leur maison. Tout ça ne rimait à rien, il en avait aujourd'hui conscience. Son égoïsme lui donnait la nausée. A cause de ça, il avait perdu sa femme et fait voler en éclat leur famille. Il était impardonnable.

Arrivé à l'extrémité de la plage, il ralentit la cadence et se mit à marcher, précautionneusement, il s'empara de ses baskets et les enfila. La foule commençait à abonder, il était grand temps de rentrer avant de se trouver mal. Un pas, puis deux et son regard s'arrêta sur une jeune femme aux longs cheveux bruns. Payton l'aurait reconnue entre milles. Jordan, une jeune femme qu'il connaissait plutôt bien, qui l'intriguait pour tout avouer, bien qu'il ne le reconnaitrait certainement jamais haut et fort. Il s'approcha d'elle et commença à signer un « Salut, tu vas bien ? ». Ses gestes étaient assez brouillons, il s'était mis à la langue des signes depuis peu. Décision de sa part pour pouvoir mieux communiquer avec elle, qui l'étonnait à la fois et le désarçonnait aussi comme personne, même pas Mlle Ainsworth. L'absence de communication verbale était la base de leur lien, cela semblait apaiser l'ancien profiler. « Qu'est-ce que tu fais là ? » signa-t-il en employant certainement les mauvais signes.

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