Face à la fenêtre, torse nu, dans un motel miteux de Détroit, Stiles observait le mouvement de la rue. Le soleil levant faisait à la lumière ressortir les multiples blessures par balles que comptait son torse. Un souvenir de la prise d'otage de l’hôpital de Londres. C'était il y a deux ans. Il avait bien failli y rester ce jour-là. Enfin. Il serait mort. Il en aurait enfin terminé avec cette pitoyable existence qu'il parcourait à la manière d'un zombie. Mais comme toujours, cette maudite fatalité en avait décidé autrement. Quelques mois de coma et rien de plus. Pas même un état suffisamment critique pour qu'on veuille le débrancher. Il s'était réveillé. Encore. Oh il n'était pas suicidaire. Pas vraiment. Jamais il n'avait tenté volontairement t'attenter à sa vie. Aucune tentative de suicide à l'horizon, ni avant, ni maintenant. Non, il était juste amorphe. Pressé d'en finir quand la mort se déciderait enfin à le prendre. Il s'était découvert un nouvel objectif bien sur. Trouver sa sœur avant de partir en quête du meurtrier d'Irving. Mais était-ce bien suffisant ? Que ferait-il après ? Ses recherches pour retrouver Joanny touchaient au but. Le plus dur restait sans doute à faire, mais que ferait-il alors ? Le tuerait-il ? Et après ? Après avoir accompli sa vengeance comme il aurait pu, que ferait-il ? Se fier à ses principes vaudraient-il encore la peine ? Ou alors trouverait-il enfin satisfaction ? Il savait bien au fond de lui que ça ne serait jamais le cas. Quand bien même son frère serait vengé, il n'en ressortirait pas vivant pour autant. Il était mort et c'était irréversible. Jamais il ne reviendrait. Rien, pas même la vengeance ne pouvait changer cette évidence. Le deuil alors peut être, enfin. Peut être.

Las et éreinté par une nuit agitée et pauvre en sommeil, il quitta la vue de la rue pour rejoindre la salle de bain. D'un geste machinal, il mit un des premiers tee-shirts qui lui tombait sous la main et mécaniquement tenta de faire quelque chose de sa tignasse de cheveux. Un sourire forcé au visage cerné dans la glace et un soupir. Il quitta la pièce, jeta quelques affaires qui trainaient dans un coin de la pièce et partit de sa chambre de motel. Il salua rapidement l'homme derrière le comptoir de l'accueil puis faisant jouer les clés dans sa main, il rejoignit sa voiture. Son taxi. Il désactiva le signal et prit le chemin de l’hôpital comme tous les matins depuis son arrivée. Il parcourut plusieurs avenues, tripota machinalement la radio, maudit le conducteur devant lui, se retint de hurler, jeta un œil rapide à son téléphone, manqua de griller le feu rouge, rejoignit le parking de l’hôpital, comme tous les matins.
Il sortit de sa voiture et salua amicalement une de ses nouvelles collègues répondant au prénom de Karen. Ils prirent ensemble la direction de l’hôpital et des vestiaires. Il se changea rapidement, ne laissant à personne le temps de remarquer ses balafres immondes et saisissant son bipeur partit prendre son service Quel médecin allait-il maudire aujourd'hui ? Quel chirurgien prétentieux viendrait encore le ramener à son simple statut ? C'était la valse quotidienne et comme toujours, il passerait outre. Il connaissait son travail, à la perfection. S'il l'avait voulu, il aurait pu avoir la garde au dessus mais il n'avait pas envie de retourner sur les bancs de l'école qu'il avait quitté dix ans plus tôt. Tout juste avait-il tenu à passer le concours d'aide-soignant même en ayant le niveau au-dessus. Ce job, c'était un gagne-pain, un moyen de passer le temps juste et prenant. Rien de plus.

Ce matin-là pourtant, il ne serait pas seul pour travailler. Il était là depuis trop peu de temps pour être habitué mais connaissait un peu ce système dans son pays. Des étudiants en médecine étaient alors présents pour parfaire leurs connaissances. Le chef des résidents leur annonça la nouvelle peu avant leur arrivée. Pour Stiles cela ne changeait pas grand-chose. Il n'était pas encore titulaire, il avait donc peu de chances d'être concerné. Ce qui le déranger plus en revanche, c'était le manque de personnel à la mine. Il allait encore devoir outre-passer ses simples fonctions et il n'aimait pas ça. Cela pouvait revenir à mettre la vie de quelqu'un en danger et cela l'insupportait.
Les étudiants finirent rapidement par arriver et Stiles les observait du coin de l’œil tandis qu'il faisait le tour des patients déjà là. Pour l'heure, rien d'extraordinaire, certaines pathologies étaient même navrantes de banalité mais il répondait toujours sur le même ton. Professionnel, calme, rassurant, parfois même souriant. C'était rare, c'était l'une des rares circonstances où cela se produisait désormais. Il s'arrêta toutefois sur un patient et puis observait qu'il n'était pas seul. Il accueillit la jeune étudiante avec un sourire poli mais sans mot. Il prêtait plutôt attention au cas en face de lui. Moins ordinaire mais pas forcément dangereux. Du moins en apparence.
Le cours de la matinée changea quand il se mit à convulser.

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Abandonné & verrouillé

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